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Coefficient de rugosité (HU)

De Wikigeotech

Traduction anglaise : Roughness coefficient, Resistance coefficient, Friction factor

Dernière mise à jour : 14/12/2022

Coefficient caractérisant la plus ou moins grande résistance qu’un tronçon oppose au passage de l’eau.

Ce coefficient traduit globalement le rôle des forces de frottement externes dues à la rugosité des parois mais également internes liées à la viscosité du liquide. Il conditionne les pertes de charge et constitue un paramètre déterminant du calcul de la vitesse des écoulements.

Sommaire

L'essentiel

Il existe différentes formules pour évaluer le coefficient de rugosité des conduites ou des canaux. La plus utilisée est la formule de Manning Strickler qui ne s'applique strictement qu'aux écoulements turbulents rugueux (valeurs de la constante de Chézy sensiblement comprises entre 30 et 70). Il serait donc préférable, même si ce n'est pas l'usage habituel, d'utiliser la formule de Colebrook qui ne présente pas cette limite.

La rugosité effective des parois elles-mêmes n'est pas le seul facteur structurel (en plus de la viscosité du fluide) contribuant à la dissipation de l'énergie. Les réseaux d'assainissement comprennent un grand nombre de singularités qui provoquent chacune des pertes de charges locales : coudes, chutes, changements de pente ou de direction, câbles accrochés aux parois, branchements, etc. Comme il n'est pas possible de prendre en compte individuellement chacune de ces pertes de charge singulières, il est nécessaire de les intégrer dans le coefficient de rugosité. De plus les pertes de charge peuvent être beaucoup plus importantes pendant les périodes pluvieuses du fait des arrivées latérales de débit dues aux avaloirs et aux branchements qui perturbent davantage l'écoulement que pendant les périodes de temps sec.

Les défauts constructifs et la dégradation progressive des parois, de même que les dépôts au fond des conduites, ont également tendance à augmenter, parfois significativement, la rugosité du matériau.

La rugosité apparente équivalente des conduites en service est ainsi toujours très supérieure à celle des conduites neuves, mesurée en laboratoire avec des eaux claires et dans des conditions plus simples. Les valeurs fournies par les fabricants de tuyaux sur la valeur de coefficient de débit sont donc généralement fortement sur-évaluées, en particulier pour les conduites les plus lisses (celles en PVC ou en grès).

De façon pratique, on retiendra que les valeurs réalistes du coefficient de débit de Manning-Strickler, pour des conduites d'assainissement en service, sont de l'ordre :

  • de 70 m1/3/s pour une conduite en grès ou en PVC (rugosité au sens de Colebrook de l'ordre de 2,5 mm) ;
  • de 65 m1/3/s pour une conduite en béton en bon état (rugosité au sens de Colebrook de l'ordre de 4 mm) ;
  • de 60 m1/3/s pour une conduite en béton un peu dégradée (ou pour une conduite en maçonnerie avec un enduit) (rugosité au sens de Colebrook de l'ordre de 6,5 mm) ;
  • de 50 m1/3/s pour une conduite en maçonnerie ancienne ou en béton très dégradée (rugosité au sens de Colebrook de l'ordre de 20 mm).

Évolution de la notion

Les travaux fondateurs

Déterminer la capacité de transport d’un canal, d’un aqueduc ou d’un bief de cours d’eau a été, de tout temps, l’une des préoccupations majeures des hydrauliciens et des hydrologues. Déjà, dans l’antiquité, on attribuait à Héron d’Alexandrie (sans doute entre les années 65 et 150 de notre ère) d’avoir énoncé, le premier, que le débit dans une section d’écoulement résultait du produit de la section par la vitesse moyenne de l’eau dans cette section. Cette notion élémentaire d’hydraulique fut cependant longtemps ignorée, en particulier par les ingénieurs romains qui confondait souvent vitesse et débit. La principale difficulté de son usage résulte de la détermination de la vitesse moyenne. C’est seulement vers la fin du XVIIIème siècle que furent produites les premières formulations pratiques, développées ultérieurement au XIXème et au début du XXème siècles.

