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Métaux lourds (HU)

De Wikigeotech

Traduction anglaise : Heavy metals

Dernière mise à jour : 07/02/2023

En toute rigueur, un métal lourd est un élément chimique métallique de numéro atomique élevé et dont la masse volumique est supérieure à 4 000 kg/m3 ou 5 000 kg/m3 selon les sources (Baize, 1997). Cette définition rejoint une définition plus ancienne qui considérait comme métal lourd les éléments compris entre le cuivre et le plomb sur le tableau périodique des éléments (voir Figure 1).


Figure 1 : Tableau périodique des éléments.

Sommaire

Difficultés pour donner une définition pratique claire

En pratique, dans le domaine de l'environnement, le terme métal lourd est le plus souvent utilisé de façon impropre pour désigner une grande variété d'éléments toxiques ou écotoxiques, non nécessairement métalliques (comme l’arsenic ou l'antimoine qui sont des métalloïdes ou certains composés organométalliques comme le méthylmercure).

Du fait de l'ambivalence du terme, d'autres expressions ont été proposés pour désigner les mêmes composants :

  • "métal toxique", qui ne lève pas l’ambiguïté car le terme métal reste présent ;
  • "élément trace métallique (ETM)", qui pose le même problème mais qui est préféré par les géochimistes et qui tend à s'imposer au niveau réglementaire depuis l'arrêté du 8 janvier 1998 relatif à l'épandage des boues d'épuration (l'arrêté parle également de "composés-traces organiques") ;
  • "micropolluants minéraux", terme proposé par le SEQ eau, pose également problème car ce sont souvent les composés organiques des métaux qui sont les plus toxiques (méthylmercure par exemple).

En plus de la difficulté à choisir un terme, il n'existe pas non plus de liste unanimement admise des éléments à classer dans cette catégorie.

  • Par exemple, la directive européenne sur les déchets définit un métal lourd comme "tout composé d’antimoine, d’arsenic, de cadmium, de chrome hexavalent, de cuivre, de plomb, de mercure, de nickel, de sélénium, de tellure, de thallium et d’étain, ainsi que ces matériaux sous forme métallique, pour autant qu’ils soient classés comme substances dangereuses"
  • Le SEQ eau (voir par exemple eau.maine-et-loire.fr) pour sa part recense 16 micropolluants minéraux susceptibles de dégrader la qualité des eaux de surface : antimoine, arsenic, baryum, bore, cadmium, chrome total, cuivre, cyanures libres, étain, mercure, nickel, plomb, sélénium, zinc.
  • Seuls quatre indicateurs métalliques ont été pris en compte par la Communauté Européenne parmi les substances prioritaires utilisées pour évaluer le bon état chimique des masses d'eau : le cadmium et ses composés, le plomb et ses composés, le mercure et ses composés, le nickel et ses composés (www.eaufrance.fr) auxquels l'arrêté du 27 juillet 2015 a rajouté l'arsenic, le chrome, le cuivre et le zinc.
  • Enfin, la directive Eau potable en prend en compte 11 : antimoine, arsenic, bore, cadmium, chrome, cuivre, cyanure, mercure, nickel, plomb et sélénium.

Nous avons donc choisi une méthode pragmatique consistant à regrouper sous le terme générique "métaux lourds", expression encore la plus couramment utilisée, différents métaux ou métalloïdes qui sont rejetés en quantités notables par les systèmes d'assainissement et qui, sous des formes minérales ou organiques sont susceptibles d'affecter la qualité des milieux aquatiques ou d'en perturber certains usages. Ceci ne signifie pas que nous considérons ce terme comme préférable aux autres, et en particulier à celui d'élément trace métallique.

Les éléments retenus, qui font l'objet d'un article spécifique, sont les suivants : Antimoine, Arsenic (HU), Cadmium (HU), Chrome / Cr (HU), Cuivre (HU), Mercure / Hg (HU), Nickel (HU), Plomb (HU) et Zinc (HU).

