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Transport solide de fond (HU)

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Traduction anglaise : Bedload transport

Dernière mise à jour : 05/03/2024

Part du transport solide qui est effectué près du fond (saltation) ou en contact avec le fond (charriage) (figure 1) ; dans cet article est surtout traité le cas des réseaux d'assainissement en lien avec les risques d'ensablement.

Sommaire

Éléments de base

Le transport de fond concerne les matériaux les plus grossiers et les plus denses qui sont transportés sur le fond des cours d’eau, ou, en assainissement, près du radier des collecteurs et conduites.


Figure 1 : Les deux formes de transport de fond : charriage en haut et saltation en bas ; le passage d'un mode à l'autre peut être très chaotique.

Le transport de fond joue un rôle très important dans l'évolution géomorphologique des cours d'eau naturels (voir Morphodynamique (HU)). Les lits fluviaux sont en effet des enveloppes mobiles régulées par des processus de dépôt et d’érosion qui résultent eux-mêmes de la recherche d’un équilibre dynamique entre les flux sédimentaires et les flux hydriques. Un tronçon de cours d’eau sera stable si sa capacité de transport solide, contrôlée par le débit liquide de crue et la pente, est exactement compensée par la dissipation d’énergie occasionnée par le transport de la charge solide et la taille des sédiments. Ce sont généralement les matériaux les plus grossiers qui assurent cette stabilité.

Cependant, dans cet article nous traiterons principalement de la question du transport de fond dans les collecteurs d'assainissement qui a pour particularité de se produire sur un fond fixe, et particulièrement le cas des réseaux unitaires qui posent les problèmes les plus difficiles et qui sont les plus coûteux à entretenir. Le pendant du transport de fond est en effet l'ensablement des conduites qui réduit leur section et est à l'origine de divers dysfonctionnement.

Description du phénomène dans les réseaux d'assainissement

Éléments d'observation

Les réseaux d'assainissement, et tout particulièrement les réseaux unitaires ont pour caractéristique principale de fonctionner dans des conditions extrêmement variées, que ce soit en terme de débit liquide ou de nature des solides transportés (minéraux et/ou organiques). La capacité de transport solide de l'écoulement, comme les éléments nécessaires à la mise en mouvement des particules déposées, sont donc variables, ce qui complique beaucoup l'étude du phénomène.

Il a été possible d'analyser les matériaux se déplaçant près du fond dans quelques égouts unitaires (Laplace, 1991 ; Bachoc, 1992). Il existe cependant de nombreuses difficultés pour évaluer la contrainte de cisaillement de même que pour mesurer précisément la vitesse de chute des particules.

Une proportion importante de la masse du transport de fond est composée de matériau granulaire inorganique, ayant une forte masse volumique (≈ 2600 kg/m3 en valeur médiane). Ces matériaux sont responsables de la plupart des problèmes de maintenance des égouts car ce sont ceux qui se déposent en premier. Lorsque ces solides sont arrêtés par une cause quelconque, souvent au niveau d’une zone de faible pente ou d’une singularité hydraulique, mais aussi lorsque la baisse subite des débits de temps de pluie les a "laissés là", ils ont une forte tendance à s'accumuler.

La proportion de matière organique dans les solides transportés sur le fond est moins forte dans les réseaux pluviaux que dans les unitaires, et dans ceux-ci elle semble plus forte lorsque la vitesse des eaux de temps sec est faible. Dans certains cas, le matériau se déplaçant près du fond (qu'il y ait ou non un dépôt sur le fond) peut être relativement granulaire, c'est à dire voisin de celui que l'on trouve usuellement dans les rivières. Différentes études (Ahyerre, 1999 ; Bébin & al, 1993) ont montré que si la pente était forte (> 2%) le transport de fond était essentiellement constitué de particules grossières (2 à 10 mm) et denses, alors que si la pente était faible (< 0,1%), la granulométrie des particules et leur densité était voisine de celle des particules transportées en suspension.