Dans le cadre de l’amélioration du système d’alimentation en eau de Paris, Antoine Chezy (1718-1798) établit en 1775 que la vitesse moyenne $ V $ d’un écoulement permanent répondait à la relation (1) :


$ V = C.\sqrt{R_h.I} \quad (1) $


avec :

  • $ Rh $ : rayon hydraulique de l’écoulement (m) ;
  • $ I $ : pente du radier du canal (m/m) ;
  • $ K_s $ : coefficient dit de Chezy (m1/2.s-1).

Cette équation résultait de l’hypothèse d’égalité, en régime permanent, entre les forces "motrices" dues à la gravité, et les forces de frottement sur les parois du canal. Chezy avait, par ailleurs conscience que le coefficient $ C $ n’était pas constant et pouvait varier d’un bief à l’autre. Cette formulation remarquable resta cependant assez confidentielle. Elle fut exhumée des archives de l’École nationale des ponts et chaussées (dont Chezy fut le second Directeur) plus d’un siècle plus tard, et publiée aux Etats-Unis par G. Herschel en 1897.

Dans l’équation (1) le coefficient $ C $ traduit donc globalement la dissipation de l’énergie par frottement sur les parois et contient implicitement les effets dus à la rugosité de celles-ci. A la même époque, sans pour autant connaître les travaux de Chezy, G. Du Buat (1738-1809) appliquant le même principe d’égalité des forces de pesanteur et de frottement, proposa une formulation considérée par lui comme "universelle", car elle reposait sur l’hypothèse que les frottements étaient uniquement dus à la viscosité du fluide et non à la rugosité des parois.

Le XIXème siècle

Avec l'accroissement des activités industrielles et le développement de l’aménagement des territoires, de très nombreux ingénieurs et chercheurs vont, dans cette période, travailler à l’élaboration de formules de calcul de vitesses d’écoulement. Les premiers reprirent l’hypothèse de Du Buat sur la seule contribution de la viscosité, ou les travaux de A. De Coulomb (1736-1806) sur les forces de résistance à l’avancement d’un solide dans un liquide. P. Girard en 1803, G. De Prony en 1804, mais aussi l’Allemand Eytelwein en 1818, proposèrent ainsi des formules du type :


$ R_h.I = a.V + b.V^2 + ... \quad (2) $


Par exemple la formule d’Eytelwein, très populaire en Europe s’écrivait sous la forme :


$ R_h.I = 2{,}4.10^{-5}.V + 3{,}66.10^{-4}.V^2 \quad (3) $


Pour des vitesses de l’ordre du m/s la relation (3) pouvait alors se réduire à la formule suivante :


$ V ≈ 50.\sqrt{R_h.I} \quad (4) $

Cette formule fut proposée pour la première fois vers 1830 par l’italien Tadini. Elle fut confirmée en 1850 par le français E. Courtois. Selon le même principe, et devant les fluctuations expérimentales du coefficient $ C $, divers auteurs introduisirent des éléments correctifs censés tenir compte de divers effets liés à la géométrie des canaux comme la courbure des biefs. Barré de Saint Venant proposa sa propre formule vers 1850 sous la forme :


$ V = 60.(R_h.I)^{11/21} \quad (5) $


En réalité, ce furent les expériences conduites par le français Henri Darcy (1803-1858) et son assistant Henry Bazin (1829-1917) sur des canaux artificiels constitués de divers matériaux qui mirent en évidence le rôle fondamental de la nature des parois dans la variabilité du coefficient $ C $ de la formule de Chezy. La notion de rugosité de paroi était désormais admise. En 1865 fut ainsi proposée la relation :


$ V^2 = \frac{R_h.I}{a.(1+\frac{b}{R_h})} \quad (6) $


dans laquelle $ a $ et $ b $ étaient des coefficients dépendant de la nature des parois des canaux. Cette formule connut un succès considérable et de nombreux expérimentateurs tentèrent d’en vérifier sa validité dans le cas, notamment, de cours d’eau naturels. Les travaux de synthèse les plus élaborés furent dus à deux ingénieurs suisses : E. Ganguillet (1818-1894) et W. Kutter (1818-1888), qui proposèrent, en 1869, la formulation suivante du coefficient de Chezy $ C $.