Toxicité des métaux lourds

La toxicité des métaux lourds dépend bien évidemment de leur espèce chimique et de leur concentration mais également leur forme physico-chimique qui conditionne leur biodisponibilité et donc leur capacité à s'introduire dans la chaîne alimentaire (Le Goff & Bonnomet, 2004). La plupart de ces éléments sont cependant susceptibles de dégrader les environnements aquatiques en raison de leur présence dans la phase dissoute ou en association avec les substances particulaires avant ou après leur décantation. Ils posent également des problèmes pour l'usage de l'eau car ils sont susceptibles d'affecter la santé humaine.

La toxicité de certains métaux lourds est en effet essentiellement due au fait qu'après leur assimilation l'organisme ne les élimine pas suffisamment vite (phénomène de bioaccumulation). Les métaux lourds concernés s'accumulent donc dans les organismes vivants, avec une augmentation continue des concentrations lorsque l'on progresse dans la chaîne alimentaire (phénomène de bioamplification). Les prédateurs suprêmes que sont les hommes sont donc particulièrement exposés.

Rejets de métaux lourds par les systèmes d'assainissement

Tous les métaux lourds sont naturellement présents dans l’environnement à l’état de traces, beaucoup constituent même des oligo-éléments indispensables à la vie. L’activité humaine a cependant fortement augmenté leur présence, et ceci, pour certains, bien avant l'ère industrielle. Concernant spécifiquement la responsabilité des systèmes d'assainissement, on en retrouve aussi bien dans les eaux usées (associés souvent à des rejets industriels) que dans les eaux pluviales et dans les boues de station d'épuration. Le tableau de la figure 2 synthétise les résultats de travaux récents sur des réseaux français.


Figure 2 : Concentrations moyennes en métaux lourds dans les eaux usées, les eaux pluviales, les eaux unitaires, les rejets de station d'épuration et dans les boues de station d'épuration ; Source : Synthèse des données de Al-Juhaishi (2018), Becouze-Lareure (2010), Dembélé (2010), Dutordoir (2014), Gromaire (2012), Moilleron (2004), Zgheib (2009) pour les rejets de temps de pluie et de Coquery et al (2011) pour les rejets de temps sec.

Ce tableau montrent que, selon les métaux, les concentrations peuvent être supérieures (Plomb, Zinc), du même ordre de grandeur (cadmium, Chrome, Cuivre), ou inférieures (Nickel) dans les eaux pluviales que dans les eaux usées brutes et qu'elles sont généralement supérieures, voire très supérieures, dans les rejets urbains de temps de pluie non traités que dans les rejets de station d'épuration.

Dans les eaux pluviales leur présence est principalement associée aux matériaux de construction (plomb, zinc, Cuivre), au trafic automobile (plomb, cadmium) et à l'entretien des voiries (zinc, arsenic).

Concentrations en métaux lourds et qualité de l'eau et des milieux aquatiques

La présence de métaux lourds dans les eaux souterraines ou dans les eaux de surface est susceptible de perturber les écosystèmes aquatiques ou les usages que l'on peut faire de l'eau.

  • Le tableau de la figure 3 donne à titre d'exemple les concentrations dans les eaux brutes à partir desquelles leur présence est susceptible de perturber le milieu ou de gêner les usages d'après le SEQ Eau.
  • Le tableau de la figure 4 compare les normes de qualité environnementale prises en compte pour la qualité chimique des eaux et les valeurs limites pour les eaux destinées à la consommation humaine.

La dureté de l'eau joue un rôle important sur la biodisponibilité des métaux et conditionne donc souvent les bornes de concentration.


Figure 3 : Classes et indices de qualité des eaux de surface en fonction de la concentration en micropolluants minéraux (la signification des classes de qualité est la suivante en fonction de la couleur : bleu : très bonne, vert : bonne, jaune : moyenne, orange : médiocre, rouge : mauvaise) ; Source : Grilles SEQ Eau.


Figure 4 : Concentrations limites pour les eaux destinées à la consommation humaine et normes de qualité environnementale (NQE-MA : norme de qualité environnementale en moyenne annuelle, NQE-CMA : norme de qualité environnementale en concentration maximum admissible) ; (1) pour le cadmium les valeurs de NQE dépendent de la dureté de l'eau ; (2) indicateurs non retenus comme substance prioritaire par la DCE et NQE-MA fixées par l'arrêté du 27 juillet 2015, pour ces indicateurs non spécifiques les concentrations à prendre en compte sont celles de la fraction dissoute ; Sources : (directive cadre sur l'eau) et directive Eau potable.

