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Prévision des crues et des inondations (HU)

De Wikigeotech

Auteur : André Bachoc.

Relecteurs : Chocat B., Desbordes M., Deutsch J.C., SCHAPI

Traduction anglaise : Flood forecasting

Dernière mise à jour : 4/7/2020 Nota : la dernière mise à jour est uniquement une mise à jour technique (mise en page et illustrations) ; la dernière mise à jour du texte date de 2016.

Ensemble des actions et processus permettant :

  • d'anticiper avec un délai optimum, et le plus clairement possible (OMM, 2011), le niveau d'eau et le débit, ainsi que les dates et heures de leur survenance, au niveau de points de prévision situés sur un cours d'eau en crue ou en hautes eaux (sous influence marine, par exemple), ou dans un système d'assainissement par suite d’une pluie intense ;
  • de prévoir les débordements et les inondations ;
  • d’informer les autorités et la population pour qu'ils puissent limiter leurs conséquences négatives : pertes de vie et santé des riverains, dégâts matériels et pertes économiques, dégradations de l'environnement et du patrimoine culturel.


Sommaire

Quelques précisions techniques

Le délai de l’anticipation résulte d’un compromis. Il doit être :

  • assez long pour permettre ou faciliter la mise en œuvre des procédures d’alerte et de mise en sécurité des personnes et des biens ;
  • assez court, afin que l’information délivrée soit suffisamment précise et efficacement utilisable par les responsables de la sécurité et les personnes susceptibles d’être touchées par les inondations.

La dynamique des crues est décrite en général par une ou deux série(s) de couples de données, observées jusqu’au moment de la prévision puis prévues pour la suite, couples composés :

  • des niveaux d’eau dans les cours d’eau aux points de prévision et de la date et de l’heure auxquels ils ont été atteints (pour les observations), ou devraient l’être (pour les prévisions) ; des informations de prévision plus qualitatives, comme des tendances, sont données dans des cas plus difficiles (par exemple en début d’évènement, ou pour des bassins versants très réactifs, ou dans des configurations complexes encore mal connues) ;
  • et, autant que possible, des débits et des moments où ils ont été atteints, ou le seront.

Les variations de ces couples de données (valeur, temps) peuvent être indiquées textuellement ou graphiquement.

Les prévisions sont accompagnées d’indications sur les incertitudes qu’il faut leur attribuer.


Exemple de carte nationale interactive de vigilance « crues ».

Les phases clés d’une crue ou d’une période de hautes eaux sont :

  • le maximum, ou les maximaux en cas de crue à plusieurs pics ou d’influence par une marée à forts coefficients, en donnant des indications sur la durée de ce(s) maximum(s) ;
  • le rythme de montée des eaux, en spécifiant si possible les seuils de débordements importants ;
  • le rythme de la décrue.

Les points de prévision sont choisis en amont ou au droit des zones inondables les plus vulnérables, et prioritairement sur des sections où les mesures de niveau d’eau et de débit en crue sont les plus fiables.

La prévision des inondations associées peut prendre la forme de cartes des zones inondées potentielles représentant aussi, autant que possible les incertitudes à y associer. La prévision des crues prend en compte comme données d’entrée des mesures en temps réel, hydrologiques et pluviométriques, des prévisions météorologiques et des données plus statiques :

  • des mesures en temps réel de niveau d'eau et de débit sur le cours d'eau (ou, en hydrologie urbaine, le collecteur) considéré et sur ses affluents, en amont du point de prévision ;
  • des mesures en temps réel de ces précipitations pluvieuses (ponctuelles - par pluviomètres -, ou surfaciques - par radar météorologique -) ainsi que, dans certains cas, de stocks de neige ;
  • des prévisions météorologiques de précipitations pluvieuses, et d'autres paramètres influant sur la formation des crues ;
  • des évaluations ou des mesures des caractéristiques des bassins versants, et des tronçons de cours d'eau, (ou, en hydrologie urbaine, des collecteurs), pris en compte.

Elle utilise ces données d'entrée en mettant en œuvre des modèles numériques robustes (vis-à-vis des instabilités de calcul), et suffisamment rapides, ou plus complexes si nécessaire, pour simuler dans des temps impartis :

  • la transformation de la pluie en débit à l’exutoire des bassins versants situés à l’amont du réseau principal (constitué des tronçons de cours d’eau - ou, en hydrologie urbaine, de collecteurs - où les écoulements sont simulés hydrauliquement) ; cette transformation « pluie - débit » prend en compte le ruissellement superficiel ou souterrain, et les écoulements dans les réseaux hydrographiques en amont de points d'entrée dans le réseau principal modélisé hydrauliquement, ainsi que les apports latéraux intermédiaires entre deux points de calcul sur ce réseau principal  ; ces modèles sont qualifiés d'hydrologiques ;
  • les écoulements hydrauliques dans le réseau principal, constitué des tronçons de cours d’eau (ou, en hydrologie urbaine, des collecteurs), ainsi que de divers ouvrages, jusqu'aux points (ou sections transversales) faisant l'objet d'une prévision ; ces modèles sont qualifiés d'hydrauliques ou d’hydrodynamiques.

Elle formule et diffuse les résultats de prévision aux autorités et à la population sous une forme :

  • claire et directe (c’est l’un des objectifs centraux, en France, du site internet vigicrues ;
  • de plus en plus précise au fur et à mesure de la formation de la crue (en passant, au démarrage, d’une indication générale de l’éventualité d’une crue à une prévision de son ampleur et de son délai de survenance dans les secteurs les plus vulnérables, de plus en plus précise au fur et à mesure que la crue se forme, et surtout lorsqu'on se situe à l'aval d'un grand bassin versant) ;
  • anticipatrice (affichage des prévisions) et transparente (affichage des prévisions avec celui des incertitudes associées) ;
  • concrète pour les utilisateurs, ce qui conduit à compléter les prévisions de niveau d'eau et de débit par une prévision des zones inondées potentielles, avec des cartes indiquant les contours a priori (sans prendre en compte divers évènements localisés ou difficiles à anticiper, comme des sur-inondations dues à des apports de cours d’eau ou ruissellements locaux, ou bien à des obstacles fortuits ou inconnus jusque-là) ; ces cartes peuvent faire l’objet, dans plusieurs pays, d’une diffusion en temps réel à destination des services de sécurité ou d’un public plus large, de cartographies complémentaires donnant des classes de profondeur de submersion, et éventuellement d'autres indications concernant l’évolution de la situation et les impacts prévus.

On peut noter plusieurs liens très forts entre la prévision des crues et :

  • l’hydrométrie (mesure des niveaux d'eau et des débits, mais aussi de la pluie, en complément des données fournies par les services météorologiques), association datant des origines de ces deux disciplines ;
  • l’hydrologie, générale ou urbaine, qui étudie les effets des précipitations pluvieuses, notamment les écoulements en amont des cours d'eau ou des systèmes d'assainissement, puis au sein de ceux-ci ; l'hydrologie est en permanence sollicitée pour renforcer la fiabilité et la précision des méthodes et outils de modélisation pour la prévision ;
  • les prévisions météorologiques, et les mesures de pluie ainsi que, éventuellement, de stock neigeux, que peuvent fournir en temps réel les services météorologiques ;
  • les autorités (préfets voire ministres, maires et services placés sous leur responsabilité) chargés de l'alerte et des secours ;
  • la population (dirigeants de services et d'entreprises ; citoyens et, de manière plus générale, habitants) concernée par une inondation, et qui est responsable en premier lieu de sa propre sécurité (voir nota ci dessous).

Nota : La loi du 22 juillet 1987 instaure le droit des citoyens d'accéder aux informations sur les risques auxquels ils sont exposés. L'article 4 de la loi n° 2004-811 de modernisation de la sécurité civile, adoptée le 13 août 2004, et intégré au code de la Sécurité intérieure (Article L721-1) par Ordonnance n°2012-351 du 12 mars 2012, stipule que « toute personne concourt par son comportement à la sécurité civile. En fonction des situations auxquelles elle est confrontée et dans la mesure de ses possibilités, elle veille à prévenir les services de secours et à prendre les premières dispositions nécessaires ». ).

Historique de la prévision des crues en France

En France, le développement de méthodes et de services de prévision des crues a commencé suite aux grandes crues du XIXème siècle, en particulier les crues du Rhône et de la Saône de 1840, celle de la Loire de 1846. Les premiers services spéciaux chargés des études relatives aux inondations de la Loire, du Rhône, de la Garonne et de la Seine furent ainsi créés par Napoléon III en 1856, puis étendus à la Meuse en 1858. L’organisation de l’annonce des crues par bassins versants fut ensuite généralisée par les circulaires du 7 août 1879 et du 1er mai 1881.

Les pionniers (Belgrand, Comoy, etc.) développèrent les principes qui sont encore utilisés aujourd'hui et connurent de belles réussites en prévoyant des crues de la Seine et de la Loire.

Suite à la crue de la Seine en 1910, l’État mit en place un dispositif national de prévision des crues dont la conception paraît moderne encore aujourd'hui. Malheureusement la première guerre mondiale empêcha le développement et le  fonctionnement corrects de cet outil qui, progressivement, se sclérosa et perdit de son efficacité.

Le XXème siècle fut marqué par de grands progrès à la fois en termes de modélisation et de métrologie. Malgré tout la prise en compte de ces progrès par les services en charge de la prévision des crues fut assez lente, et inégale selon les régions. Il faudra attendre les grandes crues du début des années 1980 pour que l'État décide de restructurer l'organisation de la prévision des crues Les réformes entreprises restèrent cependant timides, et ce n'est qu'après une nouvelle série de catastrophes au début des années 2000 qu'une organisation vraiment plus efficace a été mise en place.

Pour en savoir plus sur l’historique de la prévision des crues : de 1840 à 1914, le temps des pionniers (Bachoc et al, 2013)

Les premiers pas scientifiques et techniques dans ce domaine ont, en France, été réalisés un peu avant et pendant les terribles inondations de fin octobre à début novembre 1840 de la Saône et du Rhône, avec notamment le quatuor composé du Docteur Lortet, fondateur de la commission hydrologique - société savante locale - de Lyon, de M. Terme, maire de Lyon, de M. Jayr, préfet du Rhône et d’André-Joseph de Lagorce, ingénieur en chef du service spécial du Rhône.

Ces avancées ont été poursuivies sur la Loire, après la grande crue de 1846, à l’initiative de M. Collin, ingénieur en chef du Service spécial de la Loire, avec l’élaboration en 1853 d’un règlement organisant le service hydrométrique de la Loire.

Et c'est en 1854 qu'Eugène Belgrand, moins d'un an après avoir été chargé d'organiser le service hydrométrique de la Seine, a décrit les facteurs à identifier pour anticiper les crues de la Seine, notamment à Paris . Il a pour cela bénéficié des expériences antérieures citées, mais aussi celles de la Seine. Il a surtout mobilisé tous ses acquis personnels durant son long séjour en Bourgogne en matière d'hydrologie : il y a créé cette discipline, sur la base de ses connaissances en géologie et de ses patientes observations de terrain.


Eugène Belgrand ; Source : Deutsch et Gautheron, 2013.

Après les très fortes crues de début juin 1856, notamment sur les bassins de la Loire et du Rhône, Napoléon III décide de créer, le 26 juillet 1856, des services spéciaux chargés des études relatives aux inondations, sur la Loire, le Rhône, la Garonne et la Seine, puis sur la Meuse le 17 juin 1858, décisions formalisées administrativement en 1876 et 1878. L’organisation de l’annonce des crues par bassins versants sera généralisée par circulaires du 7 août 1879 et du 1er mai 1881.

On peut noter au passage que cette organisation administrative par bassins versants (et plus seulement par axes, ou zones de navigation) précède de plus d’un siècle celle qui a été (ré-)instituée par la loi sur l’eau de 1964.

Sur le plan scientifique, les travaux se développent dès le milieu des années 1850. Eugène Belgrand, Georges Lemoine et leur équipe sur la Seine, Guillaume-Emmanuel Comoy, Henri Sainjon et leur équipe sur la Loire, ainsi que Charles Kleitz sur le Rhône, documentent aussi précisément que possible les crues remarquables du passé. Ils les classent et dégagent des « règles pratiques pour déterminer à l’avance sur divers points du littoral [des fleuves] la hauteur et l’époque du maximum des crues » (Belgrand dès 1854 pour la Seine à Paris et l’aval, avec une anticipation de 2 ou 3 jours ; Comoy en 1857 pour la Loire).

Ces méthodes connaissent des réussites : Comoy et Sainjon prévoient assez bien la crue de 1866 sur la Loire. Belgrand prédit (par des communications « en direct » en séances du lundi de l’Académie des sciences !), respectivement 3 ou 4 jours à l’avance, le moment et les niveaux d’eaux du maximum des crues de la Seine à Paris les 18 décembre 1872 et 18 mars 1876. La prévision de 1876 est même exacte à 1cm près, dans des conditions de prévision, très favorables, il est vrai.

Ces méthodes, dont les grands principes sont exposés par E. Belgrand dans « La Seine » (Belgrand, 1872) sont progressivement perfectionnées, jusqu’à la crue de 1910 à Paris, et étendues à de nombreux autres bassins versants français, en partie directement par l’équipe parisienne. Elles reposent sur des grands principes qui sont encore d’actualité plus de 100 ans plus tard :

  • influence de la nature du sol sur le ruissellement superficiel (proportion non infiltrée, dynamique) ;
  • restitution retardée des eaux infiltrées ;
  • influence de l’antécédent pluviométrique sur la capacité des sols à infiltrer et retenir temporairement une partie de la pluie ; 
  • propagation plus ou moins rapides des crues suivant les caractéristiques des cours d’eau, notamment leur pente ;
  • durée de la crue augmentant de l’amont vers l’aval du cours d’eau ;
  • amortissement plus ou moins forts des ondes de crues suivant leur amplitude et les caractéristiques des vallées ;
  • présence ou non de facteurs d’augmentation des débits (fonte des neiges, pluie pendant la crue, débâcles) ;
  • distinction entre crue isolée et crue survenant au cours de la décrue d’une précédente ;
  • importance majeure de la manière dont les crues peuvent se combiner aux grands confluents (concomitance des débits maximaux ou décalages).


Carte de synthèse des méthodes d'annonce référencées sur le bassin de la Seine ; carte extraite du Manuel hydrologique du bassin de la Seine (et ses ajouts) et du rapport Picard d'octobre 2011 ; Source : Deutsch et Gautheron, 2013.
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Pour l’évaluation du niveau maximum de la crue, Belgrand (comme Sainjon pour la Loire) utilisent des combinaisons linéaires des niveaux maximaux relevés sur des échelles en amont, sur le cours d'eau principal et ses affluents. Les points utilisés sont soigneusement choisis en fonction de leur capacité à représenter la réaction d’une partie de l’ensemble du bassin versant (sur la base de critères pédologiques, géologiques et topographiques notamment). La méthode va plus loin que l'établissement de simples corrélations statistiques car les temps de propagation sont aussi pris en compte pour évaluer les concomitances et prévoir le temps des pointes de crue.

