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Changement climatique - nouvelles toxicités pour l'homme

De Wikigeotech
Etudes&Documents n°55.jpg

Cette page est extraite du document "Impact à long terme du changement climatique sur le littoral métropolitain" paru sous le n°55 (octobre 2011) de la série Etudes & Documents publiée par le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) du ministère en charge du développement durable. Il constitue un état des lieux scientifique très synthétique conduit par la mission prospective du CGDD qui a mis à contibutions plusieurs personnalités du ministère. WIKHYDRO a choisi de publier ce document en l'éclatant en plusieurs pages interactives. Le document est dispoble en version électronique complète sur le site du CGDD.

Sommaire

Ce que l’on constate actuellement

Les nouvelles toxicités pour l’homme considérées dans ce document sont des toxicités microbiologiques d’origine marine, susceptibles d’advenir en métropole. Ne sont pas traitées ici les toxicités dues aux médicaments ou aux nanotechnologies. Les agents pathogènes principaux sont strictement marins comme les vibrions qui sont des bactéries d’eaux marines et saumâtres et certaines espèces de phytoplancton qui produisent des toxines affectant la faune et la flore marine ou des toxines nuisibles à la santé des consommateurs de coquillages.
Les Vibrio parahaemolyticus et Vibrio vulnificus sont à surveiller plus particulièrement en périodes de températures élevées et dans les masses d’eaux réchauffées (comme dans les panaches de centrales électriques). Le risque cholérique est émergent en Méditerranée.
De nombreuses toxines phytoplanctoniques impactent régulièrement les côtes françaises et européennes Elles sont surveillées régulièrement selon des procédures harmonisées à l’échelon européen. Les espèces responsables sont clairement identifiées et toute nouvelle espèce suspecte est rapportée. Depuis trois ans, une nouvelle espèce benthique Ostreopsis sp. est étroitement surveillée en Méditerranée. Cette espèce n’est pas, à proprement parler, une espèce importée mais elle présente un preferandum pour les températures élevées. Dans l’étang de Thau, les étés caniculaires pendant lesquels les températures de l’eau dépassent 26°C, favorisent la dominance de cyanobactéries [55]. À l’heure actuelle, aucune toxicité n’a été rapportée.

Ce qui pourrait se passer

Élévation du niveau de la mer

L’élévation du niveau des mers entrainera des modifications locales profondes de la circulation côtière avec disparition de certaines lagunes (ex : Étang de Thau) et l’apparition de nouvelles zones de rétention hydrodynamiques favorisant le développement d’espèces pathogènes quelles soient de type vibrion ou phytoplancton.

Élévation de la température de surface

Les températures plus élevées peuvent faciliter l’introduction ou l’expansion géographique d’espèces toxiques présentes dans les zones équatoriales et tropicales. Ainsi, des espèces de flagellés tropicaux produisant des toxines à l’origine des syndromes du type ciguatérique, syndrome restreint pour l’instant à la ceinture tropicale, ont été observés en Méditerranée et aux Canaries. Un dinoflagellé très virulent en termes de toxicité paralytique (Pyrodinium bahamense) a été observé en Ria de Vigo (Espagne).
Jusqu’à présent, cette espèce était confinée à la ceinture tropicale. La plupart des espèces phytoplanctoniques toxiques sont des flagellés qui sont en général favorisés par des températures accrues. De nombreuses espèces présentent une phase de dormance ou enkystée et une phase de croissance active ou végétative. La transition entre les deux phases est largement dépendante de la température : la durée annuelle de la période de croissance, et donc la phase toxique active risque donc de s’allonger.

Légende de la carte ci-dessous: Présence de Phycotoxines en Europe : 1993-2002 Pays CIEM

Attention : Ces cartes doivent être interprétées avec prudence. Pour ce qui concerne le risque d'intoxication par des produits de la mer en provennace des pays concernés. La CCI et le CIEM ne sont pas responsables d'un éventuel usage abusif de cette information

figure 20 repartition des toxines algales sur les cotes europeennes

PSP : Toxines paralytiques
DSP : Toxines diarrhéiques
ASP : Toxines amnésiantes
Aza : Toxines lipophiles de type azaspiracides
Mort. : Mortalités animaux marins
Cya. : Toxines Cyanobactériennes.

L’élévation des températures peut favoriser l’émergence de cyanobactéries marines avec les risques toxiniques associés (PSP, BMAA).
Les vibrions pathogènes (V. parahaemolyticus, vulnificus et cholerae) sont d’autant plus abondants que la température est élevée. Des études dans les panaches de centrales nucléaires l’ont montré pour V. parahaemolyticus et le risque cholérique peut émerger en Méditerranée.