$ C = \frac{a+\frac{1}{n}}{1+a.\frac{n}{\sqrt{R_h}}} \quad (7a) $


Avec :


$ a=23+\frac{1{,}55.10^{-4}}{I} \quad (7b) $


  • $ n $ : coefficient de rugosité.

Les formules(7a) et (7b) présentaient l’avantage de ne comprendre qu’un seul coefficient. Au demeurant elle était jugée compliquée et les chercheurs tentèrent de la simplifier. Ainsi Kutter proposa-t-il une version simplifiée de ces relations.


$ C = \frac{100.\sqrt{R_h}}{n+R_h} \quad (8) $


Kutter proposait également un tableau pour choisir la valeur du coefficient $ n $ (figure 1).


Figure 1 : Valeurs à attribuer au coefficient $ n $ dans la formule de Kutter.

En 1869, l’ingénieur des Ponts et chaussées P. Gauckler (1826-1905) proposa les relations suivantes :


$ V = a_1.R_h^{4/3}.I \quad pour \quad I < 7.10^{-4}\quad (9) $


$ V = a_2.R_h^{2/3}.I^{1/2} \quad pour \quad I ≥ 7.10^{-4}\quad (10) $


La relation (10), combinée avec la relation de Chézy (1) est équivalente à celle qui sera proposée vingt ans plus tard par R. Manning (1816-1897) en assimilant $ a_2 $ au coefficient de débit $ K_s $, soit :


$ C = K_s.R_h^{1/6} \quad soit \quad V = K_s.R_h^{2/3}.I^{1/2}\quad (11) $


Avec :

  • $ K_s $ : coefficient de débit (m1/3.s-1).

Cette dernière formule connut un succès considérable. Elle est d’ailleurs encore en usage aujourd’hui. Malgré ce succès, Manning n’en était pas satisfait lui-même considérant que les dimensions de l’équation de Chezy, avec le coefficient de l’équation (11), n’étaient pas homogènes. Il proposa par la suite, une nouvelle expression en introduisant, notamment, la pression atmosphérique afin d’obtenir une équation de Chezy correctement dimensionnée. Cette relation était la suivante :


$ C = 34.\left[1+\frac{\sqrt{R_h}}{4}-\frac{0{,}03}{\sqrt{R_h}} \right]\quad (12) $


En réalité cette dernière équation ne fit pas d’adeptes. En 1890 le Français A. Flamant recommanda l’utilisation de la relation (11) comme beaucoup d’autres ingénieurs européens. La célèbre formule de Manning (établie donc en réalité pour la première fois par Gauckler) est également souvent associée au suisse A. Strickler. Ce dernier s’est en particulier intéressé au coefficient de débit $ K_s $ et a proposé, pour le cas des canaux en terre ou des fonds sableux, une relation permettant son évaluation à partir d'une grandeur physique, ce qui explique que le coefficient $ K_s $ soit appelé indifféremment coefficient de Manning, de Strickler ou de Manning-Strickler :


$ K_s = 26.\left[\frac{1}{k}\right]^{1/6}\quad (13) $


avec :

  • $ k $ : rugosité des parois au sens de Nikuradze (m) .

En 1897, H. Bazin proposa également une formule restée très populaire en France :


$ C = \frac{87}{1+γ.\sqrt{R_h}}\quad (14) $


Il proposa également différentes valeurs pour le coefficient $ γ $ (voir le tableau de la figure 2).


Figure 2 : Valeurs à attribuer au coefficient $ γ $ dans la formule de Bazin.

Approche hydraulique

L’inconvénient majeur des diverses formules proposées tout au long du XIXème siècle était bien sûr leur caractère empirique et leur prise en compte globale, par le biais de coefficients, de multiples phénomènes comme la viscosité du fluide, la rugosité des parois, le transport solide et le charriage sur le fond, etc. En outre, comme l’indiquait Manning, les formules n’étaient pas correctement dimensionnées. Au XXème siècle, de nombreux chercheurs se sont donc attachés à rechercher une formulation conforme en terme d'équation aux dimensions et prenant en compte explicitement les phénomènes en cause.