Abaque de Prévision sur le Serein entre l'Isle sur Serein et Chablis, 1894 ; carte extraite de Breuillé 1894, ajout manuscrit au Manuel hydrologique du bassin de la Seine ; Source : Deutsch et Gautheron, 2013.
]]

Pour la Seine, ces méthodes sont formalisées dans le « Manuel hydrologique du bassin de la Seine » (De Préaudeau, 1884), document précieusement transmis et diffusé, et suivi en 1885 d’un règlement général du service hydrométrique et d’annonce des crues de la Seine.

La crue de la Seine de l'hiver 1910 (à Paris, le pic a été atteint le 28 janvier et la décrue a duré 35 jours) constitue pour le dispositif d’annonce des crues un test autrement plus sévère que les crues de 1872 et 1876. Le niveau atteint (8,40 m au pont de la Tournelle, 8,62 m au pont d'Austerlitz) est le plus fort observé depuis la crue de 1658 (8,81 m au pont de la Tournelle). La période de retour statistique de la crue est estimée à 100 ans alors que celle de la crue de 1876 (6,50 m) n'était que de 25 à 30 ans. On change donc d’échelle des phénomènes et les prévisionnistes sont confrontés à un phénomène dépassant le domaine d’ajustement des méthodes du « Manuel hydrologique ». La difficulté est d'autant plus grande que plusieurs particularités viennent leur compliquer la tâche :

  • deux ondes de crues très importantes se succèdent à quelques jours d’intervalle ;
  • une partie des sols est gelée, ce qui amplifie et accélère les ruissellements superficiels ;
  • les apports du Loing (assez proche de Paris) sont exceptionnels.

Enfin, la crue arrive au moment d'un changement de génération des ingénieurs et agents de la prévision des crues.

Malgré tout, les prévisions à 24h sont correctes. Il en va de même pour les prévisions à 2 ou 3 jours sur la plupart des stations situées à l’amont de Paris. Cependant les prévisions à 2 ou 3 jours sont assez nettement sous estimées à Paris et à l'aval, notamment pour la période du 19 au 21 janvier. 

Ceci justifie en partie la mise en place d’une commission pilotée par M. Nouailhac-Pioch et Ed. Mallet. Dans leur rapport (Nouailhac-Pioch et Mallet, 1910), les auteurs considèrent que les services d’annonce des crues ont globalement bien fonctionné et que les dispositifs mis en place en 1854, puis en 1885 sont à conforter. Ils formulent douze propositions hiérarchisées pour améliorer l'efficacité des services d'annonce des crues, en particulier :

  • mieux intégrer les prévisions météorologiques pour la prévision des crues sur les bassins versants amont, ce qui nécessite :
  • de développer la télégraphie sans fil, de façon à disposer en temps quasi-réel des informations que pourraient fournir les bateaux sur l’Atlantique, et,
  • d'installer le service d’annonce des crues central pour le bassin de la Seine dans les locaux déjà occupés par le bureau central de la météorologie, rue de Grenelle, lesquels sont équipés d'un service de télétransmission moderne et priorisé ;
  • améliorer la précision des données recueillies par les observateurs et compléter leur caractère ponctuel dans le temps par des données enregistrées ;
  • raccourcir les délais de transmission par diverses mesures (notamment en généralisant l’utilisation du téléphone et en expérimentant une transmission automatique à distance des données enregistrées en continu) ;
  • améliorer l’accès aux échelles de crue ;
  • multiplier les jaugeages au niveau des échelles d’observation des niveaux d’eau ainsi que les calibrages au droit des sections correspondantes ;
  • généraliser à toutes les communes concernées la cartographie des contours des inondations les plus hautes connues (cartographie en principe rendue obligatoire par la loi du 28 mai 1858), de façon à mieux concrétiser sur le terrain les annonces de niveau faites sur les échelles; il s'agit également de freiner l’occupation et les endiguements des champs d’expansion des crues.

Dans la suite immédiate de la crue de janvier-février 1910, l’arrêté ministériel du 8 juillet 1910 réorganise également les services gérant les questions d’inondations en les chargeant de deux missions :

  • études et travaux nécessaires pour prévenir et l’atténuer les conséquences des inondations ;
  • hydrométrie et annonce des crues. 

Cette réorganisation fait apparaître 3 niveaux territoriaux :

  • Au niveau national un service central et une commission sont créés dans chacun des deux domaines (les deux commissions fusionneront en 1922, en intégrant l’hydroélectricité).  
  • Au niveau intermédiaire, 4 services centraux des inondations sont mis en place sur des territoires qui recouvrent de manière plus complète qu’auparavant les grands bassins versants :
  • bassins de la Seine, du Nord et de l’Est ;
  • bassin de la Loire et ses bassins secondaires ;
  • bassin du Rhône et ses bassins secondaires ;
  • bassin de la Garonne et ses bassins secondaires.

Au sein de ces services sera plus ou moins différenciée la fonction de pilotage des services du 3ème niveau dans le domaine qui nous intéresse. Ces quatre services fusionneront, par circulaire du 16 janvier 1917, sous la poussée de la prise en compte de l’hydroélectricité, en un seul au niveau national, le Service central des forces hydrauliques et des inondations.

  • Au niveau local, 30 services hydrométriques et d’annonce des crues « départementaux » sont définis. Rattachés sur le plan hiérarchique à un service département des ponts et Chaussées ou à un service de la navigation, ces services couvrant souvent, pour cela, des territoires s'étendant sur plusieurs départements.

Ce programme apparait, avec le recul historique, d’une remarquable modernité, sur le plan technique et même organisationnel.

Pour en savoir plus sur l’historique de la prévision des crues : de 1914 à 1984, une stagnation des services rendus, mais un net progrès des connaissances 

Le beau programme de 1910 ne va guère se concrétiser sur le plan pratique. La guerre de 1914-1918 constitue le premier point d'arrêt. Beaucoup de registres d’observateurs s’arrêtent subitement fin juillet 1914, et leur reprise sera assez chaotique.

Après la première guerre mondiale, des regroupements de services sont effectués, comme indiqué plus haut, en intégrant de nouvelles missions (hydro-électricité en particulier) qui deviennent plus prestigieuses. Cela s’est sans doute souvent traduit par de fortes pertes de compétences et de motivation, aggravées par la seconde guerre mondiale.

Le niveau central s'étiole progressivement, préservant à peine un rôle de centralisation des informations sur les évènements les plus graves, et délaissant la coordination technique. Le nombre des services locaux a augmenté (37 en 1977, jusqu’à 52 en 1992) et leurs forces respectives ont baissé ; leur compétence s’est émiettée et leurs méthodes ont évolué de manière inégale avec le plus souvent des stagnations sinon des reculs. Peu d'éléments nouveaux apparaissent avant la fin des années 1960.

L'arrêté ministériel du 18 janvier 1962 fusionne le service central d’hydrométrie et d’annonce des crues, créé en 1910, avec le Service central des forces hydrauliques et des inondations, datant de 1917, en un Service central hydrologique dont la taille reste modeste. Le niveau intermédiaire réapparaît, mais avec des moyens limités et en tout cas très inégaux, sous la forme de 10 services hydrologiques centralisateurs (SHC) couvrant les bassins de la Seine, de l’Escaut et de la Sambre, de la Meuse, de la Moselle, du Rhône, de la Garonne, de l’Adour, de la Dordogne, de la Charente et de la Loire. Ces services bénéficient de l'apport de compétences nouvelles, en particulier d’hydrologues rapatriés qui avaient exercé en Afrique du nord. Par arrêté ministériel du 24 août 1977, les territoires des SHC sont rapportés à ceux des 6 grands bassins mis en place par la loi sur l’eau de 1964. En 1992, les SHC sont intégrés aux Directions régionales de l’environnement (DIREN), fusionnées en 2009 dans les Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), coordinatrices de bassin. Dans le même temps, des règlements particuliers sont institués pour organiser l’activité des services locaux d’annonce des crues, domaine qui, à compter du décret du 11 juillet 1979, relève du Ministère chargé de l’environnement.

En parallèle, il y a eu cependant des avancées scientifiques et techniques, qui pouvaient s’appuyer sur les progrès réalisés en hydrologie et en hydraulique, notamment en France :

  • Dans le domaine de la géographie, de la relation pluie-débit, de l’hydrologie statistique ou des relations avec la météorologie, on peut citer notamment :
  • Maurice Pardé qui, entre les années 1920 et 1960, recense et analyse de façon précise toutes les crues importantes en France (Pardé,1963) et dans le monde (Pardé,1961) et constitue ainsi une matière première précieuse pour comprendre et mieux prévoir.
  • Marcel Roche (Roche, 1963) et Daniel Duband qui contribuent au développement de l’hydrologie statistique et travaillent au rapprochement de l’hydrologie et de la météorologie, avec entre autres résultats le développement des méthodes du GRADEX et SCHADEX, de la méthode des Analogues, de la Différence Première de la Fonction de Transfert – DPFT – pour la prévision des crues des petits bassins versants de montagne, etc.
  • Claude Fabret qui développe l'un des premiers modèles de transformation pluie-débit pouvant être recalé en fonction des observations en temps réel et qui installe au début des années 1970 avec Jean-Pierre Dupouyet le premier radar hydro-météorologique utilisé pour la prévision des crues du bassin de la Dordogne ; Claude Fabret, alors qu’il était directeur départemental de l’Equipement de Haute-Loire, a, par son action personnelle, contribué à sauver de nombreuses vies humaines lors de la crue de la Loire le 21 septembre 1980 (12 morts tout de même).
  • Jean-Marie Masson et Guy Bediot (Masson et Bediot, 1981), pour l’hydrologie statistique, ainsi que Michel Desbordes (Desbordes et al, 1986) ou Charles Obled ;
  • Dans le domaine de la propagation des ondes de crues (Baptista, 1990) ), Barre de Saint-Venant a proposé dès 1871 un système d'équations décrivant le phénomène et permettant de le simuler. Son système d'équations constitue, depuis, la base théorique du domaine. Il a ensuite été complété en particulier par les travaux de Graef en 1875 et de Kleitz en 1877. La première méthode permettant l'intégration graphique des équations de Barré de Saint-Venant, fondée sur les courbes caractéristiques, est due à Massau en 1889. Cependant au début du XXème siècle, malgré des développements mathématiques importants, les études sur la propagation des crues ont encore un caractère essentiellement empirique et pratique et visent des objectifs immédiats. Il faut dire que les moyens pratiques de résoudre les équations manquent. Dans les années 1930 on voit apparaître des modèles conceptuels fondés sur des considérations de stockage dans les cours d'eau (en particulier le modèle Muskingum proposé par McCarthy en 1938). En 1934, M. Bachet, un ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, propose une méthode graphique très ingénieuse, connue sous le nom des « Réglettes de Bachet » (Bachet, 1940), (Javelle et Lacaze, 2009), (Roche et al., 2012), dont l'usage va se généraliser en matière de prévision de crues. En 1951, Hayami propose une simplification du système complet de Saint-Venant permettant sa résolution directe. Il l’applique avec succès à la rivière Yedo, suscitant divers modèles dérivés. Le développement des connaissances (notamment, en France, par Bocquillon, Cunge, Preismann, Thirriot, etc.), associé au progrès et à la généralisation des ordinateurs permet, dès les années 1980 de construire des modèles performants de propagation des crues.


Exemple de réglette de Bachet dans le bassin de la Garonne : la prévision à la station de LAMAGISTERE se fait à partir de deux stations : VERDUN et SAINT-SULPICE ; Source : Ntonga, 1984.

Pour en savoir plus sur l’historique de la prévision des crues : depuis 1984, un mouvement de modernisation, de renforcement et d’élargissement de la prévision des inondations

Au début des années 1980, une série de crues importantes touche la France, notamment :

  • en janvier 1981, des crues de la Seine, puis du Doubs et de la Saône ;
  • en décembre 1982, des crues de la Marne, à nouveau du Doubs et de la Saône, de la Meurthe, de la Moselle, de la Meuse, de la Charente à Saintes et du Clain à Poitiers ;
  • en 1983, en avril à nouveau une crue de la Marne, puis en deuxième quinzaine de mai, une crue du Doubs et encore de la Saône - au total 840 millions de francs (soit plus de 200 millions d’euros) de dégâts - crue simultanée de la Meurthe et de la Moselle ; crue de la Nivelle au Pays basque côté français le 26 août, alors qu’à Bilbao, côté espagnol, les inondations du Nervion tuent 26 personnes.

Des évolutions des dispositifs d'annonce de crue, d'alerte et de secours s’avèrent nécessaires dans l’ensemble du pays.

Le 27 février 1984 sont publiés deux arrêtés ministériels :

  • le premier définit les missions des Services d’annonce des crues (SAC) et celles des préfets de département, des maires et de divers services ; il précise la chaîne d’information et d’alerte. Le principe consiste à cibler l’information à délivrer par les SAC sur un nombre limité de tronçons de cours d’eau à l’aval de stations où l’annonce est possible. Le SAC transmet des informations au préfet, lequel décide d’alerter les maires des localités concernées. C'est ensuite à chaque maire d'alerter la population de sa commune et de prendre les mesures de protection immédiates. Il est également prévu que certaines collectivités mettent en place leur propre service d’annonce de crue.
  • le second définit la nouvelle organisation des SAC, en homogénéisant les processus de production et de transmission des avis. Il distingue :
  • la mise en état de vigilance du service d'annonces des crues proprement dit, pour qu’il soit prêt à tout moment à alerter le préfet sur le risque et le déroulement d'une crue dommageable) ;
  • la mise en pré-alerte des services chargés de la transmission des avis de crues au préfet de département ;
  • la mise en alerte nécessitant une information directe de ce préfet.

Il est demandé que des règlements départementaux fixent, sur chaque station, les seuils à partir desquels des annonces sont diffusées, compte-tenu des cotes observées, ou prévues (lorsque le SAC dispose de modèles de simulation, ce qui est encore assez rare). L'arrêté définit également la mission des services de la météorologie nationale, y compris pour la mise à dispositions d’images provenant de radars météorologiques.

Le 11 février 1997, un nouvel arrêté ministériel d’ajustement de l’organisation de l’annonce des crues rend obligatoire une convention entre le SAC et les préfets ainsi qu'avec les services bénéficiaires de ses avis.

De 1999 à 2002, une nouvelle série de crues, encore plus catastrophiques que celles des années 1980, touche la France :

  • crues de l’Aude et des rivières voisines les 12 et 13 novembre 1999 (36 morts et plus de 600 millions d’euros de dégâts) ;
  • crue de la Somme de mars à mai 2001 (évacuation d’un millier de personnes, plus de 150 millions d’euros de dégâts) ;
  • crues dans le Gard et les départements limitrophes du 8 au 10 septembre 2002 (23 morts et 1,2 milliards d’euros de dégâts).


Crédit photo : Patrick Savary


Dans le même temps de nombreux autres pays européens sont touchés, particulièrement en Europe de l'Est et il apparaît nécessaire de faire évoluer le dispositif.