Stratification et stabilité des masses d’eaux fluviales

Le changement prévisible du régime des fleuves conduira à des modifications importantes de l’extension des panaches Ces panaches stabilisent les masses d’eaux, ce qui favorise la croissance de nombreux flagellés potentiellement toxiques [56]. C’est le cas en zone Atlantique d’une espèce comme Karenia mikimotoi, toxique pour la faune et la flore marines. Cette espèce a un impact fort sur le recrutement d’espèces de poissons et coquillages.
D’autres espèces comme Dinophysis, responsable des intoxications diarrhéiques bénéficient aussi de la stabilité des masses d’eaux.
L’extension de la période stratifiée et donc de la saison des efflorescences du printemps à l’automne peut avoir un impact important sur l’aquaculture et les pêcheries, cet impact se traduisant par des mortalités d’adultes et des défauts de recrutement ainsi que des problèmes de commercialisation.

Évolution des premiers maillons de la chaîne alimentaire

Outre la modification des communautés planctoniques dont l’évolution reste difficile à documenter, la simple évolution de la production primaire peut occasionner des changements importants des zones à risque. Vibrio cholera, (ainsi que vraisemblablement d’autres vibrios) utilise le zooplancton comme hôte-réservoir de niches dans lesquelles il peut maintenir ses propriétés pathogènes même après un très long séjour dans l’environnement. Des bouffées de production planctoniques sont associées à des épidémies de choléra. Les phénomènes globaux climatiques (tel el Niño) peuvent initier des épidémies à des endroits très distants.

L’acidification des océans

L’évaluation des conséquences de ce processus sur les communautés planctoniques est loin d’être achevée. Des concentrations accrues en CO2 influenceront directement les maillons les plus sensibles de la chaîne alimentaire avec des conséquences en cascade qui sont difficiles à évaluer. Les groupes présentant une faible affinité pour le CO2 seront favorisés par un accroissement du CO2.

L’impact du changement global sur la toxicité algale

Les paramètres environnementaux comme la température, le pH, les apports en éléments nutritifs, la turbulence à petite échelle influencent non seulement la croissance des algues toxiques mais aussi leur toxicité. Cependant, en l’état des connaissances, il est difficile d’établir des extrapolations du fait de la diversité des espèces de phytoplancton toxique.

L’effet de la perte de biodiversité sur l’émergence de risques [57], [58].

Un lien étroit entre la perte de biodiversité et l’accroissement des risques sanitaires est fortement documenté par des équipes de l’Environnemental Protection Agency (USA). Il pourrait être utile de vérifier le rôle que pourrait jouer le milieu marin dans cette « transition épidémiologique ».


Impacts possibles sur les milieux, les territoires littoraux et les activités humaines


Les aléas climatiques (crues majeures, tempêtes) dont beaucoup d’études s’accordent à dire qu’ils seront plus fréquents et extrêmes auront des effets notables sur les risques biologiques toxiques. L’effet de ces aléas sur les populations toxiques concernées étant très hautement non linéaire [4], il faudrait pouvoir tester des scénarios statistiques type d’évolution du climat qui font défaut actuellement.

Impacts possibles sur les milieux et les territoires
Types de territoires et milieux exposés  Nature des impacts
Écosystèmes marins (espèces cultivées – huîtres & nourriceries de poissons) Impact sur la chaîne alimentaire (algues ichtyotoxiques).
Impacts possibles sur les activités humaines
Type d’activité
Impacts
conchyliculture

Les risques sanitaires ont un impact primordial sur les activités

humaines en milieu littoral. Ces activités comme la
conchyliculture ont un effet structurant du paysage et leur

disparition éventuelle pour des raisons sanitaires pourrait avoir

un effet majeur sur les milieux littoraux (envasement ou

érosion accélérée ; eutrophisation accrue et hypoxies

associées) avec pour conséquences des modifications

profondes de l’économie locale.

Bibliographie

[55] Convention Diversité Biologique, Nations-Unies, 1992. http://www.cbd.int/doc/legal/cbd-fr.pdf
[56] COLLOS Y., BEC B., JAUZEIN C., ABADIE E., LAUGIER T., LAUTIER J., PASTOUREAUD A., SOUCHU P., VAQUER A., “Oligotrophication and emergence of picocyanobacteria and a toxic dinoflagellate in Thau lagoon, southern France”, Journal of Sea Research. 2009, vol. 61, n° 1-2, pp. 68-75.
[57] GENTIEN P., LUNVEN M., LAZURE P., YOUENOU A., CRASSOUS M.P., “Motility and autotoxicity in Karenia mikimotoi (Dinophyceae)”, Philosophical Transactions of the Royal Society, vol. 362, n° 1487, 2007, pp. 1937-1946.
[58] ROMAN J., PONGSIRI M.J., “Examining the links between biodiversity and human health: an interdisciplinary research initiative at the US Environmental Protection Agency”. Ecohealth. 2007, vol.4, n°1, pp. 82-85.


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