On a également observé dans certains grands collecteurs unitaires la présence d’une couche organique formée d’excréments plus ou moins désagrégés, juste au-dessus du lit (Oms, 2003). Des contraintes de cisaillement de l'ordre de 1 N/m2 sont suffisantes pour entraîner cette couche organique. Les concentrations en solides sont très fortes dans cette couche particulière, puisque l'on a pu observer des concentrations supérieures à 3 500 mg/L (à comparer aux valeurs habituellement trouvées en suspension qui sont de l'ordre de 200 à 500 mg/L). Les concentrations en polluants y sont également extrêmement élevées (Ahyerre, 1999). Ce fluide très dense, mélange de liquide et de solides organiques est probablement non-Newtonien et pourrait avoir les caractéristiques d'un fluide de Bingham. On parle parfois de couche organique de fond (figure 2). Il est possible que certaines similitudes existent avec les bouchons vaseux que l'on observe dans certains estuaires, bien que ces derniers sous-écoulements soient plus homogènes et aient des concentrations plus fortes en solides (> 10g/L).


Figure 2 : Vue en coupe de la couche organique de fond à l’interface eau-sédiment ; Source : Ahyerre (1999).

On a tenté de modéliser ce sous-écoulement dense en faisant l'hypothèse de l'existence d'une zone dite de suspension intérieure située près du lit et contenant des particules relativement grandes (> 0.5mm), organiques (contenu organique > 90%), peu en contact avec le lit, et emprisonnées dans une sorte de matrice d'écoulement en suspension. Le mouvement dans cette couche est supposé dépendre de la migration de particules (due aux contraintes de cisaillement) depuis les zones où le cisaillement est fort vers celles où le cisaillement est plus faible. Comme il existe un gradient vertical très marqué de vitesse à proximité immédiate du lit, les plus grandes particules seraient les plus enclines à émigrer loin du lit car elles sont assez grandes pour que leurs bords inférieurs et supérieurs soient soumis à des vitesses sensiblement différentes. De faibles contraintes de cisaillement sont suffisantes pour remettre en mouvement ce matériau. Cela suggère qu'il pourrait constituer une composante importante du caractère organique des matières en suspension dans les eaux de temps de pluie, plus marqué au sein des réseaux unitaires qu’au sein des réseaux pluviaux relativement stricts, avec une contribution quantitative plus importante que celle de l'érosion des films biologiques (également chargés en matière organique) qui se forment sur les parois des conduites.

On trouvera une excellente synthèse des connaissances sur les solides en réseau dans Ashley et al. (2004).

Éléments de modélisation

Transport en suspension et transport de fond

Dans les écoulements chargés en sédiments, il existe un processus continu d'échanges entre les particules en mouvement et les particules provisoirement sédimentées, et, concernant celles qui sont en mouvement, entre les particules qui sont en suspension, celles qui sont transportées sur le fond et celles qui sont transportées près du fond. Les caractéristiques de ces particules sont également susceptibles de se modifier du fait de différents phénomènes : floculation, agglutination, agrégation, dégradation et processus biologiques.

Une distinction importante peut cependant être faite entre le transport en suspension et le transport de fond, comprenant la saltation et les déplacements liés à des rotations ou à des glissades sur le fond (charriage). Dans l'état actuel des connaissances, il reste des incertitudes sur la nature des matériaux qui se déplacent près du fond dans les systèmes unitaires d'assainissement. Malgré tout, on pense généralement que les concepts développés en hydraulique fluviale peuvent être appliqués. Les particules transportées sur le fond sont caractérisées par le fait qu'elles ne reçoivent aucune impulsion verticale dirigée vers le haut autre que celles dues aux contacts successifs avec le fond, ces impulsions étant elles-mêmes essentiellement horizontales. Il est maintenant bien admis que la saltation, qui constitue le mode de transport principal près du fond, se produit même si l'écoulement est laminaire, c'est à dire même s'il n'y a aucune turbulence pour faciliter le transport solide. Le critère classique permettant de caractériser la transition entre transport en suspension et transport de fond, est fondé sur le paramètre de sédimentation $ η $ :


$ η = \frac{w_s}{K.u_*} $


Avec :

Le transport de fond commence pour des valeurs de $ η $ comprises entre 5 et 15.

Critères de mise en mouvement des particules

Toute particule solide posée sur le fond sera théoriquement mise en mouvement dès que la contrainte de cisaillement, $ τ_w $, deviendra supérieure à une contrainte critique, $ τ_* $, appelée contrainte critique d'entrainement ou seuil de cisaillement. Ce seuil de cisaillement dépend d'une dimension représentative ($ d $) des particules ou, plus généralement, représentative de leur population (par exemple le diamètre médian $ D_{50} $), ainsi que de leur poids déjaugé.