Une restructuration beaucoup plus profonde du réseau pour la prévision des crues et l’hydrométrie s’impose. La circulaire du 1er octobre 2002 en fixe le cadre, en organisant la création :

  • d’un centre national dédié à la prévision des crues, le Service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des crues (le SCHAPI) ; il sera mis en place à Toulouse à proximité des services centraux de Météo-France, par arrêté ministériel du 2 juin 2003 ; sa fonction de pilotage national sera étendue à l’hydrométrie par circulaire du 13 avril 2006 ; le SCHAPI est rattaché à l’administration centrale (direction de l’eau puis direction générale de la prévention des risques / service des risques naturels et hydrauliques) ;
  • de 22 Services de Prévision des Crues (SPC), qui se mettent en place de 2004 à 2007 en regroupant et remplaçant les 52 Services d’Annonces des Crues existants. L'objectif est de faire évoluer le service vers une meilleure anticipation des crues et une amélioration de l'information. Il s'agit également d’assurer la continuité de mobilisation nécessaire, avec une responsabilité élargie du service à l'échelle de tout un bassin versant.

La Loi « risques technologiques et naturels » du 30 juillet 2003 (qui crée ou modifie les articles L. 564-1 à L. 564-7 du Code de l’environnement) renforce encore cette évolution. Le décret du 12 janvier 2005 et les arrêtés ministériels du 26 janvier 2005, du 15 février 2005 et du 27 juillet 2006 établissent ainsi les points suivants :

  • L'État assurera l’organisation de la surveillance, de la prévision et de la transmission de l’information sur les crues.
  • Un Schéma directeur de prévision des crues (SDPC) sera arrêté au niveau de chaque grand bassin, en vue d’assurer la cohérence des dispositifs mis en place par l’État et éventuellement les collectivités locales, en fixant en particulier les principes selon lesquels s’effectuera la prévision et les objectifs à atteindre par étapes, de façon différenciée suivant les tronçons de cours d’eau.
  • L’organisation du dispositif fera l’objet d’un Règlement relatif à la surveillance, à la prévision et à la transmission de l’information sur les crues (RIC), pour chaque territoire de SPC, pris par arrêté du préfet du siège du SPC.
  • Les 22 SPC seront rattachés, soit à des DIREN coordinatrices de bassin, soit à d’autres DIREN, soit à des directions départementales de l’équipement, soit à des services de la navigation et, en ce qui concerne celui des bassins méditerranéens Est, à la direction interrégionale sud-est de Météo-France. Ces SPC, notamment les plus inexpérimentés, bénéficieront du soutien du SCHAPI, cœur du réseau pour la prévision des crues et l’hydrométrie. Grâce à de nouveaux outils et de nouvelles compétences, ils devront tous délivrer leurs informations sur les crues avec une avance significative sur le système précédent et les circuits d’information seront améliorés. Une carte de vigilance « crues » sera élaborée et publiées sur le site de Vigicrues.

Une nouvelle évolution s’est révélée nécessaire suite à de nouvelles inondations dramatiques pour lesquelles une meilleure anticipation aurait pu permettre de réduire les pertes de vies humaines ou les dommages matériels, notamment :

  • les 14 et 15 Juin 2010, à Draguignan et alentour, les inondations dans le département du Var, par l’Argens, la Nartuby et des ruissellements localisés, ont provoqué 25 décès et près de 1,4 milliards d’€ de dégâts ;
  • le 27 février 2010, lors de la tempête Xynthia, la submersion marine de communes littorales du centre ouest de la France, a provoqué une quarantaine de morts et de l’ordre de 700 millions d’euros de dégâts.

Ces deux évènements ont motivé l’élaboration et l’adoption interministérielle en février 2011 d’un Plan national sur les submersions rapides (y compris d’origine marine), dont l’important volet « prévision » identifie plusieurs orientations nouvelles à mettre en œuvre. Les retours d’expérience établis suite à ces inondations et quelques autres ont mis en évidence le besoin des habitants, des élus et des préfets, que soient :

  • encore renforcées les capacités de prévision des crues, en gagnant en précision et surtout en délai, améliorés les modèles de prévision des crues des cours d’eau, notamment à l’aval de bassins versants à hydrologie complexe, et pour des tronçons sous influence marine, notamment en estuaires ;
  • affichées plus régulièrement sur Vigicrues des prévisions, et les incertitudes inhérentes à ces prévisions ;
  • étendu le champ de la prévision aux crues soudaines, aux inondations fluviales sous influence marine, et également à la prévision des zones inondées potentielles ;
  • renforcée, pour atteindre ces objectifs, la chaîne opérationnelle et technique en atteignant dans tous les SPC la taille critique technique permettant de faire face à tous ces défis, tout en ne dépassant pas une taille maximale de territoire, afin de garder le contact avec la réalité du terrain.

En complément de cette nouvelle densification des SPC, il est apparu nécessaire d’organiser un relais local assuré par les directions départementales des territoires (et de la mer), en tant que référent départemental pour l’appui technique à la préparation et à la gestion technique des crises d’inondation, ce qui fera l’objet de la circulaire interministérielle du 28 avril 2011.

La circulaire du 4 novembre 2010 initie un processus qui, après les consultations qu’elle avait prévues, a permis l’approbation en 2012 et 2013 par les préfets coordonnateurs de nouveaux Schémas directeurs de prévision des crues :

  • fixant des objectifs plus larges et plus ambitieux que les précédents ;
  • réduisant le nombre des SPC au niveau du territoire métropolitain continental de 22 à 19.

Les RIC pour chacun des SPC et leur territoire ont concrétisé ces évolutions.

Le dispositif est complété par :

  • la mobilisation, à partir de 2011 des directions départementales des territoires (et de la mer) en tant que référents locaux sur les crises d’inondations ;
  • la mise en place en Corse et dans les Départements d’outre-mer de cellules de veille hydrologique dont les missions sont ciblées sur des enjeux plus localisées.

Principes et difficultés des systèmes actuels de prévision des crues  (Roche et al, 21012)

Voir aussi: article wikipedia ;

Prévoir, c’est anticiper un évènement, et autant que possible le quantifier. Les exigences portent donc à la fois sur la capacité à prévoir les événements suffisamment tôt pour pouvoir agir, et en prenant le temps de s’assurer d’une justesse suffisante pour des interventions judicieuses. Les premières prévisions qui portaient sur la propagation amont-aval des ondes de crues se sont vite révélées insuffisantes. Pour prévoir l'évolution des crues à l’exutoire de bassins versants plus réactifs ou de moindre taille, ou plus généralement pour allonger le délai de prévision, il a fallu remonter de plus en plus à l'amont des processus.

  • dans un premier temps on a essayé de prévoir la concentration des débits susceptibles de ruisseler sur les bassins versants, ce qui nécessite de mieux quantifier la pluie précipitée et de la transformer en débit ; ce premier défi n'est pas encore totalement surmonté ;
  • puis, pour gagner encore en délai, il s’est avéré nécessaire d’avoir recours à une prévision de ces précipitations, ce qui est particulièrement complexe lorsqu’elles sont d’origine convective, et qui a conduit à travailler plus encore avec les météorologues en leur demandant de développer des méthodes de plus en plus précises et diversifiées.

Dans le même temps il faut être de plus en plus précis sur les conséquences probables de la crue : niveaux atteints, surfaces probablement inondées, conséquences possibles. Les dispositifs actuels de prévision des crues tentent donc aujourd'hui d'intégrer toute la chaine des phénomènes générateurs : prévoir la pluie, la mesurer et en déduire les débits générés, représenter le transfert des ondes de crue dans le système hydraulique, prévoir les conséquences en termes de niveaux atteints, de zones inondées et de dégâts potentiels, ceci avec le meilleur délai d'anticipation possible.

Prévoir n'est pas suffisant, il faut également être en capacité d'agir pour limiter au maximum les conséquences négatives de l'événement. Au-delà des outils de prévision, il faut donc développer des procédures pour alerter les autorités et la population de la façon la plus efficace possible.

Le fait que toutes ces actions de modélisation et d’organisation doivent se faire en temps réel impose une rigueur particulière et une grande détermination pour concilier fiabilité et efficacité. Parmi les contraintes, on peut citer :

  • la nécessité d'une confrontation permanente, tout au long de l'évènement, entre résultats des prévisions et observations, et l'intérêt d'utiliser cette confrontation pour procéder à des corrections sur les modèles ou leurs résultats, immédiatement ou après coup ;
  • la nécessité d'une très grande préparation dans les méthodes et les protocoles de façon à exclure tout atermoiement, potentiellement générateur de confusion et de perte de temps dans la gestion de crise ;
  • la nécessité de se centrer sur des secteurs où il est réellement possible de fournir des anticipations relativement précises et pertinentes pour les zones à enjeux, ce qui implique des renoncements sur les autres, malgré la pression sociale ;
  • l’intérêt d’échanger à la fois en préparation des crises et en cours d’évènement grave, avec les divers partenaires impliqués, notamment les responsables, à divers niveaux, de l’alerte et des secours ;
  • la préparation et l’organisation de modes de fonctionnements dégradés pouvant être automatiquement mis en œuvre en cas de catastrophe susceptibles d'affecter différents éléments du système de prévision : appareils de mesure, de télétransmission de données ou de communications avec les partenaires, alimentation électrique, intégrité des locaux des centres de prévision, etc.

Moyens techniques à mettre en œuvre (Bruen, 1999)

La prévision des crues nécessite l'utilisation conjointe et complémentaires de données, dont certaines doivent être acquises en temps réel, et de modèles de simulation. Ces outils sont cependant insuffisants. Il est nécessaire de leur associer des procédures permettant de tenir compte d'éventuelles erreurs et d'évaluer les incertitudes associées aux prévisions de débit ou de niveau. Du fait des très fortes contraintes pesant sur l'activité de prévision, les outils de gestion de données et de modélisation doivent être rassemblés sur des plates-formes opérationnelles performantes. Ils doivent également être associés à des outils de nature différente apportant une aide aux experts en mettant à leur disposition l'expérience des événements importants déjà observés. Cette expérience du passé doit aussi être enrichie en permanence en se nourrissant des expériences du présent. Enfin, une fois la prévision établie et fiabilisée, elle doit être communiquée aux personnes menacées ainsi qu'aux autorités qui ont la charge d'assurer leur sécurité.

Ces différents éléments sont développés dans les paragraphes suivants.

Les données utilisées

Données hydrométriques accessibles en temps quasi-réel

Un système de prévision des crues nécessite un réseau de stations de mesures débimétrique et limnimétriques accessibles en temps réel ou avec un léger décalage, de quelques dizaines de minutes à, pour des cours d’eau à réactions assez lentes, une heure, voire deux. Ces données peuvent être utilisées directement pour suivre l'évolution de la crue ou indirectement pour caler les modèles mis en œuvre. Il existe une grande variété de stations de mesure équipées d’instruments de divers types. La composition du réseau de stations de mesure est déterminée par les exigences en termes de délais et de précision mais aussi par les emplacements où les prévisions doivent être effectuées (points de prévision), à la fois à proximité des zones inondables à forts enjeux et sur des sections où les mesures peuvent être assurées avec une validité suffisante pour permettre une vérification opérationnelle.

Les stations de mesure au sol doivent être télétransmises (par téléphone, radio, satellite, etc.) à une périodicité horaire ou infra-horaire, vers les centres de prévision. Ces données seront peut être complétées à moyen terme par les observations du niveau et des pentes de lignes d’eau des cours d’eau de plus de 100m de large, fournies par le satellite franco-américain SWOT (Surface Water and Ocean Topography), dont le lancement est prévu en avril 2021 (Voir Nota).


Satellite SWOT ; Source : La mission SWOT de topographie.

Nota : SWOT « sera équipé d’un radar interférométrique - KaRIn - à large fauchée (120 km à la verticale du satellite, contre quelques km jusque là), grâce à 2 antennes radars situées aux extrémités d'un mât de 10 m. KaRIn sera capable de réaliser des mesures le long d’une fauchée large de 120 km alors que les radars altimétriques actuels sont limités à une bande de quelques kms à la verticale du satellite. Cette large trace au sol permettra d'accéder au champ spatialisé des niveaux d’eau des fleuves de largeur supérieure à 100 m, ainsi que des lacs et zones d’inondation de surface supérieure à 250 m x 250 m, avec une précision décimétrique, et de quantifier les pentes avec une précision de l’ordre 1.7 cm/km (après moyennage sur une surface en eau > 1 km2).Couplées à des modèles de géoïde de précision (Goce) et à des modèles numériques de terrain précis, les données de la mission SWOT amélioreront de manière radicale des modèles hydrodynamiques fluviaux menant, selon des méthodes à fiabiliser, à des estimations des débits. ». Source https://swot.cnes.fr/.

La finesse de ce réseau d’observation au sol est à ajuster en fonction des enjeux, tout en restant assez homogène pour faire face à la diversité des situations hydrologiques (OMM, 2011). Les qualités principales que doivent présenter les stations de mesure et les dispositifs de télétransmission sont les suivantes :

  • robustesse : Chacun des composants doit pouvoir résister, dans des conditions économiques soutenables, aux conditions difficiles d’évènements hydrologiques exceptionnels ;
  • redondance maîtrisée : Le dispositif doit être capable de faire face aux défaillances les plus probables ou les moins évitables, ceci sans trop complexifier la gestion des données et des circuits de transmission ;
  • maintenabilité : Il faut disposer d'équipes mobiles mobilisables pour les opérations d’hydrométrie (jaugeages en crue) et de maintenance des appareillages de mesure ou de télétransmission.

Autant que possible, le système automatique doit être complété par des personnes relais d’observation. Ces personnes doivent être capables, en temps réel ou légèrement différé, de signaler les évènements particuliers (embâcles et débâcles, ruptures de digue, etc.) et de donner des indications quantifiées (niveaux et vitesse de l’eau, enjeux particuliers touchés, etc.), via des communications téléphoniques ou des réseaux sociaux (éventuellement en associant textes, photos et vidéos).

Les diverses télétransmissions permettent l’utilisation des données pour les prévisions et garantit leur archivage pour l’analyse ultérieure et la consolidation de la connaissance (qui s’opèrent, en France, avec la partie « temps réel » de la Plate-forme HYDRO centrale -PHyc - (Voir Banque HYDRO), ainsi que leur diffusion au public en temps quasi réel.

Données météorologiques, essentiellement pluviométriques

Les données nécessaires pour un système de prévision des crues sont de deux types :

  • des données historiques pour l’ajustement des modèles hydrologiques ;
  • l’intensité et la durée de la pluie déjà précipitée, ainsi que les prévisions de précipitations à venir, pour leur utilisation en temps réel dans les modèles de prévision.

Les données et les prévisions de précipitations sont nécessaires pour augmenter les délais de prévision, surtout lorsqu’il s’agit de crues soudaines ou rapides et quand on se situe sur des bassins versants d’assez petite taille. La distribution temporelle des précipitations est une variable majeure, leur distribution spatiale est une information presque aussi importante lorsque la pluie est inégalement répartie ou lorsque le bassin versant modélisé a des caractéristiques hétérogènes.

