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Eau pluviale (HU)

De Wikigeotech

Traduction anglaise : Storm water

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Dernière mise à jour : 29/09/2023

Eau résultant des précipitations atmosphériques reçues par la ville et gérée au moins en partie par un système d’assainissement.

Sommaire

Complexité de la notion d'eau pluviale

Cette définition simple recouvre en réalité un concept extrêmement complexe. Elle est en effet très générale et le terme "eau pluviale" peut désigner des natures d'eau très différentes les unes des autres. Ceci explique en partie que les discours sur la pollution de l’eau pluviale soient aussi variés.

Nota : Sur le plan réglementaire, la définition de l'arrêté du 21 juillet 2015 qui indique que les eaux pluviales sont "les eaux de ruissellement résultant des précipitations atmosphériques" est elle-même très ambigüe car elle mélange eau pluviale et eau de ruissellement et ne clarifie pas la différence entre eau de pluie et eau pluviale ; voir le § "Il n’y a pas de définition juridique des eaux pluviales".

De l’eau de pluie aux "eaux pluviales" et aux "eaux de ruissellement"

Lorsque l’eau de pluie atteint les toits ou le sol, elle entre dans un cycle terrestre qui en milieu urbain est fortement lié aux aménagements. Du point de vue des phénomènes, l’eau en ville peut :

  • se stocker dans les sols ou dans des ouvrages conçus à cette fin, ou encore dans des lieux dont ce n’est pas la fonction (caves, parkings, etc.) ;
  • percoler et s’infiltrer dans des zones non saturées du sol et/ou circuler au sein des aquifères ;
  • circuler en surface, en ruisselant en nappes ou en formant des écoulements plutôt filaires (depuis des ruisselets qui s'écoule dans des caniveaux jusqu'à des torrents ou des laves torrentielles qui dévalent les rues) ;
  • circuler dans des conduites, que celles-ci aient été conçues spécifiquement à cet effet (réseaux de collecte des eaux pluviales) ou pour des usage mixtes (réseaux d’assainissement unitaires), ou qu’ils n’aient pas été conçus pour les accueillir (mauvais branchements sur des réseaux de collecte séparative des eaux usées, tranchées, tunnels de métro, etc.).


Figure 1 : Eau de pluie, eau pluviale et eau de ruissellement ; Crédit photo : Bernard Chocat.

Ces divers processus peuvent concerner successivement, et parfois dans de multiples circulations, une même eau jusqu’à in fine que cette dernière finisse par sortir du système urbain en s’évaporant, en étant évapotranspirée par la végétation ou étant déversée en rivière, dans un lac ou dans la mer, après avoir été traitée ou sans l'avoir été.

Sur le plan qualitatif, l'eau de pluie arrive au sol déjà chargée en polluants qu'elle a accumulés au contact des aérosols ou parce que les gouttes de pluie ont dissous des molécules gazeuses. Elle connaît ensuite dans son parcours à travers le système urbain des évolutions profondes de sa composition chimique et se charge en polluants divers en lessivant les surfaces sur lesquelles elle s'écoule et en se mélangeant à d'autres effluents. Elle peut parfois éroder profondément les sols urbains et/ou entraîner des macro-déchets.

Face à cet enchevêtrement de stockages et de circulations, d’érosions et de dépôts, les praticiens, et les textes juridiques, ont adopté des définitions qui n’avaient pas pour fonction de décrire ces cheminements ni de se caler sur ces phénomènes. Leur objectif était plus simplement de mieux cerner les sujets qu’il était nécessaire de traiter. Ce sont ainsi développés des termes d’usage courant dont la définition reste cependant encore assez floue :

  • eaux "gérées à la parcelle" (notamment par les solutions alternatives) : que l'on applique aux eaux qui ne circulent pas sur de grandes distances avant d’être infiltrées, évaporées ou évapotranspirées ;
  • "eaux claires parasites" quand elles entrent dans des réseaux qui ne sont pas conçus à cet effet ;
  • "eaux pluviales", objet du présent article et "eaux de ruissellement", qui concernent l'ensemble des eaux qui ne sont pas entièrement gérées à la parcelle (même si elles font l'objet d'un stockage provisoire), ni celles qui rejoignent les eaux souterraines.

Les désignations d’eaux pluviales urbaines et d’eaux de ruissellement utilisées communément et qui structurent les textes administratifs, n’ont donc ni la capacité, ni l’ambition, de refléter la réalité physique.