La contrainte de cisaillement près du fond (que l'on appelle souvent contrainte de cisaillement au radier), $ τ_w $, dépend de la distribution verticale de la vitesse de l'écoulement et plus précisément de la vitesse près des parois. Moyennant certaines hypothèses, on peut approcher sa valeur dans le cas des écoulements graduellement variés (1), et de façon encore plus simple si l'on fait l'hypothèse d'un écoulement uniforme (2).


$ τ_w = ρ.g.R_h.J\qquad (1) $


$ τ_w = ρ.g.R_h.I\qquad (2) $

Avec :

  • $ τ_w $ : contrainte de cisaillement près du fond (N/m2) ;
  • $ ρ $ : masse volumique du fluide (kg/m3) ;
  • $ g $ : accélération de la pesanteur (m/s2) ;
  • $ R_h $ : rayon hydraulique de la conduite (m) ;
  • $ I $ : pente du fond (m/m).
  • $ J $ : pente de la ligne d'énergie (m/m).

Nota : On considère souvent que le seuil de mise en mouvement vaut aussi pour l’arrêt (c'est à dire le dépôt) des particules, ce qui n’est sans doute pas très faux (même si elles s’arrêtent sans doute pour des contraintes moins élevées que celles provoquant leur entraînement).

Approche pratique pour prévoir les dépôts dans les réseaux d'assainissement unitaires

Limites des approches classiques

Compte tenu des imprécisions liées aux forces en jeu, l’approche purement mécaniste ne s’applique qu’aux cas les plus simples. L’étude des critères de début de mise en mouvement des particules repose généralement sur une analyse dimensionnelle, calée selon des valeurs établies expérimentalement en laboratoire ou en rivière. Basée sur l’observation, la perception du seuil de début d’entrainement est soumise à l’appréciation de l’expérimentateur. Cette subjectivité introduit ici une autre forme d’imprécision (Dufresne & Isenmann, 2018).

Les valeurs moyennes étant les seules facilement accessibles à la mesure, les expérimentateurs se sont attachés à choisir des variables qui caractérisent le mieux les seuils entre repos et mouvement en considérant que le nombre de Froude et le nombre de Reynolds doivent jouer un rôle primordial (Dufresne & Isenmann, 2018 ; Lin, 1993). Cet aspect est développé dans l'article Contrainte critique d’entrainement (HU).

Dans les collecteurs les plus pentus (i.e. lorsque les matériaux sont essentiellement granulaires), le critère de Shields (Shields, 1936) permet de bien prévoir le seuil de mise en mouvement et d’arrêt des particules.

Ce diagramme a le mérite d’être adimensionnel, mais il n'est pas très facile à utiliser sous sa forme originelle. En effet, le diamètre des particules et le couple ($ R_h $ ; $ J $) interviennent dans les deux variables $ X $ et $ Y $ et de nombreux calculs itératifs sont nécessaires avant de déterminer s’il y a repos ou mouvement. De simples combinaisons de ces variables permettent d'obtenir une représentation plus pratique, comme initialement montré par Yalin (1977).

Proposition d'une démarche simplifiée

La méthode présentée ci-dessous a été développée à la fin des années 1980 et au début des années 1990 (Laplace, 1991 ; Le Guennec et al., 1991 ; Bachoc, 1992). Les auteurs ont proposé de considérer les deux variables :


$ X = \frac{u_*.d}{ν}\qquad (3) $

et

$ Y = \frac{τ_w}{g.(ρ_s-ρ).d}\qquad (4) $


Avec :

  • $ τ_w $ : contrainte de cisaillement près du fond ou des parois (N/m2),
  • $ d $ : dimension caractéristique des particules (m),
  • $ ρ $ : masse volumique du fluide (kg/m3),
  • $ ρ_s $ : masse volumique des particules (kg/m3),
  • $ g $ : accélération gravitationnelle (m/s2),
  • $ u_* $ : vitesse de frottement (m/s),
  • $ ν $ : viscosité dynamique (kg/m/s).


Or il existe une relation entre la vitesse de frottement et la contrainte de cisaillement :


$ τ_w = ρ.u_*^2\qquad(5) $

.