Les images radar-météorologiques constituent une source particulièrement utile pour bien connaître la répartition spatiale. Ces images présentent deux avantages supplémentaires :

  • elles permettent de visualiser la dynamique spatio-temporelle des pluies, et facilite ainsi la prévision à court terme ;
  • elles facilitent la communication avec les responsables de l’alerte et de l’évacuation, ainsi qu’avec la population via les médias.


Le réseau de radars de Météo-France en métropole (situation au 1er septembre 2019) ; les cercles des radars en bande S (en rouge) et C (en bleu, en noir pour les radars limitrophes) ont un rayon de 100 km ; les cercles des radars en bande X (en vert et violet) ont un rayon de 50 km ; Dpol = double polarisation ; Source : © Météo-France

Le territoire national est en effet assez bien couvert (29 radars en juillet 2015 sur le territoire métropolitain, auxquels il faut ajouter 7 radars outre-mer), grâce au développement du programme ARAMIS de Météo-France soutenu par le ministère chargé de l’environnement. Ce dispositif permet de disposer d’une certaine continuité de l’image de la pluie, ce qui marque un progrès majeur pour la prévision des crues, sauf, dans certaines zones, pour celle des crues rapides ou soudaines (et a fortiori les crues plus brutales encore dans les secteurs urbanisés).

Il apparaît possible qu’à moyenne échéance les satellites météorologiques permettront de faire la distinction entre les divers types de nébulosités (nuages de glace ou d’eau, nuages bas ou brouillard, etc.) en donnant des informations sur la structure verticale de l’atmosphère et de sa composante en eau. Ceci permettra d'améliorer la prévision et même la quantification des pluies.

Dans certaines situations, il est très utile de connaître les prévisions ou les estimations en temps légèrement différé des valeurs de certaines données complémentaires qui peuvent amplifier les crues : épaisseurs de neige et équivalent en eau, facteurs influant sur sa fonte (vent, température, pluie), gel au sol (pendant la pluie ou juste avant) qui limite fortement l’infiltration et augmente les vitesses de ruissellement.

Les images radar seules sont souvent insuffisantes pour avoir une bonne évaluation des intensités de pluies, surtout pour les fortes intensités. Il est donc nécessaire de combiner les images radar avec des données pluviométriques mesurées au sol. Il existe différents outils permettant d'effectuer ce traitement et de mettre le résultat à disposition du réseau pour la prévision des crues à des pas de temps compatibles avec la prévision. On peut citer, en France (voir B.04 - Estimation d'une pluie de bassin par observation RADAR) :

  • CALAMAR, développé par la société RHEA ;
  • les développements propres de Météo-France, notamment:
  • Les outils PANTHERE et ANTILOPE ; 
  • une représentation des données par objet météorologiques géo-référencés plutôt que par zones géographiques ;

Ces données d’observation, directes ou issues d'un traitement, doivent être complétées par les prévisions météorologiques. En France, le Service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations (SCHAPI) diffuse aux Services de prévision des crues (SPC) les prévisions de précipitations (et de données de contexte) produites par Météo-France. Il leur diffuse également, pour la moyenne échéance, les prévisions du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT). Ces prévisions sont mises à disposition par des services web cartographiques. Ces informations sont complétées dans certains SPC par la mise en œuvre de la méthode des analogues climatiques.

Données sur les bassins versants nécessaires aux modèles hydrologiques de prévision

Tous les modèles hydrologiques de transformation pluie-débit ont besoin d'une description des bassins versants situés à l'amont du point où l'on veut prévoir la crue. Les données nécessaires dépendent de la sobriété ou de la parcimonie (exigence d’un nombre réduit de données) du modèle hydrologique utilisé ou de la précision descriptive qui lui est nécessaire. Les paramètres de base sont généralement les suivants :

  • Données topographiques : surface et pente moyennée des bassins versants. Ces données peuvent être déterminées après délimitation du contour du bassin versant, à partir de modèles numériques de terrain (ou d’élévation). De tels modèles peuvent être obtenus auprès d’organismes nationaux (en France, l’Institut géographique national / IGN) ou internationaux, à diverses définitions d’échelles horizontales et verticales. Il est à noter que des données satellites peuvent fournir, en 2016, des données au niveau mondial à une résolution horizontale de 90 mètres, mais avec une résolution verticale de seulement ± 2 mètres.
  • Caractéristiques du sol : en particulier données relatives à la capacité d’infiltration du sol ainsi, éventuellement, qu’aux écoulements dans le sol et le sous-sol. Ces données peuvent être évaluées à partir de cartes pédologiques (élaborées par l’Institut national de la recherche agronomique - INRA - sur une bonne partie du territoire national, mais diffusées par des circuits très variables suivant les régions) et de cartes géologiques (diffusées par le BRGM).
  • Données liées au climat et à la couverture végétale : en particulier évapotranspiration potentielle.
  • Données dépendant à la fois du bassin versant et de la météorologie des jours ou semaines précédentes : en particulier taux d’humidité (ou saturation) du sol, qui sont évaluables à partir des antécédents pluviométriques, ou de modélisations (par exemple avec la chaîne ISBA de Météo-France) ou directement par observation satellitaire (l’expérimentation du satellite SMOS, lancé en 2009, s’est avérée encourageante, à grande échelle).
  • Autres paramètres spécifiques aux modèles, notamment ceux à base physique (évaluation des coefficients de frottement en surface des bassins versants, par exemple). 

Données sur les sections d’écoulement dans le réseau hydrographique principal et la topographie des zones inondables

Il est également nécessaire de disposer d'une description du réseau hydrographique principal de façon à pouvoir modéliser la propagation des ondes de crue. Cette description doit être plus précise dans les zones à enjeux si l'on veut être capable de définir les zones qui risquent d'être inondées. De façon pratique, les données nécessaires sont les suivantes :

  • une décomposition du cours d’eau en tronçons de caractéristiques homogènes, avec pour chaque tronçon : sa longueur, ses sections transversales aux deux extrémités (a minima sur son lit mineur, et si possible au-delà), la pente moyenne du fond et un, ou plusieurs (dans le cas d'une description des lits moyens et majeurs) coefficient(s) caractérisant sa rugosité ;
  • un recensement et une description géométrique et hydraulique des singularités hydrauliques (seuils, barrages, biefs secondaires, etc.), susceptibles de modifier significativement l'écoulement ;
  • pour les zones inondables, deux options sont possibles :
  • la plus simple consiste à prolonger les profils en travers décrivant les sections du lit jusqu’au pied des coteaux de façon à décrire également les lits moyen et majeur qui constituent la zone inondable. Ceci impose souvent de diminuer la longueur des tronçons de façon à rapprocher les profils en travers.
  • La plus courante désormais, dès lors que les enjeux d’inondation sont importants, consiste à établir un modèle numérique de terrain. Ceci peut se faire à partir de relevés topographiques classiques ou par imagerie aérienne (LIDAR). L’objectif est d’atteindre une précision altimétrique au moins de l’ordre du décimètre de façon à bien cerner les reliefs dans une large majorité de cas. Il est à noter qu’en complément, l’observation photographique des niveaux de la surface de l’eau des zones inondées aussi près que possible du moment de l’inondation maximale (Raclot, 2003) apporte une information complémentaire essentielle. Il faut noter que pour beaucoup de zones inondables françaises des relevés LIDAR du terrain ont été faits sous maîtrise d’œuvre de l’Institut géographique national (IGN) pour le compte du ministère chargé de l’environnement. Ces relevés visaient aussi à renforcer la connaissance des risques, dans le cadre de l’application de la Directive sur l’évaluation et la gestion des risques d’inondation, et aussi à objectiver la réalité altimétrique des terrains en zone inondable, sujet à querelles récurrentes pour la cartographie des Plans de prévention des risques d’inondation.

Modèles mis en œuvre pour la prévision des crues

Modèles hydrologiques de prévision des débits à l’exutoire des bassins versants

Ces modèles visent à estimer les valeurs futures que va prendre le débit à l’exutoire des bassins versants qui se situent à l’amont du réseau hydrographique principal. 

Le délai de la prévision correspond à l'intervalle de temps entre le moment où on réalise et diffuse la prévision et le temps futur auquel elle s’applique. Il est généralement de quelques heures (pour l'anticipation des crues soudaines) à quelques jours (pour les crues fluviales).

Les modèles utilisés prennent en compte les données concernant la pluie qu’il reçoit ainsi que des paramètres variables en fonction de l’antécédent pluviométrique (humidité des sols, éventuellement niveau des nappes, etc.). Ils utilisent aussi comme donnée de référence, lorsque c’est possible, le débit ou le niveau du cours d’eau constituant le drain final du bassin versant.

Deux types de modèles sont utilisés :

  • Des modèles événementiels. Leur objectif est de simuler les crues résultant d’un évènement pluvieux particulier ou d’une série de pluies suffisamment rapprochées pour générer des ruissellements qui interfèrent entre eux, ce qui justifie que l'on considère la crue de façon globale. Les modèles de ce type comprennent en général les procédures suivantes (DeVries et Hromadka, 1993) :
  • calcul des précipitations moyennes à chaque pas de temps et pour chaque sous-bassin hydrographique ;
  • détermination de la pluie nette en considérant l’évolution dans le temps des pertes au ruissellement ;
  • génération de l’hydrogramme de ruissellement direct de surface issu de la pluie nette ;
  • ajout d’un débit de base simplifié au ruissellement de surface généré, et éventuellement d’apports différés provenant du sol et du sous-sol ;
  • propagation dans les cours d’eau drainant le bassin versant ;
  • éventuellement transformation des hydrogrammes dans les retenues et composition de ceux-ci au niveau des confluents.

Pour pouvoir fonctionner, les modèles événementiels nécessitent une connaissance des conditions initiales d'un certain nombre de paramètres (état d'humidité des sols, niveau de remplissage des réservoirs, etc.).

  • Des modèles continus. Ces modèles prennent en compte en continu toutes les précipitations qui se succèdent sur le bassin hydrographique durant une longue période (base annuelle). Ils permettent de connaître les paramètres qui dépendent à la fois de l'antécédent pluviométriques et de la saison. Ils sont capables de fournir les conditions initiales nécessaires aux modèles événementiels.

Il existe dans la littérature de nombreuses typologies des modèles pluie-débit. Celle de Todini (2007) apparaît comme l’une des plus exhaustives. Elle présente l'intérêt de rester relativement simple et et de présenter les différents types de modèles. Elle affiche aussi une vraie volonté de rapprocher les deux principales approches de modélisation, à savoir les modèles basés sur les données (à la fois de type empirique boîte noire et de type conceptuel à base, ou « d’inspiration », physique) et les modèles distribués à base physique « guidés par les connaissances », plus scientifiques. Cette étude présente les forces et faiblesses relatives des différents modèles et précise les champs et la portée d’application de chaque approche. Elle distingue les catégories suivantes de modèles pluie-débit :

  • modèles pluie-débit empiriques basés sur les données ;
  • modèles pluie-débit conceptuels globaux « de type physique » ;
  • modèles pluie-débit distribués à base physique ou de processus ;
  • modèles pluie-débit distribués hybrides à base physique et conceptuels ;
  • modèles conceptuels empiriques hybrides.


Figure 2 : Les principes de fonctionnement de GRP en temps réel sont représentatifs des principes utilisées pour la prévision des crues ; Source : http://webgr.irstea.fr/wp-content/uploads/2012/09/Fiche-technique_GRP_2016.pdf

Le réseau national pour la prévision des crues, sous l’impulsion du SCHAPI, a adopté une stratégie de développement et de consolidation des modèles hydrologiques de prévision. Cette stratégie repose sur les éléments suivants.

  • s’appuyer sur les outils existants tant qu’ils donnent satisfaction et ne sont pas remplacés par d’autres plus performants en s'appuyant notamment sur SOPHIE, une plate-forme multi-modèles « pluie-débit » ou « débit-débit », développée en France dès les années 1980 (Roche et al. , 2012), (voir aussi B.23 - Modèles hydrologiques empiriques) et qui est maintenant utilisée comme pilote d’une structure plus complète, la Plate-forme opérationnelle pour la modélisation, la POM ;
  • installer très largement le modèle GRP relativement simple et robuste, dans tous les cas où il s’avère qu’il donne satisfaction ;
  • soutenir le développement de 2 modèles distribués à base physique, MARINE et ATHYS, en favorisant leur convergence (dans le cadre de la plate-forme PLATHYNES) et en privilégiant leur utilisation dans des cas de bassins versants à caractéristiques très contrastées et où les crues sont souvent consécutives à des évènements pluvieux très hétérogènes.

Modèles hydrodynamiques de propagation des ondes de crue (OMM, 2011), (Buchheit, 2013)

La simulation de la propagation d’une onde de crue permet de prévoir les changements que subit l’hydrogramme qui la représente au cours de sa propagation dans le système hydraulique. Ces changements résultent :

  • de la diffusion de l'onde de crue qui se traduit par un amortissement du pic de crue, un allongement de la durée de l'hydrogramme et un décalage temporel ;
  • des apports intermédiaires ou des particularités rencontrées sur le parcours (lâchers d’eau venant d’un réservoir, par exemple).

Il existe deux grandes familles de modèles :

  • les modèles apparentés aux modèles analogiques numériques (dits parfois « hydrologiques »), par exemple le modèle Muskingum, sont souvent empiriques ou conceptuels et globaux ; ils s'intéressent principalement aux transformations des hydrogrammes au cours de leur transfert dans le cours d’eau.
  • les modèles hydrauliques ou hydrodynamiques reposent sur les équations de Barré de Saint Venant ; ils représentent à la fois le débit et les grandeurs hydrauliques qui le caractérisent (hauteur et vitesse moyenne) ; ces modèles nécessitent des informations détaillées sur la géométrie et la rugosité des tronçons du cours d’eau, ainsi que des méthodes de calcul plus élaborées ; ce sont ceux qui sont aujourd'hui les plus largement utilisés ; ils peuvent être monodimensionnels (1D) ou bidimensionnels (2D).

Modèles pour la prévision des écoulements dans le lit majeur

Pour des questions de temps de calcul et de quantité de données à fournir, on privilégie généralement les modèles 1D dans les zones sans très forts enjeux. Cette représentation peut être insuffisante dans les cas de lit majeur très large ; elle est toujours insuffisante si l'on veut représenter correctement les zones inondées. Deux grandes familles d'approche peuvent alors être utilisées.

Les modèles à casiers permettent de représenter les transferts d'eau, d'une part entre le lit mineur et les lits moyen ou majeur, et d'autre part à l'intérieur du lit majeur. Ces modèles sont d'autant plus pertinents que le lit de la rivière est assez bien compartimenté par des infrastructures en remblais, des digues latérales ou des talus, qui réduisent les écoulements en lit majeur et conditionnent le stockage suite aux débordements. Les échanges entre casiers sont régis par des lois de transfert.