Afin d’assurer à l’équation de Chezy, des dimensions homogènes on peut écrire :


$ C = \sqrt{\frac{8.g}{λ}}\quad (15) $


soit :


$ V = \sqrt{\frac{8.g.R_h.J}{λ}}\quad (16) $


Avec :

  • $ g $ : accélération de la pesanteur (m/s2) ;
  • $ J $ : pente de la ligne d'énergie ou pertes de charge par unité de longueur (m/m) ;
  • $ λ $ : coefficient sans dimension appelé coefficient de frottement, ou coefficient universel de pertes de charge dans l’hydraulique des conduites en charge.

Nota 1 : Dans le cas d'un écoulement permanent uniforme $ I=J $.

Nota 2 : L'intérêt de cette formulation est d'établir une relation valable aussi bien pour les écoulements en charge que pour les écoulements à surface libre. Ce sont d’ailleurs les résultats des recherches dans le domaine des écoulements en charge qui ont beaucoup contribué à l'élaboration des formules de débit des écoulements à surface libre. Ceci est particulièrement intéressant pour les écoulements dans les conduites d'assainissement qui peuvent se produire à surface libre ou en charge.

Avec cette formulation il devenait possible de faire porter l’ajustement des formules de débit sur le coefficient $ λ $ en explicitant de façon distincte le rôle de la viscosité du fluide et celui de la rugosité des parois. Ce sont les recherches sur la turbulence, au début du XXème siècle qui donnèrent lieu aux résultats les plus significatifs. Les chercheurs se sont particulièrement intéressés aux relations entre $ λ $ et le nombre de Reynolds $ R_e $.


$ R_e = \frac{4.V.R_h}{ν}\quad (17) $


Avec :

  • $ ν $ : Viscosité cinématique du fluide (m2/s)

Si les travaux de L. Prandtl et Von Karman sur la turbulence, dans les années 20, sont souvent considérés comme les bases de l’hydraulique moderne, de nombreux expérimentateurs comme Moody, Nikuradze, Colebrook et White contribuèrent à la production de formules très utilisées aujourd’hui, notamment dans l’hydraulique des conduites en charge.

La relation la plus intéressante dans ce contexte est celle proposée par Colebrook et White qui présente l'avantage d'être valable pour tous les écoulements turbulents (turbulents lisses, turbulents rugueux et zone de transition).


$ \frac{1}{\sqrt{λ}} = -2.log\left[\frac{k}{a.R_h}+\frac{b}{R_e.\sqrt{λ}} \right] \quad (18) $


avec :

  • $ λ $ : coefficient de Colebrook (sans dimension) ;
  • $ g $ : accélération de la pesanteur (m/s2) ;
  • $ k $ : rugosité des parois au sens de Nikuradsé (m) ;
  • $ R_h $ : rayon hydraulique (m) ;
  • $ ν $ : viscosité cinématique du fluide (m2/s) ;
  • $ a $ et $ b $ : coefficients sans dimension (12 < $ a $ < 15 et 0 < $ b $ < 6).

Il s'agit d'une relation implicite qui paraît très compliquée à manipuler. Il est cependant possible d'en déduire une expression explicite de la constante $ C $ de la formule de Chézy dans le cas d'un écoulement uniforme ($ I=J $).