En remplaçant $ τ_w $ par sa valeur, la variable $ Y $ devient :


$ Y = \frac{ρ.u_*^2}{g.(ρ_s-ρ).d}\qquad (6) $


Il est donc possible d'écrire $ Y $ en fonction de $ X $ :


$ Y = (\frac{u_*.d}{ν})^2.\frac{ρ.ν^2}{g.(ρ_s-ρ).d^3}\qquad (7) $


Ce qui, pour des valeurs de $ ρ_s $, de $ ρ $ et de $ ν $ constantes se simplifie sous la forme :


$ Y = C.\frac{X^2}{d^3}\qquad (8) $


Avec la constante $ C $ égale à :


$ C = \frac{ ν^2}{g.(\frac{ρ_s}{ρ}-1)}\qquad (9) $


Pour chaque valeur de $ u_* $ donc de $ \sqrt{g.R_h.J} $, $ X $ et $ Y $ définissent un point dans le plan de Shields. Quand $ (R_h.J) $ varie, ce point décrit une parabole qui coupe la courbe de Shields au point correspondant au début d'entraînement ou au maintien au repos.

Le diagramme de Shields étant donné en coordonnées Log-Log, cette parabole devient une droite de pente égale à 2. Le point d'intersection entre cette droite et la courbe de Shields permet de déterminer la valeur de $ X $ et donc celle de $ (R_h.J) $ qui préside au début d'entraînement ou au maintien au repos des particules. En recommençant les calculs pour différentes valeurs de $ d $, il est alors possible d’établir une relation entre $ (R_h.J) $ et $ d $, diamètre représentatif des solides entrainés ou maintenus au repos. On trouve alors que pour des valeurs constantes de $ ρ $, $ g $, $ υ $ et $ ρ_s $, la relation entre $ (R_h.J) $ et $ d $, diamètre représentatif des solides maintenus au repos, est linéaire. (voir figure 3).


Figure 3 : Relation entre $ (R_h.J) $ et $ d $ au repos  ; Source : Laplace (1991), Le Guennec et al. (1991).


Nota : Rappelons que la courbe de Shields est un lissage passant au milieu d'un nuage de points expérimentaux. Les points au dessus de la courbe représentent le début de la mise en mouvement alors que les points sous la courbe sont des particules maintenues au repos. Compte tenu de l’opacité des écoulements en assainissement, il n’est pas possible d’observer les seuils de mise en mouvement des particules. Par contre, il est possible de prélever les solides en dépôt dans les collecteurs pour les caractériser en les considérant comme étant des solides au repos au sens de Shields. Ce raisonnement est juste tant que le débit solide reste faible c'est-à-dire tant qu’il n’influence pas les phénomènes liés au transport solide (Dufresne & Isenmann, 2018). Par conséquent, pour tracer le graphique de la figure 3, la référence pour déterminer $ X $ a été prise sous la courbe de Shields, là où les solides sont maintenus au repos.

Éléments d'observation et choix des paramètres

Le diamètre $ d $ dans le modèle de Shields est caractéristique de granulométries peu étendues. Dans la réalité, la taille des solides rencontrés est hétérogène et se représente par une courbe granulométrique.

La taille des solides est mesurée par tamisage et la courbe granulométrique traduit la proportion massique de particules dont la dimension est inférieure à une valeur donnée. Il est possible de déterminer le $ D_{50} $, valeur médiane de la courbe granulométrique et des déciles comme les $ D_{10} $ et $ D_{90} $ pour caractériser l’étalement des tailles des particules. Ces valeurs sont couramment utilisées comme estimateurs granulométriques dans les modèles de transport solide en hydraulique fluviale (Dufresne & Isenmann, 2018).

Dans le cas de la méthode proposée, les auteurs ont laissé un collecteur s’ensabler pendant plus de 3 ans (le collecteur 13 à Marseille) en réalisant des campagnes régulières de prélèvements des dépôts (Laplace, 1991). 54 courbes granulométriques, correspondant chacune à un prélèvement réalisé à un moment et à un endroit du collecteur ont ainsi été obtenues. Des analyses granulométriques des solides transportés en suspension par temps sec et par temps de pluie ont également été réalisées.

Les principaux résultats de ce travail sont schématisés sur la figure 4 et les principales conclusions synthétisées ci-après.