On utilise des modèles 2D dans le cas où les écoulements vont dans plusieurs directions horizontales : cours d’eau larges et assez peu pentus ; estuaire ; plaine d’inondation ; écoulements localisés aux abords d’un ouvrage. Ces modèles fournissent le niveau d’eau ainsi que deux composantes horizontales de la vitesse en tous points d’une grille de calcul appelée maillage. Ils nécessitent des données topographiques et bathymétriques plus précises, ainsi que des données sur le couvert des sols (pour estimer leur rugosité) dans le lit majeur. Ils ont l’avantage de ne nécessiter aucune hypothèse a priori sur les écoulements et de permettre de représenter des milieux à géométrie et topographie complexes. De plus, ils permettent de représenter les écoulements de manière relativement concrète, sur des cartes, ce qui facilite la communication au public. Mais ils sont plus lourds à mettre en œuvre.

Modèles mis en œuvre pour la prévision des crues : stratégie du schapi et du réseau national spc en matière de modélisation des écoulements

Le SCHAPI et le réseau national pour la prévision des crues ont adopté une stratégie de développement et de consolidation des modèles hydrodynamiques de propagation des crues qui repose sur les éléments suivants.

  • intégrer dans la Plate-forme opérationnelle POM les outils empiriques qui donnent de bons résultats ;
  • installer le modèle hydrodynamique 1D MASCARET chaque fois qu'un modèle de niveau au moins équivalent (HYDRARIV ou MIKE 11, par exemple) et maîtrisable par le SPC n'a pas déjà été mis en place sur le cours d’eau et sa zone inondable à l'occasion d'une étude antérieure, par exemple pour définir les cartes d’aléas d’inondation des Plans de prévention des risques d’inondation ; le modèle MASCARET a été choisi car il s'agit d'un logiciel libre, relativement facile d’utilisation et dont le potentiel continue d’être développé par une communauté dynamique (LNHE d’EDF, CEREMA et d’autres, par exemple pour l’assimilation des données, en forte liaison avec un club des utilisateurs) ;
  • soutenir la mise en place du modèle TELEMAC 2D dans des cas où les écoulements à simuler peuvent prendre significativement des directions non parallèles à l’axe principal du cours d’eau et où leurs conditions ne sont pas homogènes sur une section, par exemple dans des estuaires ou des zones inondables à faible pente ; ce modèle est porté par les mêmes acteurs que MASCARET, auxquels se joint de manière active un bureau d’étude privé comme ARTELIA, et, aussi, un club des utilisateurs.

La maîtrise des erreurs et incertitudes sur les prévisions de crues

Calage et vérification des modèles avant utilisation opérationnelle (OMM, 2011)

Le calage des modèles est une procédure classique qui vise à déterminer les valeurs optimales à donner aux paramètres pour reproduire au mieux, et de façon robuste, les observations faites sur un échantillon d’évènements aussi représentatif que possible.

La vérification des modèles a pour objectif de tester, en reconstituant les situations opérationnelles ou lorsqu’elles se présentent, l'aptitude des modèles calés à représenter correctement un échantillon de crues observées qui n'ont pas été utilisées pour le calage.

Un certain nombre de méthodes statistiques permettent de quantifier les écarts entre les valeurs prévues et observées des variables représentatives. Les variables prises en compte peuvent être des débits ou des niveaux maximaux, des temps de montée, des volumes écoulés, des formes d'hydrogrammes, etc. ; ils peuvent être évalués en différents points de la rivière. Ces méthodes sont utilisables aussi bien pour le calage que pour la vérification.

Les évaluations numériques des écarts peuvent être utilement complétées par des outils de visualisation. Plusieurs critères de vérification graphique (allant de simples graphiques des valeurs observées et prévues, à des diagrammes de dispersion des deux quantités) ont été préconisés pour leur rapidité à identifier la qualité de l’ajustement et à mieux comprendre le modèle et la signification des données qui y sont mises en œuvre.

La vérification des prévisions diffère de la vérification des modèles. Son objectif est de vérifier la qualité des prévisions ou d'améliorer les modèles, mais aussi de renforcer la confiance dans les décisions prises sur la base des prévisions. Elle est assez couramment utilisée depuis plusieurs années parmi les bonnes pratiques météorologiques (Golding, 2006). Plusieurs critères existent : taux de succès, ou d’évènements manqués, ou de fausses alertes, éventuellement pondérés de manière différenciée ; caractéristique de performance et indice d’efficacité de Brier ; etc. Météo-France utilise de tels indicateurs ; on peut se référer aussi au site Internet du Bureau météorologique australien : http://www.cawcr.gov.au/staff/eee/verif/verif_web_page.html/).

La communauté hydrologique a commencé à adopter certains de ces critères. L'objectif est d'évaluer non seulement les performances individuelles de chaque modèle mais aussi les performances globales du système de prévision. Une évaluation de ce type est faite depuis plusieurs années en France pour la Vigilance « crues ».

Vérification des prévisions et analyse des erreurs en temps réel

La spécificité des outils de prévision est de fonctionner en temps réel et de disposer d'informations en temps réel. Il est donc possible, à chaque pas de temps, de mesurer l’écart entre prévision précédente et mesure (Roche et al, 2012).

Cet écart peut être :

  • persistant : soit l'écart apparaît de façon brutale et se maintient de façon durable, soit il augmente progressivement au cours du temps ;
  • récurrent : l'écart se manifeste lorsque des conditions particulières sont réunies (par exemple suivant les caractéristiques de l'évènement) ;
  • accidentel et isolé.

Cet écart peut provenir d’erreurs dans les mesures et/ou dans les modèles.

Les erreurs de mesures peuvent être imputables à des imprécisions associées au dispositif métrologique ou à des défauts de capteurs. Les causes sont multiples :

  • concernant la mesure de la pluie, on peut citer : un maillage trop lâche des pluviomètres ; une couverture médiocre par des radars météorologiques, ou une dérive dans leur réglage mécanique ou électronique, ou un mauvais ajustement de l’image de la lame d’eau précipitée ;
  • concernant la mesure du niveau d’eau, on peut citer : un dysfonctionnement de l’appareil ; une erreur sur l’horodatage de la mesure ; des pannes fugitives ou des perturbations dans la mesure ou dans sa transmission ; le batillage ; la dérive d'un capteur ;
  • concernant la mesure du débit : un détarage de la section de jaugeage ; un déréglage des appareils de jaugeage ; une durée trop longue du jaugeage pour dater correctement sa valeur sur l’hydrogramme.  

Certaines de ces erreurs peuvent être détectées lors d’un contrôle préalable à leur « injection » dans la chaîne de modélisation ou de prévision. Différents types d'outils existent pour :

  • la visualisation qui permet, par une inspection visuelle rapide, un repérage d’anomalies et une vérification de cohérence : par exemple comparaison de graphes ou de lames d’eau précipitée ;
  • la confrontation des données provenant de diverses sources, notamment dans le domaine de la pluviométrie ;
  • la comparaison d’une mesure faite en un point avec une autre faite sur un point voisin, par exemple en observant l’allure des limnigrammes et hydrogrammes en un point de mesure au regard de ceux du voisinage ; ce type de comparaison peut être enrichi en utilisant également des mesures relevées lors d’épisodes similaires.  

Il faudra ensuite décider de ne pas utiliser certaines données ou de les conserver mais en affectant aux résultats qu’elles impactent un niveau d’incertitude plus élevé.

C’est dans cette phase de diagnostic et de validation des données que les prévisionnistes apportent une de leurs plus-values majeures. Il est à noter que la source principale d’incertitude est en général la connaissance de la pluie, qu’elle soit observée ou, encore plus, prévue.

Les imprécisions des modèles météorologiques, hydrologiques et hydrodynamiques concernent principalement les valeurs données aux variables d’entrée et aux paramètres des modèles, ainsi que la définition des conditions initiales et des conditions aux limites. Ces imprécisions affectent principalement :

  • la prévision de la pluie : le prévisionniste devra s’efforcer de cerner les paramètres les plus influents pour la chaîne hydrologique, en dialogue approfondi avec les prévisionnistes météo ;
  • la prévision des débits à l’exutoire des bassins versants amont, notamment ceux qui ne sont pas contrôlés par des stations de mesure, par exemple le débit des apports intermédiaires entre les points de mesure sur le réseau des cours d’eau principaux ;
  • la prévision des débits résultant des propagations et compositions d’ondes de crues, notamment :
  • les temps de propagation qui peuvent, sur certains cours d’eau, être plus rapides ou plus lents suivant les évènements, pour des raisons pas toujours élucidées jusqu’ici ;
  • les compositions d’hydrogrammes « pointus » à des confluences importantes, un décalage temporel assez faible des pointes de crue pouvant avoir des conséquences très sensibles sur la valeur du débit maximum prévu.

Le prévisionniste doit avoir à sa disposition des outils (en partie les mêmes que pour les mesures), mais aussi les compétences et l'expérience, pour détecter les anomalies et évaluer les marges d’incertitude à affecter aux résultats de prévision.

Les moyens de cerner les incertitudes de prévision des crues

Les diverses démarches possibles

Le corollaire de la publication, à des moments critiques, de prévisions de niveaux d’eau, de débits ou de cartes de zones inondées, est la nécessité de donner aux destinataires (autorités et services chargés de l’alerte et des secours, population concernée, médias, etc.) des informations aussi sur le niveau de confiance qu’on peut accorder à ces prévisions. De façon pratique, il faut associer une valeur d'incertitude à chaque prévision, de façon à permettre à chaque responsable de décider, avec la meilleure connaissance possible du contexte à venir, des mesures à prendre pour réduire les dommages.

En théorie, le degré de gravité et l’influence de chacune des erreurs possibles devrait être pris en compte pour obtenir une prévision non-biaisée avec une variance minimale. Selon l’approche statistique, chaque source d’erreurs doit être décrite via sa fonction de densité de probabilité. Mais la plupart des fonctions pertinentes de densité de probabilité sont non seulement inconnues mais aussi très difficiles à évaluer.

On peut contourner la difficulté, en croisant plusieurs démarches :

  • Pour les mesures hydrologiques, des démarches comparatives systématiques de mesures de niveau d’eau et surtout de vitesse et de débits, menés depuis le milieu des années 2000, permettent des progrès significatifs sur l’évaluation des incertitudes.
  • Pour les mesures pluviométriques, qui constituent la principale source d’incertitude sur les données observées, les prévisionnistes pourront s’appuyer sur la comparaison des mesures au sol et des évaluations déduites des observations radar-météorologiques.
  • Pour les prévisions de pluies, les comparaisons des résultats de divers modèles de prévision météorologique, et dans certains cas leur comparaison avec ceux de la méthode des analogues climatiques, donnent une première idée de l’amplitude des écarts à attendre. De plus, les méthodes dites de prévision d’ensemble ouvrent deux perspectives intéressantes :
  • les résultats de prévisions d’ensemble météorologiques ou de prévision numérique du temps (PNT) qui, sur la base de variations dans les conditions initiales, donnent un panache de courbes traduisant l’évolution dans le temps de la dispersion des prévisions de lame d’eau susceptible de tomber sur un point ou un bassin versant ; les prévisionnistes peuvent évaluer de façon désormais courante, pour chaque pas de temps à venir, l’amplitude des écarts pour une gamme de probabilité fixée ;
  • les résultats de modélisations d’ensemble couplant les modèles météorologiques et hydrologiques qui permettent de cerner les écarts à attendre, pour chaque pas à venir, sur les paramètres hydrologiques, niveau d’eau et débit, aux points de prévision, à partir de panaches similaires d’évolution dans le temps des distributions de valeurs à attendre, et d’en déduire l’amplitude des écarts pour une gamme de probabilité choisie ; ce type de couplage est encore expérimental en 2016 (projet EFAS au niveau européen, projet CHROME (MF, 2015) en France), mais donne des résultats encourageants.
  • Pour la part d’incertitude attribuable aux modèles hydrologiques et hydrodynamiques, on peut avoir recours :
  • à l’utilisation comparée de modèles de même niveau (hydrologique ou hydrodynamique), avec des procédures multi-modèles ;
  • aux procédures d’assimilation des données de chacun d’eux, non seulement pour réduire l’amplitude des incertitudes mais aussi pour les évaluer ;
  • aux prévisions d’ensemble, qui permettent de mieux cerner la distribution des écarts entre les résultats, et donc l’incertitude due à chacun des modèles ou à plusieurs modèles enchaînés, en intégrant même un modèle de prévision météorologique.
Prévisions d’ensemble ou prévisions probabilistes météorologiques (OMM, 2011)

Voir aussi : la fiche Wikhydro.

Les méthodes de prévision d’ensemble consistent à générer un échantillon représentatif des états futurs possibles d’un système dynamique. La prévision d’ensemble est une forme d’analyse de Monte Carlo : des prévisions numériques multiples sont réalisées en utilisant des conditions initiales différentes (des petites perturbations de paramètres « sensibles » du modèle qui échantillonnent judicieusement à la fois l'incertitude autour de l'état initial « vrai » de l'atmosphère et l'incertitude de modélisation), qui sont toutes plausibles en référence à la série d’observations ou de mesures passées et actuelles. On obtient ainsi N états prévus de l'atmosphère supposés équiprobables.

Une deuxième approche de prévision probabiliste est la méthode des analogues hydrométéorologiques (voir : la fiche wikhydro). Cette méthode part du constat qu'il est plus facile de prévoir l'état macroscopique de l'atmosphère, c'est à dire des paramètres décrivant les masses d’air (pression, température, taux d’humidité, etc.) que les précipitations (d'origine microphysique). Elle consiste à comparer, sur les paramètres de la masse d’air, une prévision déterministe de grande échelle avec N situations analogues issues d'une archive météorologique appelée réanalyse. Les N cumuls de pluie observés lors de ces situations passées sont classés en fonction du degré d'analogie entre la situation météo prévue et celle issue de l'archive. Cette distribution de lames d'eau constitue ainsi une prévision probabiliste des cumuls prévus.

Ces deux approches probabilistes fournissent un jeu de N scénarios de pluie prévue. Une prévision multi-scenarios de pluie est un outil précieux pour estimer :

  • le degré d'incertitude de cette prévision ;
  • le cumul le plus vraisemblable ;
  • les alternatives plausibles en termes de cumuls extrêmes.

Parfois, l’ensemble de prévisions peut utiliser des modèles de prévision différents (multi-modèles). Ces simulations multiples sont utilisées pour prendre en considération les deux sources d’incertitude dans les modèles de prévision :

  • les erreurs introduites par la nature chaotique des phénomènes ou leur sensibilité aux conditions initiales ;
  • les erreurs dues aux imperfections du modèle.

En utilisant les résultats d’un certain nombre de prévisions dites « réalisations » ou « membres », la fréquence relative des événements au sein de l’ensemble peut être utilisée directement pour estimer la probabilité d’un événement météorologique ou de crue.