D'après la relation (16) :


$ V = \sqrt{\frac{8.g.R_h.J}{λ}} = \sqrt{\frac{8.g.R_h.I}{λ}}\quad (19) $


On peut donc écrire :


$ I = λ.\dfrac{V^2}{8.g.R_h} \quad\quad \Longrightarrow \quad\quad \dfrac{1}{\sqrt{\lambda}} = \dfrac{V}{\sqrt{8.g.R_h.I}} \quad(20) $


En reportant les expressions (17) et (20) dans la relation (18), on obtient une formulation explicite de $ λ $ :


$ \dfrac{1}{\sqrt{λ}} = -2.log\left[\frac{k}{a.R_h}+\frac{b.ν}{8.R_h\sqrt{2.g}.\sqrt{R_h.I}}\right] \quad (21) $


La relation (20) permet également d'écrire :


$ V = \dfrac{1}{\sqrt{λ}}.\sqrt{8.gR_h.I} = C.\sqrt{R_h.I} \quad(22) $


avec


$ C = \dfrac{1}{\sqrt{λ}}\sqrt{8.g} \quad(23) $


En reportant la relation (21) dans l'expression (23), on obtient finalement une expression explicite du coefficient $ C $ de Chezy :


$ C = -4\sqrt{2.g}.log \left[\frac{k}{a.R_h}+\frac{b.ν}{8.R_h\sqrt{2.g.R_h.I}}\right] \quad(24) $


Les valeurs généralement retenues pour $ a $ et $ b $ sont les suivantes :

  • $ a = 14{,}8 $
  • $ b = 2{,}51 $

De façon pratique, l'intérêt de cette relation est de faire apparaître des grandeurs physiques mesurables (la viscosité du fluide et la taille moyenne des aspérités du fond et des parois). Il est cependant important de comprendre que dans un réseau d'assainissement les pertes de charge linéaires dépendent non seulement de la dimension des aspérités, mais également des macro-obstacles à l'écoulement que l'on peut y rencontrer : coudes, chutes, câbles accrochés aux parois, branchements, etc., ainsi que des perturbations hydrauliques de l'écoulement (en particulier arrivées latérales d'eau par les avaloirs et les branchements).

Comme il est souvent trop compliqué de représenter chacun de ces éléments par une perte de charge singulière individualisé, on fait généralement le choix (le plus souvent de façon totalement implicite) de majorer la valeur de $ k $ pour en tenir compte (voir § sur les règles pratiques).

A titre indicatif, le tableau de la figure 3 donne des indications sur le choix de $ k $ et de $ ν $ :


figure 3 : Valeurs indicatives pour le choix de $ ν $ et $ k $.

Liens entre la formule de Colebrook et la formule de Manning-Strickler

Il est possible d'établir une relation simplifiée entre le coefficient $ K_s $ de la formule de Manning-Strickler et la rugosité $ k $ de la formule de Colebrook (Hager, 1999) :


$ K_s = 26.\left[\frac{1}{k}\right]^{1/6}\quad (25) $


Même si elle est approchée (voir Colebrook (formule de) (HU)), cette relation reste relativement correcte pour des valeurs de rugosité comprises entre quelques mm et quelques cm pour les sections courantes rencontrées dans les réseaux. Elle permet de construire le tableau de la figure 4.


Figure 4 : Relation entre la rugosité $ k $ en mm de la formule de Colebrook et le coefficient $ K_s $ de la formule de Manning-Strickler en m1/3/s.

Prise en compte de l'air dans les conduites fermées

Une autre difficulté spécifique aux conduites fermées fonctionnant à surface libre est liée à la présence d'air au dessus de l'eau. Dans le cas de sections remplies à plus de 50%, la résistance de l’air provoque en effet une perte de charge supplémentaire. Le memento technique de l'ASTEE (2017) recommande d'utiliser le modèle proposé par Thormann et Lautrich qui prend en compte ce phénomène en augmentant la valeur du périmètre mouillé et donc du rayon hydraulique.


$ R_h = \frac{S_h}{P(1 + α)} \quad(25) $


$ α = 0 \quad si \quad h/h_{max}<0{,}5 \qquad et \qquad α = \frac{(\frac{h}{h_{max}}-0{,}5)^3+0{,}5.(\frac{h}{h_{max}}-0{,}5)}{15} \quad si \quad h/h_{max}>0{,}5 \quad(26) $


La figure 5 montre que l'écart sur la vitesse et le débit peut être important pour des remplissages de l'ordre de 70% à 80% de la conduite.


Figure 5 : Comparaison des vitesses et des débits calculés par la formule de Manning-Strickler avec et sans correction par la formule de Lautrich ; Source : Astee (2017).