Il n’y a pas de définition juridique des eaux pluviales

Le terme "eau pluviale" est utilisé dans un sens administratif plus précis que celui de l'arrêté du 21 juillet 2015. Il sert en effet à définir la compétence Gestion des Eaux pluviales Urbaines (GEPU). L’article L2226-1 du code général des Collectivités locales définit cette compétence de la manière suivante :

"La gestion des eaux pluviales urbaines correspondant à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales des aires urbaines constitue un service public administratif relevant des communes, dénommé service public de gestion des eaux pluviales urbaines.

Le service de gestion des eaux pluviales urbaines assure le contrôle du raccordement des immeubles au réseau public de collecte des eaux pluviales urbaines et du respect des prescriptions fixées en application du dernier alinéa de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique et par le zonage défini aux 3° et 4° de l'article L. 2224-10 du présent code ainsi que par les règlements en vigueur. Les modalités d'exécution de ce contrôle sont précisées par délibération du conseil municipal."

En réalité, ce texte définit ce qu’est la "gestion des eaux pluviales" mais ne dit rien de précis sur ce que sont les "eaux pluviales" qu’il s’agit de gérer. Il s'agit même d'une définition autoréférente : seraient des eaux pluviales "les eaux qui sont gérées par un service de gestion des eaux pluviales" !

Les textes sont cependant construits explicitement en référence "au réseau public de collecte des eaux pluviales urbaines". On peut en déduire qu’ils ne prennent pas en compte les eaux de pluie qui ne sont pas prises en charge par ce réseau, en particulier :

  • les eaux de pluie gérées à la parcelle par des solutions alternatives ;
  • les eaux s'évacuant directement vers un exutoire naturel de surface ou souterrain ;
  • les eaux produites par des événements extrêmes dépassant la capacité de ce système, y compris celles qui y ont été introduites et qui en ont ensuite débordé, dont on comprend donc qu'elles redeviennent des "eaux de ruissellement" (figure 2).

Le CGEDD (Roche et al, 2017) a donc proposé de renoncer à ces termes "d’eaux pluviales" et "d’eaux de ruissellement" en soulignant que ce n’étaient "que deux facettes d’une même eau qui circule sur, sous et à travers la ville". Il a toutefois tenté de clarifier leur usage :

  • "Les eaux pluviales, en milieux urbain et péri-urbain, sont définies comme la partie des eaux issues de précipitations dont l’écoulement est pris en charge par des dispositifs dédiés (infiltration, transfert, stockage, etc.). Elles sont en interaction permanente avec les eaux souterraines et les autres réseaux."
  • "Les eaux de ruissellement sont définies non pas à partir d’un processus physique d’écoulement sur une surface mais comme la partie de l’écoulement qui n’est pas « gérée » par un dispositif dédié.".

Le même document précise : "les eaux de ruissellement s’écoulent pour partie en surface et empruntent en particulier les rues. Elles transportent de nombreux macro-déchets et sont parfois d’une forte turbidité, jusqu’à constituer des laves torrentielles. Une part chemine dans le sous-sol (zone dite non saturée, tranchées et conduites, voire métro). Elles se stockent et se déstockent, en situation de fortes pluies, non seulement dans le sol, mais aussi en surface (zones inondées) et dans le sous-sol (parkings, caves)."


Figure 2 : eau pluviale ? eau de ruissellement ? eaux ruisselantes et débordantes ? ; Crédit photo : Patrick Savary.

Pour éviter la confusion avec une définition stricte et physique du ruissellement, Bachoc et al. (2022) ont proposé de substituer à ce terme "d’eaux de ruissellement" l’expression plus satisfaisante "d'eaux ruisselantes et débordantes" (figure 2).

Éléments complémentaires d'approche phénoménologique

Eau pluviale et pollution des eaux pluviale

Pour clarifier les terme de pollution des eaux pluviales, pollution des eaux de ruissellement et caractériser ce que peut recouvrir celui de pollution des rejets urbains de temps de pluie, il est nécessaire de dépasser le cadre réglementaire pour raisonner uniquement sur les processus.

Comme indiqué plus haut, les eaux provenant des précipitations reçues par la ville passent en effet par plusieurs étapes et peuvent suivre différents cheminements.

Il y a d’abord l’eau de pluie qui provient de l’atmosphère et qui, lorsqu’elle atteint les toits ou le sol, s’est chargée en polluants au contact des aérosols ou parce que les gouttes de pluie ont dissous des molécules gazeuses. Quelle que soit sa destination finale (dispositif dédié dans le cas d'une eau pluviale au sens strict, ou autre exutoire), sa qualité va progressivement se modifier.

En ruisselant sur le sol, quelle que soit sa destination, elle va lessiver et éroder les surfaces urbaines et ainsi va progressivement se charger en nouveaux polluants qui vont être transportés sous forme dissoute et/ou particulaire (voir Pollution des eaux pluviales (HU)). La charge en polluants des eaux qui s'écoulent sur le sol sera donc différente de celle de l’eau de pluie et sera d'autant plus importante que le trajet qu'elle aura parcourue en surface lui aura permis de se contaminer.