Prévisions d'ensemble couplant modèles météorologiques et hydrologiques

L’application des approches ensemblistes à la fois à la prévision numérique du temps et aux modèles hydrologiques apparaît pouvoir donner des résultats, certes avec une gamme d’incertitudes assez large, mais ayant le mérite de cerner les sources principales d’incertitude, notamment celles qui sont liées à la quantification de la pluie déjà précipitée et à celle de la pluie qui est prévue.

Le projet European Flood Awareness System (EFAS) a été énergiquement développé par le Centre commun de recherche de la Commission européenne, avec de multiples collaborations, suite aux inondations catastrophiques de l’Elbe et du Danube en 2002. Son objectif est d'améliorer, et d'homogénéiser pour des fleuves transnationaux, les informations pour l’alerte et les secours. En version prototype, il a permis de prévoir avec plusieurs jours d’avance les crues au nord des Alpes en fin août 2005. EFAS fonctionne de façon opérationnelle depuis l'automne 2012, et il a apporté une plus-value notable pour de la gestion des inondations en Europe centrale en juin 2013. Il est basé sur une prévision d’ensemble couplée de modèles météorologiques et hydrologiques (Cloke et al., 2009).

EFAS utilise différents types de prévisions météorologiques :

  • Des prévisions déterministes :
  • celles à moyen terme du Centre Européen de Prévisions Météorologiques à Moyen Terme (CEPMMT) ;
  • celles du Service météorologique allemand (DWD).
  • Des prévisions d’ensemble :
  • celles du CEPMMT à moyen terme (jusqu'à 15 jours), à l'échelle mondiale avec une résolution spatiale de l’ordre de 30 km et 51 membres,
  • celles du Consortium pour la modélisation à petite échelle (COSMO), couvrant la majeure partie de l'Europe à plus court terme (jusqu'à 5 jours), avec une résolution spatiale de 7 km et 16 membres.

Pour l’hydrologie et l’hydrodynamique, le système s’appuie sur la plate-forme de modèles LISFLOOD, spécialement conçue pour les grands bassins fluviaux (Van Der Knijff et al., 2008), et utilisant largement un système avancé d'information géographique.

Le projet CHROME (MF, 2015), conduit par le SCHAPI et Météo-France, est basé sur un couplage météo-hydrologique des prévisions météorologiques d’ensemble Arome et de 4 modèles hydrologiques distribués. Il fonctionne sur 3 bassins cévenols (le Gardon, l’Ardèche et la Cèze, de temps de réponse variant de 5 à 36 heures). La chaîne de modélisation mise au point peut être est utilisée en temps réel (avec différents modes possibles de représentation des résultats sur les pluies et débits) et en mode études de cas. Cette chaine a été évaluée en 2014, grâce aux données recueillies lors de 13 épisodes observés sur la période 2008-2013. Les résultats sont encourageants, notamment :

  • les débits observés se situent toujours dans l’enveloppe de ceux qui sont obtenus par la moyenne des résultats des 4 modèles hydrologiques pour chaque scénario testé ;
  • le SPC Grand Delta (du Rhône), associé à l’expérimentation, note que les produits Chrome auraient contribué à :
  • éviter une fausse alarme jaune et orange ;
  • anticiper les couleurs de vigilance sur les 3 cours d’eau concernés ;
  • identifier plus correctement la date et la valeur du pic de crue.

Les expérimentations continuent pour consolider ces résultats et améliorer le caractère opérationnel de leur présentation, en vue d’une application à relativement court terme.

HEPEX (Hydrologic Ensemble Prévision Experiment), fondé en 2004 sous la co-présidence de la NOAA américaine et du CEPMMT européen, vise à « démontrer la valeur ajoutée des prévisions d'ensemble hydrologiques pour les secteurs des ressources de gestion des urgences et de l'eau pour prendre des décisions qui ont des conséquences importantes pour l'économie, la santé publique et la sécurité. ». HEPEX est organisé autour de six grands thèmes : i) entrées et pré-traitements ; ii) techniques et processus de modélisation d’ensemble ; iii) assimilation des données ; iv) post-traitements ; v) vérifications ; vi) communication et utilisation dans la prise de décision. HEPEX organise des web-séminaires qui peuvent être suivis en ligne avec la possibilité de poser des questions et de participer à la discussion.

Le Système de sensibilisation mondial GloFAS. Ce système utilise des concepts similaires à ceux d’EFAS pour l’Europe, ce système est développé en collaboration entre le CEPMMT, le CCR et d'autres. Il est encore en phase de test. Des résultats encourageants ont déjà été produits et plusieurs événements majeurs d'inondation ont été prévus avec un délai d’anticipation d'une semaine et plus.

Procédures multi-modèles en hydrologie

Plusieurs modèles, utilisant des données différentes ou des combinaisons différentes de celles-ci peuvent fournir une prévision en un point donné. Si la qualité des prévisions d’un modèle se dégrade au cours d’un évènement, alors que celles des autres sont satisfaisantes (au regard de leur faible écart avec les observations), il est très utile de pouvoir l’écarter temporairement ou de lui accorder un poids moindre pour fixer la prévision (Roche et al., 2012 ; pp474-475), d’où l’intérêt d’utiliser plusieurs modèles en parallèle et de comparer puis combiner leurs résultats. Deux types de procédures multi-modèles existent :

  • celles qui font basculer d’un modèle à un autre, en fonction des performances comparées; ces procédures présentent un intérêt limité en temps réel ainsi que des risques d’instabilité ;
  • celles qui établissent la prévision proposée par une pondération de divers modèles utilisés en parallèle, en faisant évoluer, si nécessaire, la pondération en cours d’évènement ; elles ont fait en France l’objet de développements depuis le milieu des années 1980 ; une telle procédure est implantée sur la plate-forme SOPHIE.

Cette approche peut également être appliquée à l’ensemble des prévisions obtenues à partir de valeurs différenciées de paramètres du même modèle.

Bien que le nombre d’études approfondies sur le développement et les applications des systèmes de prévisions des débits à modèles multiples soit toujours relativement restreint, ces études démontrent les capacités potentielles de l’approche multi-modèles pour améliorer la précision et la fiabilité de la prévision des débits, et pour évaluer les incertitudes liées aux modèles.

Prévisions d’ensemble couplant modèles météorologiques et hydrologiques

Il est également possible de coupler l'approche multi-modèle avec les techniques de prévision d'ensemble. Des simulations multiples peuvent ainsi être utilisées pour prendre en considération les deux sources d’incertitude dans les modèles de prévision :

  • les erreurs introduites par la nature chaotique des phénomènes ou leur sensibilité aux conditions initiales ;
  • les erreurs dues aux imperfections du modèle.

En utilisant les résultats d’un certain nombre de prévisions dites réalisations ou membres, la fréquence relative des événements au sein de l’ensemble peut être utilisée directement pour estimer la probabilité d’un événement météorologique ou de crue. Les prévisions d’ensemble ou probabilistes sont plus largement appliquées à la prévision numérique du temps (PNT) qu’aux modèles hydrologiques. Ceci a pour conséquence que les résultats probabilistes d’un certain nombre de PNT sont utilisés pour fournir une gamme de scénarios à utiliser comme données d’entrée pour les modèles hydrologiques.

Outils opérationnels en France

Plates-formes d'intégration des données, de pilotage des modèles et de présentation des résultats

Le premier besoin opérationnel est celui d'une plate-forme permettant d'automatiser les tâches de transferts de données depuis diverses sources et de les combiner de façon à pouvoir réaliser les prévisions en temps réel.

De façon pratique, ces plates-formes doivent permettre :

  • d'utiliser divers modèles de façon à laisser le choix du meilleur assemblage en fonction des données disponibles, des caractéristiques de l’évènement en cours, ou simplement des tests que l'on souhaite réaliser en traitement différé; pour des re-jeux ; ceci nécessite des modules adaptés de préparation et de gestion des données ;
  • l’enchaînement, ou le couplage, de modèles de nature différente (par exemple, de modèles hydrologiques et de modèles hydrodynamiques), exercice qui peut s’avérer délicat (Tanguy et al., 2010).

La Plate-forme Opérationnelle pour la Modélisation (POM) développée en France par le réseau pour la prévision des crues est un outil de pilotage des modèles de prévision de crues qui permet la préparation des données d’entrées des modèles et leur lancement. Ses principales fonctionnalités sont :

  • d’alimenter les modèles en données observées et prévues en temps réel en utilisant les données issues de la Plate-forme Hydro Centrale (PHyC) et en y appliquant les prétraitements nécessaires ;
  • de piloter le lancement des modèles et d’enchaîner si besoin les différents modèles d’amont en aval ;
  • de collecter des résultats et d’y appliquer les post-traitements nécessaires avant export vers la PHyC ou un site FTP afin de mettre les prévisions à disposition des différents outils de supervision, dont le superviseur national.

La POM centrale est, fin 2016, opérationnelle au SCHAPI, ainsi qu’une version locale dans 15 SPC sur 19.

Elle est en évolution continue, avec des phases de test, pour :

  • intégrer de plus en plus de modèles, tous ceux qui sont directement soutenus par le SCHAPI y étant déjà pilotés à la mi-2016, mais aussi les autres qui sont utilisés dans les SPC ;
  • permettre le lancement des modèles en temps différé avec différents modes de re-jeu : simulation (conditions similaires au temps réel) ou reconstitution (avec des données d’entrée idéales, les données observées étant utilisées par chaque modèle comme données).

La POM est constituée par une application web et une base de données, hébergées chacune sur une machine virtuelle (Voir: [1]). Le serveur qui héberge ces machines virtuelles est secouru par un serveur de secours identique.

Outils de supervision

Les outils de supervision sont des interfaces pour les utilisateurs. Leur rôle est d'aider ces derniers à analyser efficacement les situations à 4 niveaux :

  • Au niveau national, ils fournissent, au moyen de cartes synoptiques et de tableaux de synthèse, les informations clés concernant les mesures, les franchissements de seuils et l’état des appareillages, et donnent une vision d’ensemble des points à surveiller particulièrement.
  • Par sous-bassins versants, ils présentent des informations sur les évènements récents et leur contexte historique, sous la forme de cartes, graphes et chroniques pouvant être affichés simultanément ; l'objectif principal est de contrôler la vraisemblance ou la cohérence des informations et d’identifier ce qui mérite d’être vérifié ou particulièrement suivi.
  • Par point de contrôle, ils aident à analyser les données d’observation et de prévision, et à évaluer l’importance de l’information qu’elles apportent, à partir de l’ensemble des données disponibles, provenant de diverses sources.
  • Pour les centres de contrôle et la commande des opérations, ils structurent les informations pour :
  • le transfert ou le rafraîchissement des données entre sous-systèmes,
  • l'organisation plus aisée et la clarté des enchaînements de tâches à réaliser avec la plate-forme opérationnelle de modélisation, de leur lancement, et des réglages ou corrections nécessaires ;
  • le recueil, la visualisation ou la formalisation des résultats de modélisation ;
  • la préparation des documents et autres supports de communication des prévisions et avertissements.

Jusqu’au milieu des années 2010, en France, ces opérations étaient réalisées, dans les systèmes des SPC, avec les interfaces de la plate-forme SOPHIE ou d’autres équivalents, et au SCHAPI avec des outils clairement conçus comme transitoires.

Une première version du superviseur national a été branchée à la PHyC à l’automne 2015, après plusieurs mois de tests, au SCHAPI et dans les SPC qui ont souhaité s’en doter. Cette version est utilisée en mode opérationnel depuis juin 2016. Il s'agit d'une application web à destination des prévisionnistes de crues, qui permet de :

  • visualiser les données hydrométriques et météorologiques observées, sous forme de cartes, de graphiques et de tableaux ;
  • corriger ces données ;
  • visualiser les prévisions issues des modèles ;
  • produire des prévisions expertisées ;
  • gérer des alarmes hydrologiques et techniques.

Une version 2 intégrant d’autres fonctionnalités, comme l’accès aux prévisions de pluie et aux lames d’eau radar, sera disponible en 2017 pour les prévisionnistes du réseau.

Outils d’expertise pour valider et contextualiser les prévisions

Le travail d'expertise consiste à valider et à contextualiser les prévisions et ajuster les incertitudes à afficher. Pour ceci, les experts peuvent bien sûr s'appuyer sur leur propre expérience. Il est également très utile qu'ils aient accès aux expériences accumulées par d'autres. La connaissance des crues et des inondations extrêmes survenues dans le passé a été depuis l’origine à la base des études de prévision. Les pères fondateurs ont passé beaucoup de temps à analyser les crues et leurs conséquences, à les classer, à relever des valeurs de variables hydrologiques caractéristiques, à en déduire des lois de correspondance.

Pouvoir consulter efficacement des archives et visualiser les principales caractéristiques de l’évènement en cours en comparaison avec celles d’évènements passés permet très rapidement de situer la sévérité de l’évènement en cours et déjà de se projeter un peu dans le futur.

La base de données événementielles de crues SACHA, initialement développée à la DIREN de bassin Rhône-Méditerranée, notamment par Pierre-Marie Béchon, permet entre autres, en analysant des crues passées, de définir :

  • les paramètres représentatifs de la pluie (lame d’eau précipitée sur les bassins versants ; intensités ; maximaux horaires ; etc.) ;
  • les paramètres représentatifs de la réponse des bassins versants (coefficient de ruissellement ; débit de pointe ; calcul de temps caractéristiques : temps de réponse sur l’évènement, temps de concentration suivant diverses formules usuelles) ;
  • la visualisation et le suivi de crues avec le développement d’une utilisation en temps réel, en comparaison de ce que prévoient des outils existants (modèles, ou même réglettes de Bachet). 

Elle est, depuis une dizaine d’années, assez activement étendue par un certain nombre de SPC, avec l’appui du SCHAPI. Les services de prévision des crues et le SCHAPI ont en effet en charge de capitaliser la connaissance locale sur les crues et les inondations extrêmes survenus dans le passé.

Un outil d’aide à la production de certains modules de retours d’expérience (REX) a également été développé.

Il faut noter que d’autres outils sont couramment utilisés en tant que détecteurs de risques hydrologiques. On peut par exemple citer EFAS et la chaîne de modèles météorologiques et hydrologiques SAFRAN-ISBA-MODCOU (SIM) (Soubeyroux et al., 2008), qui est distribué sur la France, et a servi de base à une prévision d’ensemble hydrologique utilisant les prévisions météorologiques d’ensemble du CEPMMT (à échéance 10 jours) (Voir: [2]). Un site web offre aux prévisionnistes de crues l’accès aux prévisions de dépassements de seuils moyens et hauts pour les 10 jours à venir sur 167 stations réparties sur les 19 SPC.

Outils opérationnels : les retours d’expérience et l'entretien de la mémoire

L’analyse du déroulement de la crue et des inondations au regard des prévisions réalisées apporte des informations précieuses : elle permet de beaucoup progresser dans la connaissance des phénomènes et leur anticipation, à travers l’analyse des succès et des erreurs, mais aussi de tout ce qui n’était pas bien connu dans des évènements similaires, assez rares quand ils sont dévastateurs, et pas très bien documentés surtout quand les précédents sont un peu anciens.