Un autre avantage important de cette correction est que la relation entre la hauteur d'eau et le débit devient bijective.

Règles pratiques à appliquer

Sur un plan pratique, le choix de la formule à appliquer et du coefficient à appliquer doit tenir compte de différents éléments :

  • La formule de Manning-Strickler n'est valable que pour les écoulements turbulents rugueux, c'est à dire correspondant à des valeurs de la constante de Chézy sensiblement comprises entre 30 et 70. Cette condition est souvent vérifiée dans les réseaux d'assainissement, mais pas toujours, ce qui peut conduire à des erreurs relativement importante sur la vitesse, le taux de remplissage ou le débit maximum admissible. Il serait donc préférable, même si ce n'est pas l'usage habituel, d'utiliser la formule de Colebrook qui ne présente pas cette limite. On peut d'ailleurs simplifier la relation en considérant que la viscosité cinématique de l'eau est sensiblement constante.
  • Comme indiqué précédemment la rugosité à prendre en compte n'est pas le seul facteur contribuant à la dissipation de l'énergie. Les réseaux d'assainissement comprennent un grand nombre de singularités qui provoquent chacune des pertes de charges locales : coudes, chutes, changements de pente ou de direction, câbles accrochés aux parois, branchements, etc. Comme il n'est pas possible de prendre en compte individuellement chacune de ces pertes de charge singulières, il est nécessaire de les intégrer dans le coefficient de rugosité en minorant celui-ci. Il faut noter que ces pertes de charge peuvent être beaucoup plus importantes pendant les périodes pluvieuses du fait des arrivées latérales de débit dues aux avaloirs et aux branchements qui perturbent plus l'écoulement que pendant les périodes de temps sec.
  • A l'opposé, pendant les périodes de temps sec le taux de remplissage des conduites peut être très faible et la présence de dépôts au fond de la conduite peut également considérablement augmenter les pertes de charge locales et diminuer la vitesse d'écoulement.
  • Enfin, une conduite d'assainissement fonctionne dans des conditions physico-chimiques, et parfois mécaniques, difficiles. Outre les dépôts indiqués précédemment, on observe souvent une érosion particulièrement forte dans la partie basse de la conduite ainsi, sur les réseaux unitaires, qu'un développement de biofilm dans la zone de battement des eaux usées. Ces facteurs font que, même en partie courante, la rugosité réelle des conduites en service peut être très supérieure à celle des conduites neuves, mesurée en laboratoire avec des eaux claires. Les valeurs fournies par les fabricants de tuyau sur la valeur de coefficient de débit sont donc généralement fortement sur-évaluées en particulier pour les conduites les plus lisses. Il est exceptionnel qu'une conduite en service, même en grès, en PVC ou en PRV présente un coefficient de débit supérieur à 80 ou 90 m1/3.s-1 et rare qu'elle dépasse 70.

Le tableau de la figure 6 indique les valeurs optimistes et moyennes observées pour le coefficient de Manning-Strickler et pour la rugosité au sens de la formule de Colebrook dans le cas de conduites ou de canaux en service ainsi que dans celui de rivières naturelles. Les valeurs apparentes de rugosité peuvent même être encore plus grandes, par exemple en cas de mauvaises réalisation des ouvrages, d'ensablement important ou de dégradation des parois (attention une valeur plus grande de rugosité se traduit par une valeur plus faible du coefficient de débit de Manning-Strickler). Nous conseillons par prudence le choix des valeurs moyennes.

Ces valeurs prudentes sont cohérentes par exemple à celles préconisées par SETRA (2011) qui recommande d’adopter, quel que soit le matériau utilisé, un coefficient de Manning-Strickler ne dépassant pas 70 à 80.


figure 6 : Compilation des valeurs optimistes (respectivement maximum et minimum) et moyennes des coefficients $ K_s $ de la formule de Manning-Strickler et $ k $ de la formule de Colebrook en fonction de la nature des parois pour les ouvrages en service.

Bibliographie :

Pour en savoir plus :

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