Si les eaux de ruissellement sont directement rejetées au milieu naturel (milieu de surface, eaux souterraines, voire atmosphère pour la partie qui s'évapore), les eaux pluviales sont, pour leur part, recueillies par un dispositif de collecte constitué tout d’abord par un réseau de surface de fossés et de caniveaux, puis dans un réseau souterrain de conduites. Déjà contaminée par les polluants présents sur les surfaces urbaines l'eau va continuer à l'être par les dépôts qui se sont constitués dans les différents ouvrages pendant la période sèche précédente. Sa qualité va donc continuer à se dégrader au fur et à mesure qu’elle va progresser dans le réseau.

Ce dernier peut être de type séparatif ou unitaire.

  • Dans le cas d'un réseau séparatif, les eaux pluviales vont la plupart du temps être rejetées directement au milieu naturel sans traitement préalable. Rappelons à ce propos qu’à l’origine le système séparatif devait être constitué d’un réseau de canalisations eaux usées et de l’obligation de conduire l’eau de pluie vers un exutoire en la conservant le plus longtemps possible en surface.
  • Dans le cas d'un système unitaire, l'eau va se mélanger avec des eaux usées et passer du statut d’eau pluviale à celui d’eau unitaire ou d’eau résiduaire. Une partie de cette eau va être conduite à une station d'épuration mais une autre va être rejetée sans traitement par des déversoirs d'orage.

Les rejets urbains de temps de pluie sont donc multiples : eau de ruissellement, eau pluviale, eau unitaire non traitée et eau unitaire épurée (figure 3). Les expressions "pollution des eaux pluviales" et "pollution des rejets urbains de temps de pluie" recouvrent donc des réalités très diverses, ce qui explique les incompréhensions fréquentes qui existent sur leur nature et leur importance.


Figure 3 : Différents rejets urbains de temps de pluie.

Eau pluviale et eau d'infiltration

Une autre difficulté consiste à faire le lien entre le statut administratif des eaux pluviales et la réalité phénoménologique associée au devenir de l'eau qui s'infiltre dans le sol des villes.

D'une part les systèmes alternatifs de gestion des eaux pluviales privilégient de plus en plus la gestion à la source de l’eau de pluie. Il devient ainsi de plus en plus difficile de faire la différence entre l’eau :

  • qui s’infiltre dans un ouvrage d’assainissement collectif, comme un bassin d'infiltration (qui constitue de façon claire, au sens administratif, une eau pluviale) ;
  • qui s’infiltre dans un ouvrage privatif comme un puits d'infiltration (qui selon la définition du système de GEPU constitue ou non une eau pluviale au sens administratif) ;
  • qui s’infiltre "naturellement" dans la pelouse juste à côté du puits et qui n'a clairement pas ce statut.

D'autre part une partie de l’eau de pluie qui s’infiltre "naturellement" dans le sol des villes, et qui n'a donc pas, à l'origine, le statut administratif d'eau pluviale, va quand même finir par rejoindre le système d’assainissement. Il s’agit des eaux parasites d’infiltration, dont la qualité sera généralement meilleure que celle de l’eau de pluie elle-même du fait du rôle de filtre ou d’interception des particules solides que joue le sol. De façon pratique ces eaux parasites d’infiltration se distinguent uniquement des eaux pluviales par le fait qu’elles mettent beaucoup plus de temps à rejoindre le système d’assainissement. En pratique, les deux composantes ne sont pas toujours aussi faciles à séparer.

L’utilisation de la terminologie d’eaux pluviales nécessite donc beaucoup de précaution, en particulier lorsque l’on parle de leur pollution : voir Pollution des eaux pluviales (HU).

Bibliographie :

  • Bachoc, A., Gandouin, C., Kovacs, Y., Maytraud, T., Morin-Batut, C., Pierlot, D., Roche, P.-A., Savary, P. (2022) : Mieux penser les eaux débordantes et ruisselantes en surface dans l’espace urbain , TSM n°5, mai 2022, p.7 à 13.
  • Roche, P.-A., Velluet, R., Aujollet, Y., Helary, J.L., Le Nouveau, N. (2017) : Gestion des eaux pluviales : 10 ans pour relever le défi, rapport n° 010159-01 CGEDD, avril 2017 ; le tome 1 présente les propositions et le tome 2 apporte des éléments de diagnostic et de méthodologie ; documents disponibles sur https://igedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/notice?id=Affaires-0008967&reqId=83bb1606-6f4a-45b2-9955-38f5015f000f&pos=1
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