Les retours d'expérience

Les retours d’expérience sont des démarches qui permettent de capitaliser toutes ces informations de manière rigoureuse, et suffisamment bien organisée, pour alimenter l’expertise collective formalisée dans des bases de données comme SACHA, en vue de la prévision et de la gestion des crues similaires suivantes. En France, les épisodes de crues significatifs font l’objet de retours d’expérience pilotés à l’échelon national par le Schapi et conduits en large partie par les SPC. Ils permettent de rassembler toutes les données, informations, études et témoignages relatifs aux diverses composantes de l’événement :

  • les phénomènes pluvieux générateurs des crues ;
  • les réseaux d’observation et de mesure et leur fonctionnement ;
  • la pertinence de l’information de vigilance « crues » et des prévisions ;
  • le fonctionnement opérationnel des services ;
  • le comportement hydrologique des bassins versants et des cours d’eau ;
  • la consultation du site Vigicrues ;
  • la plus-value apportée aux responsables de l’alerte et de la mise en sécurité ;
  • les conséquences sur le terrain.

Ils comportent également une fiche de synthèse de l’épisode.

Les documents de retours d’expérience sont mis en ligne à destination du réseau des services en charge de la prévision des crues.

Les repères de crue

Les repères de crues sont des marques matérialisant le niveau le plus élevé (les plus hautes eaux) atteint lors des crues historiques d’un cours d’eau. Ils se présentent sous différentes formes (trait ou inscription gravée dans la pierre, plaque métallique ou macaron scellé, etc.). Au-delà de ces marques physiques, on considère également, par extension, des marques temporaires indiquant le passage de l’eau, des témoignages, des photographies voire des iconographies anciennes.

Ces marques d’inondation constituent des données précieuses pour de nombreux acteurs :

  • le grand public : vecteur de la culture du risque ;
  • les maires, qui ont l’obligation légale (article L 563-3 du Code de l’environnement) d'informer les citoyens sur les risques majeurs qu'ils encourent, auxquels appartient le risque d'inondation ;
  • les acteurs de la prévention du risque et de la prévision des crues et des inondations au sein des services de l’État ou des établissements publics territoriaux de bassin : données historiques indispensables aux études.

Afin d’offrir à l’ensemble des services un outil de bancarisation et de valorisation des données, le réseau de la Prévision des crues et de l’hydrométrie (PC&H) a lancé en 2011 le projet « Repères de crues », dont l’objectif est de mettre en place une base de données nationale ainsi qu’un site internet dédié aux repères de crues (au sens large).

Les données cibles de ce nouveau référentiel sont les repères physiques mais également les marques d’inondation sous toutes leurs formes (laisses et marques temporaires, témoignages, photographies, etc.), et ce pour tous les phénomènes d’inondation couramment rencontrés (débordements de cours d’eau, submersions marines, ruissellement, remontées de nappe, etc ...).

La gestion des données est organisée avec la volonté de pouvoir impliquer l’ensemble des acteurs concernés au travers d’une approche collaborative : le citoyen (premier maillon dans la culture du risque, et potentiel contributeur) comme le service expert (gestionnaire du recensement sur un territoire et responsable de la vérification des contributions et de l’expertise des données), ou les services techniques des collectivités et de l’État pressentis comme contributeurs majeurs.

Partie visible du projet, la plateforme internet accessible par le lien https://www.reperesdecrues.developpement-durable.gouv.fr/ , cartographique et collaborative, est adossée à une base de données permettant de rassembler à terme tous les recensements existants et d’accueillir les futures contributions. Elle permet :

  • la consultation des données, avec des possibilités d’affichage sous forme de liste, de carte ainsi que des fonctions de recherche ;
  • la contribution au recensement pour les utilisateurs authentifiés ;
  • la gestion et l’expertise du recensement par les services référents.

La plateforme internet est conçue pour être compatible avec les supports mobiles (tablettes, ordiphones, etc.). Elle permettra par exemple de nouvelles fonctionnalités orientées vers le grand public :

  • possibilité de contribution depuis un appareil mobile en exploitant le positionnement GPS et l’appareil photo intégré ;
  • fonction de recherche des repères de crues situés à proximité de l’utilisateur, à partir de sa position GPS.

Outre les tâches dévolues aux services experts, la plate-forme internet peut s’intégrer dans des actions éducatives de sensibilisation au risque inondation, et permet de rendre le citoyen acteur en lui proposant de contribuer à la connaissance collective. Elle fait partie des produits regroupés sous la marque « Vigicrues ».

La base de données historiques sur les inondations (BDHI)

La base de données historiques sur les inondations (BDHI) peut aussi être alimentée par les retours d’expérience, lorsque les évènements sont remarquables. Accessible sur le site bdhi,fr, c’est une base de données documentaire qui recense et décrit les phénomènes remarquables de submersions dommageables d'origine fluviale, marine, lacustre et autres, survenus sur le territoire français (métropole et départements d'outre-mer) au cours des siècles passés ou plus récemment. Les informations sont structurées autour de « Fiches Document », de « Notes Inondation » et de « Fiches Synthèse », enrichies progressivement.

On peut citer une base de données similaire en Grande-Bretagne, établie par la Société hydrologique britannique en collaboration avec l’Université de Dundee, Chronology of British Hydrological Events (British Hydrochronology) accessible par le site internet http://www.dundee.ac.uk/geography/cbhe. Il s’agit d’une source publique d’informations hydrologiques qui vise à renseigner sur l’étendue spatiale des événements, et peut permettre d’évaluer leur degré de gravité relatif.

Par ailleurs, l’entretien des repères de crues existants et la pose des repères des plus hautes eaux connues (PHEC) participent aussi à l’entretien de la mémoire du risque inondation.

De plus, le ministère chargé de l’environnement a engagé en 2006 un travail méthodologique sur l’exploitation des images aéroportées et satellitaires. Les données quantitatives mesurées dans les cours d’eau (3000 stations de mesure) et les calculs hydrologiques associés sont capitalisés au sein de la Banque HYDRO, banque nationale de données hydrométriques.

Les grandes évolutions en cours ou envisagées en 2016

Le projet Vigilance 2, lancé en 2013 par le Schapi et les SPC, intègre l’ensemble des nouveaux services en préparation (affichage graphique, sur le site www.vigicrues.gouv.fr, des niveaux d’eau et débits prévus, assorties des incertitudes correspondantes, sous une forme exploitable et accessible tout en restant rigoureuse ; mise à disposition de cartes de zones inondées potentielles reliées à différentes hauteurs d’eau à des stations de référence ; anticipation des crues soudaines ; prévision des hautes eaux en zone fluviomarine ; …) et engage une rénovation profonde du dispositif de mise à disposition de l’information auprès du public. À terme, seront impactés le contenu, le périmètre, mais aussi les moyens de diffusion des données produites par le réseau de surveillance, ainsi que les échanges ou les capacités d’interaction avec les partenaires de la gestion de crise et avec le public.

Ce projet prépare un nouveau portail de services, plus complet, plus ergonomique et, aussi, plus interactif et paramétrable, accessible depuis les smartphones et les tablettes.

L’affichage des prévisions et des incertitudes associées

Le bulletin Vigicrues permettait depuis le début des années 2010 d’avoir accès à des tendances du niveau et du débit des crues à la hausse ou à la baisse, ainsi qu’à des prévisions à plusieurs heures, réalisées par certains SPC, avec des indications de fourchettes hautes et basses. En 2013, le Conseil scientifique et technique du SCHAPI a adopté le rapport d’un de ses groupes de travail (Becerra, 2013) qui, sur la base d’une analyse d’un certain nombre de retours d’expérience et d’enquêtes :

  • identifiait en priorité n°1 d’apporter des réponses aux questions de représentation des incertitudes liées aux prévisions de localisation et d’amplitude des crues et des inondations ;
  • recommandait fortement de renforcer le site Vigicrues en affichant les prévisions de crues et les incertitudes inhérentes, quitte à ce qu’elles soient plus larges au-delà de 24h.

Un groupe de travail interne au réseau pour la prévision des crues a proposé en 2014, en liaison avec le projet « Vigilance 2 », plusieurs prototypes d’outils, combinant deux types d’estimation des incertitudes associées aux prévisions :

  • l’une calculée de façon automatique et se basant sur les erreurs passées des modèles, s’appuie sur les travaux réalisés par François Bourgin dans sa thèse encadrée par l’IRSTEA (méthode OTAMIN) (Bourgin, 2014) ;
  • l’autre faisant appel à l’expertise des prévisionnistes et permettant de modifier manuellement l’incertitude fournie par le modèle, se base sur les travaux réalisés par Lionel Berthet (Berthet et al., 2016) et s’appelle EAO. 

De la prévision des crues à la prévision des inondations

La prévision des zones inondées potentielles - ZIP - (Voir Prévision des zones inondées potentielles) est le service développé le plus opérant pour les autorités chargées de la gestion des crises d’inondations et pour les personnes directement concernées. C’est la forme la plus concrète et la plus parlante pour chacun(e), qui peut situer sur une carte l’établissement dont il est responsable, ou son lieu de travail, ou son habitation, ou ses trajets, etc …) ; ces cartes peuvent aussi constituer des supports bien adaptés pour situer de façon partenariale les principaux enjeux et débattre de l’opportunité des mesures à prendre dans le cas où se produirait une inondation de tel ou tel niveau de gravité.

Ce service nécessite :

  • la vérification de l’altitude des zéros d’échelles hydrométriques, qui serviront de référence,
  • l’utilisation d’un modèle hydrodynamique donnant en référence la ligne d’eau dans le lit mineur ;
  • la modélisation de l’inondation du lit majeur basée sur une représentation numérique de la surface du sol de la plaine inondable, suffisamment précise (de l’ordre de 10 cm à 20 cm) en altimétrie ; les relevés LIDAR pour une grande partie des zones inondables, réalisés au début des années 2010 dans le cadre des évaluations préliminaires des risques d’inondation, constituent une matière première d’un grand intérêt ;
  • la capacité de traduire les incertitudes pesant sur les niveaux d’eau prévus en incertitudes reportées sur les contours des zones inondées prévues et, si elles sont communiquées, sur les classes de profondeur de submersion ou sur les classes de vitesse de l’eau aux moments critiques (notamment à l’envahissement de la zone inondable ou lors de sa vidange) ;
  • la prise en compte, lorsqu’ils sont connus, des éléments perturbateurs (sur-inondation par la crue d’un cours d’eau local « bloqué » dans son écoulement vers le cours d’eau principal ; blocage inopiné des écoulements dans le lit majeur ; communications, via des réseaux d’assainissement mal maîtrisés, ou par remontée de nappe, entre le cours d’eau en crue et les points bas du lit majeur ; …) qui peuvent provoquer de façon localisée des écarts significatifs entre les cartes de ZIP et la réalité, ce qui explique la nécessité de l’adjectif « potentielles ».

Ces cartes de ZIP seront en général préétablies en constituant des jeux de cartes correspondant à une gamme de crues (de l’ordre de trois à une dizaine par site). En préparation et en complément de leur utilisation en prévision, ces jeux de cartes de ZIP serviront de base à un enrichissement par le positionnement des enjeux et d’autres éléments de préparation de la gestion des crises. Ce travail sera orchestré par les DDT(M) en tant que référents techniques pour la préparation et la gestion des crises d’inondation, et mené en partenariat avec les services d’alerte et de secours, les collectivités et les responsables des entreprises et services publics concernés. Ces échanges aideront aussi les uns et les autres à se mettre en situation, de manière assez concrète, pour anticiper les mesures à prendre, dans le cadre des plans de sauvegarde, notamment des plans communaux de sauvegarde (PCS). Des interactions pourront être très bénéfiques avec les prestataires (Voir PREDICT) des collectivités en matière d’élaboration de PCS et de soutien à leur mise en œuvre en situation de crises.

Dans certains cas particuliers, il pourra être prévu d’établir des cartes de ZIP en temps réel.

En complément, une anticipation des crues soudaibes par modélisation hydrologique très globale

Les crues soudaines sont des crues se produisant à l'aval de petits bassins versants très réactifs. Elles sont particulièrement difficiles à prévoir pour deux raisons :

  • le temps de réponse du bassin versant est très court (moins de 6 heures) ;
  • le cours d'eau concerné par la crue n'est généralement pas équipé de station de mesure.

Pourtant c'est ce type de crue qui est le plus dangereux en termes de risque de perte de vie humaine du fait de la brutalité du phénomène. L'anticipation des crues soudaines constitue donc un enjeu très important ce qui justifie la mise en place d'un service spécialisé.

Au niveau européen, les projets IMPRINTS (regroupant des centres de recherches suisses, espagnols, italiens et français), WeSenseIt et UrbanFlood, financés par l'Union Européenne, ont permis de poser les bases de systèmes de prévision et d'alerte pour des crues soudaines, en s’appuyant sur les observations radar-météorologiques et sur des prévisions de précipitation. Des applications ou des développements sont en cours de mise au point en Espagne, en Suisse et en France (voir ci-dessous).

En outre, les indicateurs de crues éclairs élaborés dans le cadre du projet IMPRINTS sont à présent utilisés par le dispositif opérationnel European Flood Awareness System (EFAS).

En France, dès 2008, le Schapi lançait une réflexion sur l’anticipation des crues soudaines. Les inondations meurtrières dans le secteur de Draguignan dans le Var, en 2010, et le Plan sur les submersions rapides adopté début 2011, qui a décidé le développement d’un tel service, ont conduit le Schapi à élaborer, avec les SPC, ainsi que l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA), Météo France et d’autres partenaires scientifiques, des solutions pour anticiper les crues violentes et soudaines :

  • affectant les bassins qui réagissent en quelques heures (approximativement de 2h à 6h),
  • situés en dehors du réseau hydrographique surveillé par l’Etat, bénéficiant, eux, d’une prévision des crues classique,
  • correctement couverts par le réseau des radar météorologiques.

Le Schapi, s’appuyant sur les outils (modèle AÏGA et bases de données SHYREG) élaborés par l’IRSTEA et testés, notamment, dans le cadre du projet RHYTMME (commun avec Météo France) a proposé un service automatique d’avertissement destiné aux autorités locales et capable de délivrer une première information sur la possibilité d’une crue imminente et son degré de sévérité. Présenté aux pouvoirs publics et partenaires en janvier 2013, le futur service d’avertissement « crues soudaines » correspond à un outil unique, largement automatisé, disponible sur l’ensemble des bassins versants éligibles. Il a pour objectif est d’avertir les gestionnaires de crise aussi tôt que possible, d’un risque de dépassement de seuils de débit des cours d’eau (traduits en période de retour statistique), les préfets et simultanément les maires des communes concernées, ainsi que les personnes désignées par les uns et les autres.

Deux instances, mises en place en 2014, sont chargées de suivre ce projet : un comité de pilotage, qui valide les contours du service et fixe le calendrier de déploiement, et un comité des utilisateurs chargé de faire remonter les attentes des acteurs de terrain.