Figure 4 : Granulométrie des particules en dépôt et en suspension dans le collecteur 13 ; Source : Laplace (1991).
  • Les granulométries observées des solides en dépôt sont moins étendues en collecteurs unitaires qu’en rivières, avec des particules majoritairement millimétriques à centimétriques et se distinguent très nettement des granulométries des matières en suspension, que ce soit par temps sec ou par temps de pluie.
  • L’étalement de chaque courbe granulométrique reste modéré et l’utilisation de son diamètre médian $ D_{50} $ comme diamètre représentatif des particules en dépôt au point de prélèvement semble suffisant (Laplace, 1991).
  • Les granulométries des dépôts rencontrés le long du collecteur 13 présentent des valeurs de $ D_{50} $ comprises entre 0,38 mm et 18 mm. Les solides les plus grossiers sont trouvés en amont du collecteur et un tri granulométrique est observé jusqu’à atteindre le point de jonction hydraulique, en amont duquel les solides sont les plus fins.
  • Les teneurs en matières organiques évoluent à l’inverse de la granulométrie le long du collecteur. Plus le dépôt devient fin, plus il contient de matières organiques, ce qui est confirmé par les observations faites au niveau du dépôt situé dans les 100m en amont de la jonction où les teneurs mesurées peuvent atteindre 18%. Ailleurs, les teneurs en matières organiques atteignent une valeur minimale asymptotique de 2%, dès que les $ D_{50} $ sont supérieurs à 2 mm (figure 5).
  • Les masses volumiques des solides en dépôt présentent une valeur médiane à 2 600 kg/m3, ce qui est caractéristique des particules minérales. Plus de 80 % des valeurs sont comprises entre 2 400 et 2 800 kg/m3.


Figure 5 : Teneurs en matières organiques en fonction des $ D_{50} $  ; Source : Laplace (1991).

Modélisation des D50 le long d’un collecteur d’assainissement

En utilisant la méthode présentée plus haut (voir figure 3), et pour des particules de taille comprise entre 1 et 10 mm et de masse volumique égale à 2 600 kg/m3, le $ D_{50} $ représentatif des solides maintenus théoriquement au repos peut être modélisé en fonction de $ R_h.J $ par la relation linéaire :


$ D_{50} = 9,9.(R_h.J) + 0{,}000051 \qquad (10) $

Avec :

  • $ D_{50} $ : diamètre médian caractéristique du dépôt (m) ;
  • $ R_h $ : rayon hydraulique de la conduite (m) ;
  • $ J $ : pente de la ligne d'énergie (m/m).

La valeur de $ R_h $ prise en compte est celle du débit maximum de temps sec. C'est en effet, du moins dans le cas de Marseille, cette valeur de débit qui a un effet prépondérant sur le remodelage des profils de dépôt après une pluie : comblement des creux, érosion des bosses et reconstitution d'un profil en équilibre avec l'énergie disponible par temps sec.

Les modèles 1D, traditionnellement utilisés pour simuler les écoulements dans les réseaux d'assainissement reposent sur les équations de Barré de Saint Venant. Ces modèles permettent de simuler les écoulements transitoires et prennent en compte les diverses conditions de pentes, de variations de sections, de jonctions, de défluences et autres singularités hydrauliques. Dans ces conditions, la valeur calculée de $ J $ représente bien la pente de la ligne d’eau qui peut être très différente de celle du radier.

Ces modèles sont donc parfaitement capables de calculer la valeur de $ D_{50} $ à partir de laquelle le dépôt va se produire dans un collecteur donné.

Validation du modèle

La validation du modèle a été effectuée de deux façons différentes :

  • de façon précise, en comparant les $ D_{50} $ théoriques calculés selon le modèle précédent et les $ D_{50} $ observés dans le collecteur 13 à Marseille, pendant les 4 années d’observations de la dynamique du dépôt (Laplace, 1991) ; la figure 6 illustre la capacité du modèle à fournir une information utile.
  • de façon plus qualitative et à plus grande échelle, en comparant le calcul des $ D_{50} =f(Rh.J) $ produits par les débits de pointe qui s’établissent par temps sec dans chaque collecteur et ses antennes avec la réalité du terrain (Laplace, 1999). Les résultats ont été comparés avec la connaissance du personnel égoutier et en arpentant les 125 km de collecteurs visitables (≥ 1,60m) de l’amont jusqu’à l’aval pour vérifier la présence ou non de dépôts structurels chroniques. Les caractéristiques des dépôts ont simplement été évaluées par observation de leur type : vase, sable ou gravier, avec appréciation de la qualité minérale ou organique de ces dépôts.