Autres problèmes posés par la présence des métaux lourds dans les eaux usées et pluviales

Au delà des risques de pollution dus à leur présence dans les rejets de temps sec ou de temps de pluie, les métaux posent des problèmes dans différents domaines liés à la gestion urbaine de l'eau :

  • difficultés de valorisation agricole des boues de station d'épuration (Baize et al, 2006, Desportes et al, 2007) (voir figure 2) ;
  • devenir des produits de curage des conduites et des petites rivières urbaines ;
  • devenir des produits de décolmatage des chaussées poreuses ;
  • etc.

Des informations plus détaillées sont disponibles aux articles Arsenic (HU), Cadmium (HU), Chrome / Cr (HU), Cuivre (HU), Mercure / Hg (HU), Nickel (HU), Plomb (HU), Zinc (HU).

Bibliographie :

  • Al-Juhaishi, M.R.D. (2018) : Caractérisation et impact de la pollution dans les rejets urbains par temps de pluie (RUTP) sur des bassins versants de l'agglomération Orléanaise ; Thèse de doctorat, Institut des Sciences de la terre d'Orléans, 210p.
  • Baize, D. (1997) : Teneurs totales en éléments traces dans les sols ; disponible sur https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=w5eal_GfYxQC&oi=fnd&pg=PA5&dq=normes+pollution+des++sols&ots=ivNvkQs_Nn&sig=VXfPkTKmucehHh_2OQlv-k3TOrs#v=onepage&q=normes%20pollution%20des%20%20sols&f=false
  • Baize, D., Courbe, C., Suc, O., Schwartz, C., Tercé, M., Bispo, A., Sterckman, T., Ciesielski, H. (2006) : Épandages de boues d’épuration urbaines sur des terres agricoles : impacts sur la composition en éléments en traces des sols et des grains de blé tendre ; Courrier de l’environnement de l’INRA n°53, décembre 2006 ; téléchargeable sur : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01199208/file/C53Baize.pdf
  • Becouze-Lareure, C. (2010) : Caractérisation et estimation des flux de substances prioritaires dans les rejets urbains par temps de pluie sur deux bassins versants expérimentaux. Thèse de doctorat, INSA-Lyon, laboratoire DEEP, 298 p.
  • Coquery M., Pomiès M., Martin-Ruel S., Budzinski H., Miège C., Esperanza M., Soulier C., Choubert J.-M.(2011) : Mesurer les micropolluants dans les eaux brutes et traitées - Protocoles et résultats pour l'analyse des concentrations et des flux ; Techniques Sciences et Méthodes, 1/2 : 25-43 ; disponible sur : projetamperes.cemagref.fr
  • Dembélé, A. (2010) : MES, DCO et polluants prioritaires des rejets urbains de temps de pluie : mesure et modélisation des flux événementiels, Thèse de doctorat, INSA Lyon, DEEP.
  • Desportes I. (coord.) (2007) : Bilan des flux de contaminants entrant sur les sols agricoles de France métropolitaine ; étude ADEME-SOGREAH ; rapport final ; 330p. ; disponible sur le site de l'ADEME.
  • Dutordoir, S. (2014) : Bilan des flux de métaux, carbone organique et nutriments contenus dans une rivière alpine : part des rejets urbains de l‘agglomération de Grenoble et apports amont (Isère et Drac).
  • Gromaire, M.-C. (2012) : Contribution à l’étude des sources et flux de contaminants dans les eaux pluviales urbaines. Mémoire HDR, Université Paris Est, 107p.
  • Le Goff, F., Bonnomet, V. (2004) : Devenir et comportement des métaux dans l'eau : biodisponibilité et modèles BLM ; rapport INERIS pour le Ministère de l’Écologie et du Développement Durable ; 97p. ; disponible sur https://www.ineris.fr/sites/ineris.fr/files/contribution/Documents/03_0693_Rapp_Technique_biodisp_ecot.pdf
  • Moilleron, R. (2004) - Hydrocarbures et métaux en milieu urbain. Mémoire HDR, 79 p.

Pour en savoir plus :

Voir aussi : Pollution des rejets urbains de temps de pluie, Qualité de l’eau.

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