Les développements de la plateforme de production des avertissements seront mis en œuvre opérationnellement en 2017 sur environ 10 000 bassins.

La diffusion de ces avertissements sera articulée avec ceux du service « Avertissement sur les pluies intenses à l’échelle des communes » (APIC 2) de Météo France.

L’amélioration des prévisions en zone côtière et fluviomaritimes

Le dispositif français de prévision des crues et des inondations est jusqu’à assez récemment resté relativement faible concernant les hautes eaux dans les zones fluviales sous influence marine et encore plus dans les zones basses côtières qui ne sont pas traversées par un fleuve relativement important, faute de désignation d’une administration clairement porteuse de cette question.

Suite à la tempête du 27 décembre 1999, un premier dispositif a été réalisé pour l’estuaire de la Gironde. Le modèle de prévision est très complexe en raison de la diversité des phénomènes physiques se produisant dans l’estuaire : crues de la Garonne et de la Dordogne, marée astronomique, possibilités de surcotes météorologiques et océanographiques dues à des basses pressions, au vent ou à la houle, effet du déferlement des vagues, etc. Malgré tout, une chaîne de modélisation opérationnelle a été mise en place, sur la base du modèle hydrodynamique TELEMAC-2D. Adapté à la Gironde et utilisé en parallèle par EDF pour prévoir les hautes eaux au niveau de la centrale du Blayais, le modèle a été implanté à Météo-France. Il est alimenté par des données provenant du SPC, du Service hydrologique et océanographique de la Marine nationale (SHOM) et des prévisionnistes de Météo-France. Ce modèle est en partie développé en mer pour atteindre la haute mer (à quelques dizaines de kilomètres des côtes) où la prévision des niveaux marins par les modèles océanographiques est assez fiable.

Cette expérience a montré la faisabilité d'un modèle de prévision pour ce type de zone.

Suite à la tempête Xynthia de fin février 2010, il a été décidé, dans le cadre du Plan sur les submersions rapides, d’améliorer sensiblement les prévisions de niveau marin à l’entrée des embouchures fluviales. Pour atteindre cet objectif, deux avancées importantes ont été réalisées :

  • La densification du réseau de marégraphes RONIM, du SHOM ; ces marégraphes mesurent en continu et télétransmettent le niveau de la mer dans les ports.
  • La mise en place d'un MNT bathymétrique sur la façade Atlantique permettant de prévoir la hauteur d'eau et l'état de la mer à la côte. Ce MNT a une résolution de 0.001° (~ 111 m). Il englobe également une partie de Mer du Nord, la Manche ainsi que le Golfe de Gascogne. Il a été réalisé dans le cadre du projet HOMONIM.

Les informations qu'il produit peuvent servir de conditions aux limites pour des modèles hydrodynamiques et permettent de simuler, « sans aller en mer », les hautes eaux en estuaire par des modèles hydrodynamiques 2D mais aussi 1D, ou des couplages de ceux-ci. Ces chaines de modèles sont en cours de test ou pré-opérationnels sur plusieurs estuaires : l’Adour, la Seine, la Loire, et également sur la Gironde où un projet d’amélioration est en cours, notamment pour prendre en compte les débordements.

L’amélioration de la communication avec les destinataires des prévisions et les échanges avec eux

Les destinataires des prévisions sont multiples, ce sont :

  • des responsables des autorités d’alerte et de secours :
  • les préfets qui transmettent l’alerte aux maires et aux services placés sous leur autorité en cas de crise (Services d’incendie et de protection civile, police et gendarmerie, DDT(M), …), et qui coordonnent la gestion de crise dès lors qu’elle prend une ampleur intercommunale ;
  • les maires et les services (communaux et intercommunaux) qu’ils peuvent mobiliser ;
  • les services locaux de l’Etat chargés de l’alerte, de la mise en sécurité et des secours ;
  • en cas de crise grave, les services centraux des Ministères chargés de l’Environnement et de l’Intérieur ;
  • le public : responsables de services et de réseaux publics ou d’établissements soumis au risque d’inondation ; personnes habitant, travaillant ou circulant dans les zones inondables concernées.

L’exigence sociale en matière d’information sur la sécurité s’est beaucoup accrue ces dernières années, demandant, pour l’anticipation des inondations, plus de visibilité, une traduction plus concrète des prévisions et de leurs échéances, des délais d’anticipation plus longs.

Le projet Vigilance 2, pour cerner les attentes prioritaires des divers bénéficiaires de la prévision des crues et des inondations, s’est appuyé sur une phase d’enquêtes et d’entretiens, menée en 2014, qui a notamment fait émerger plusieurs types d’attentes : une navigation plus intuitive et adaptée aux terminaux mobiles ; des prévisions de niveau d’eau et de débit plus réactives et plus précises ; un service d’avertissement par SMS ou courriel. Programmée jusqu’à la mi-2016, la définition du contenu et de l’ergonomie du futur portail sera suivie d’une phase de développement pour une mise en service progressive jusqu’en 2019.

L’organisation des services en France, et les ressources humaines mobilisées

Comme présenté ci-dessus, la circulaire du 4 novembre 2010 a initié un processus :

  • réduisant le nombre des SPC au niveau du territoire métropolitain continental de 22 à 19 et densifiant leur potentiel technique et humain (en moyenne, pour la prévision des crues elle-même, une dizaine de personnes à temps plein appuyées par des prévisionnistes à temps partiel) ; la nouvelle configuration est en place depuis la mi-2014 ; de nombreuses équipes, y compris le Schapi, sont engagées dans des certifications « qualité » ;
  • mobilisant, à partir de 2011, les directions départementales des territoires (et de la mer) – DDT(M) - en tant que référents techniques locaux pour la préparation et la gestion des crises d’inondations, en pouvant s’appuyer, notamment, sur l’élaboration conjointe de jeux de cartes de zones inondées potentielles correspondant à des niveaux d’eau aux points de prévision des crues.

En Corse et dans les départements d’Outre-mer (DOM), l’organisation des Cellules de veille hydrologiques (CVH)se met en place par paliers :

  • la CVH de La Réunion, rattachée à la DEAL et fonctionnant en lien étroit avec Météo France, est opérationnelle depuis 2014 ; elle surveille 17 bassins versants sur l’île et, en cas d’épisode hydrométéorologique sévère, produit pour ces bassins une information de vigilance crues ;
  • d’autres CVH sont en cours de montage en Guyane, Guadeloupe et Martinique ;
  • en Corse, la DREAL expérimente avec le Schapi et le SPC Méditerranée Est un nouveau service d’information sur le risque de crue qui prend en compte deux paramètres : les pluies prévues et l’état initial d’humidité des sols ; sur ces bases, un indice de sensibilité hydrologique (ISH) est calculé 2 fois par jour sur 6 bassins versants et permet de donner une indication sur les probabilités d’occurrences de crues.

Les unités d’hydrométrie (Voir Unités d’hydrométrie) jouent un rôle majeur pour la qualité des mesures, avec une contribution essentielle apportée à celle-ci par les jaugeages en crue, ainsi que pour la fiabilité des télétransmissions.

Les équipes chargées directement de la prévision des crues sont chargées de :

  • mettre au point, vérifier et mettre au point les outils de prévision pour leur territoire, et pour cela bien connaître le terrain, les enjeux d’inondation et les partenaires locaux ;
  • contribuer aux chantiers nationaux d’intérêt commun conduits par le Schapi ;
  • assurer une veille permanente en anticipation des risques de crue, puis les prévisions.

Les compétences requises couvrent :

  • la prévision et la modélisation hydrologiques et hydrodynamiques, ainsi qu’une bonne capacité d’interprétation des données hydrométriques ou pluviométriques ;
  • la compréhension des mécanismes et des formalisations de prévision météorologiques ;
  • la maîtrise des technologies de l’information et des communications techniques opérationnelles ;
  • l’aptitude à communiquer avec les responsables des administrations de l’Etat, les responsables politiques, les médias, et le public ;
  • la gestion et l’administration ;
  • la capacité à piloter et intégrer la recherche et les développements.

Les agents bénéficient d’un programme national de formation diversifié et à plusieurs niveaux de spécialisation. Voir: www.ifore.developpement-durable.gouv.fr/ .

Quelques services et plates-formes de prévision des crues dans d’autres pays

La plupart des pays développés ont développé des outils de prévision des crues et des inondations.

Aux États-Unis, le Service météorologique national (NWS) de l’Administration américaine pour les océans et l’atmosphère (NOAA) est responsable, avec ses 13 Centres de prévisions fluviales, de la prévision des crues au niveau national. Son système de prévisions fluviales, le National Weather Service River Forecasting System (NWSRFS), comprend plus de 30 modèles hydrologiques, parmi lesquels on peut citer le modèle Sacramento, dans sa version « Alert », orientée vers la prévision en temps réel. On peut consulter, sur le site internet : http://www.weather.gov/alerts les données observées et prévues (sans indication d’incertitude) concernant l’une de presque 8 000 stations. Outre le NWSRFS, de nombreux autres modèles de prévision des crues éclair sont utilisés par les Bureaux de prévisions météorologiques (WFOs pour Weather Forecast), qui travaillent 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, pour fournir des prévisions et des annonces de crues au niveau national et pour certains sites spécifiques.

Au Canada, plusieurs modèles continus, avec des composantes de cumul de neige et de fonte des neiges associées, sont utilisés pour la gestion des grands systèmes de réservoirs interconnectés.

Au Royaume-Uni, la tendance n’est plus aux agences individuelles de gestion des bassins versants développant leurs propres modèles mais plutôt à un système plus intégré, connu sous le nom de « système à architecture ouverte ». Dans ce système, les structures principales sont fournies par DELTARES (ex-DELFT Institute), mais il est néanmoins possible d’intégrer certains systèmes développés antérieurement. Afin d’accroître les délais pour les prévisions de crues, le système est associé aux modèles de prévision numérique du temps (PNT) les plus récents du Met. Office du Royaume-Uni. Le dernier de ces modèles est le STEPS, qui combine les données de prévision numérique du temps et les données pluviométriques par radar.

En Belgique, on peut signaler :

  • le système mis en place pour la prévision de la Demer, qui serpente dans des terres parmi les plus basses au monde par AMINAL, le département Flamand en charge de l’environnement, Il couvre les zones sensibles d’un bassin de 2 275 km2, incluant les villes de Aarschot, Hasselt, et Zichem. Le moteur de prévision des crues de FloodWorks génère des prévisions toutes les 15 mn, avec notamment la production d’une carte détaillée des zones inondées, en croisant la hauteur d’eau calculée du modèle avec un MNT de haute résolution,
  • en Wallonie, le site d’information sur les crues accessible par :

http://voies-hydrauliques.wallonie.be/opencms/opencms/fr/hydro/Actuelle/crue/index.html


En Allemagne, et tout particulièrement pour le Rhin, le Main et le Lech, des techniques basées sur les modèles continus sont utilisées et dans certains cas, comme par exemple pour le Rhin à Coblence et Kaub, des filtres de Wiener sont utilisés.

En Italie, le modèle ARNO, qui incorpore la méthode de propagation parabolique linéaire sur les pentes des bassins hydrographiques et dans les chenaux, a été utilisé pendant de nombreuses années comme élément central du Système opérationnel européen de prévision des crues en temps réel (EFFORTS). Ce système, développé à l’origine pour la rivière Fuchun en Chine, a été appliqué avec succès au fleuve Danube en Allemagne ainsi qu’à plusieurs rivières italiennes. Au cours des dernières années, le modèle TOPKAPI, un modèle distribué à base physique, a été incorporé au système EFFORTS dans le cadre du Projet intégré des mesures de précipitations à capteurs multiples (MUSIC pour Multi-sensor Precipitation Measurements integration Project). Il est opérationnel sur les rivières Arno et Reno, ainsi que sur neuf autres rivières italiennes de tailles plus réduites.

Dans la plupart des pays d’Europe de l’Est, l’utilisation de modèles continus a été développée sous l’action du système hydrologique opérationnel à fins multiples (SHOFM) établi par l'organisation météorologique mondiale (OMM), et par lequel sont mis à disposition par les services hydrologiques des pays membres de l'OMM des outils techniques qu'ils emploient dans leurs tâches habituelles. Ainsi, le SHFM s’appuie sur une diversité de modèles numériques : CLS, proposé dès 1977 par Natale et Todini ; SACRAMENTO ; modèle des écoulements et de gestion des réservoirs (SSARR pour Streamflow Synthesis and Reservoir Regulation) ; TANK ; IPA continu ; etc.

La Chine a grandement développé ses systèmes de prévision des crues en interne à partir de plusieurs modèles différents. Durant la période des crues, le Centre national de prévision des crues du Ministère des ressources en eau réalise des prévisions de crues en temps réel toutes les six heures, sur la base des quelques 3 000 stations pluviométriques réparties sur l’ensemble du pays, pour les sept grandes rivières (y compris le Yangzi Jiang, le Huang Ho, le Hai He et la rivière des Perles) à l’aide du Système national chinois de prévision des crues, le China National Flood Forecasting System (CNFFS). De nombreux modèles de prévision des crues différents sont employés dans ce système, y compris le modèle Xinanjiang (Zhao et Liu, 1995 ), d’autres modèles tels que IPA, Sacramento, Tank, SMAR (Tan et O'Connor, 1996), ainsi que le Système linéaire mixte contraint, le Synthetic Constrained Linear System (SCLS).

Au Bangladesh, le Centre de prévision et d’annonce des crues (FFWC) utilise largement les techniques SIG pour afficher l’état du niveau d’eau et des précipitations qui rentrent dans le modèle de prévision des crues MIKE 11 FF. Le centre utilise un modèle monodimensionnel totalement hydrodynamique (MIKE 11 HD) incorporant toutes les principales rivières et plaines inondables, qui sont reliées à un modèle conceptuel global pluie-débit (MIKE 11 RR), qui, à son tour, génère des débits entrants en provenance des bassins hydrographiques secondaires du pays.

En République de Corée, le Système de prévision et d’annonce des crues coréen, le Korean Flood Monitoring and Warning System (KFMWS), basé sur un SIG, a été développé depuis 1987 pour cinq grandes rivières, et le système a été récemment étendu à la gestion des crues de plusieurs rivières secondaires.

La Commission du fleuve Mékong (MRC) utilise actuellement des modèles numériques (SSARR, régression, RNA) pour fournir une prévision de crues avec trois jours d’anticipation durant la saison des pluies pour plus de 20 sites le long du fleuve principal, sur la bases de données quotidiennes en provenance de 37 stations hydrologiques et de 22 stations pluviométriques.

En Australie, comme aux États-Unis, les prévisions de crues sont gérées et émises par le Service météorologique national, le Bureau of Meteorology (BOM). Les informations sont répercutées en cascade du niveau national au niveau des États. Sur le site Internet http://www.bom.gov.au/ les informations d’annonce de crue sont obtenues en cliquant sur des triangles dont la couleur signale des risques d’inondation plus ou moins graves et référencées temporellement.

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