Figure 6 : Comparaison des distributions spatiales des D50 mesurés et des D50/sub calculés par le modèle</math> ; Source : Laplace (1991).</center>

La seconde étude a permis d'établir un lien clair entre la valeur du $ D_{50} $ calculé et les difficultés d'exploitation :

  • les valeurs de $ D_{50} $ calculé ≤ 2 mm : correspondent à des collecteurs fortement soumis à la formation de dépôts vaseux avec présence de matières fermentescibles ; ces zones qui produisent du sulfure d'hydrogène étaient bien connues du personnel égoutier à cause du danger qu’elles représentent ; leur curage régulier, réalisé aujourd’hui à l’hydrocureur recycleur depuis la surface, est nécessaire pour des raisons de sécurité, pour limiter les problèmes d’odeurs et de corrosions du patrimoine ainsi que pour maintenir la capacité hydraulique des ouvrages.
  • les valeurs de 2 mm < $ D_{50} $ calculé ≤ 5 mm : correspondent à des collecteurs soumis à la formation de dépôts sableux et minéraux. Ces zones, étaient également connues du personnel ; elles nécessitent un entretien régulier pour maintenir la capacité hydraulique des ouvrages,
  • les valeurs de 5 mm < $ D_{50} $ calculé ≤ 10 mm : correspondent à des collecteurs moins ensablés.
  • les valeurs de $ D_{50} $ calculé > 10 mm : correspondent à des zones où les ouvrages sont autocurants ; la validation du modèle est cependant difficile du fait du manque d’observations de dépôts chroniques.

Conséquences sur l’entretien préventif ou curatif des collecteurs

La concordance existante entre les modélisations des $ D_{50}=f(R_h.J) $ et les observations de terrain permet de valider la méthode proposée pour localiser les dépôts et estimer leur typologie selon vase, sable ou gravier. Il devient ainsi possible, grâce à l’utilisation du modèle hydraulique du réseau, de cartographier les zones où un entretien est nécessaire et d’évaluer le risque de rencontrer des dépôts fins et organiques générateurs de sulfure d'hydrogène.

L’autocurage n’est réellement atteint que lorsque le diamètre des particules minérales qui entrent dans les réseaux d’assainissement reste inférieur au $ D_{50} $ qui caractérise la capacité de transport de l’écoulement calculée selon sa valeur de $ (R_h.J) $. Cet équilibre conduit à orienter les solutions techniques pour limiter la formation des dépôts selon deux axes principaux :

  • diminuer la taille des particules à transporter ;
  • augmenter la valeur du couple $ (R_h.J) $.

Les solutions techniques utilisables sont décrites dans l'article Gestion de l’ensablement (HU).

Bibliographie :

  • Ashley, R ; Bertrand-Krajewski, J.L. ; Hvitved-Jacobsen, T. ; Verbanck, M. (2004) Solids in sewers - Characteristics, effects and control of sewer solids and associated pollutants ; IWA publishing (https://www.iwapublishing.com/books/9781900222914/solids-sewers)
  • Ahyerre, M. (1999) : Bilans et mécanismes de migration de la pollution organique en réseau d'assainissement unitaire ; thèse de doctorat Paris 6.
  • Bachoc, A. (1992) : Le transfert des solides en réseaux d’assainissement unitaires ; Thèse de doctorat de l’Institut National Polytechnique de Toulouse, ENSEEIHT ; 281 p. + annexes.
  • Dufresne, M., Isenmann, G. (2018) : Transport solide ; Cours ENGEES ; 61 p.
  • Laplace, D. (1991) : Dynamique du dépôt en collecteur d’assainissement ; Thèse de doctorat de l’Institut National Polytechnique de Toulouse ; ENSEEIHT ; 202 p. + annexes.
  • Laplace, D. (1999) : Schéma Directeur de la gestion de l’ensablement du réseau d’assainissement de Marseille ; Doc Seram 129 p.+ annexes.
  • Le Guennec, B., Lin, H., Valentian, F. (1991) : Transports solides en collecteur d’assainissement, mesure et modélisation ; Actes du congrès de l’ASTEE à Annecy ; 18 p.
  • Lin, H. (1993) : Le transport solide en collecteurs unitaires d’assainissement et sa modélisation ; Thèse de doctorat de l’École Nationale des Ponts et Chaussées ; 281 p. + annexes.
  • Oms, C. (2003) : Localisation, nature et dynamique de l'interface eau-sédiment en réseau d'assainissement unitaire ; Thèse de doctorat de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées ; 170 p. + annexes.
  • Shields, A. (1936) : Application of Similarity Principles and Turbulence Research to Bed-Load Movement. California Institute of Technology, Pasadena (Translate from German).
  • Yalin, M.S. (1977) : Mechanics of sediment transport ; 2nd ed. Pergamon Press ; Oxford, UK. 360 pp

Pour en savoir plus :

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