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B.28 - Influence maritime

De Wikigeotech

Sommaire

La marée astronomique

La marée est la variation du niveau de la mer due à l'effet conjugué des forces de gravitation des astres. Les principaux astres en termes d'influence sont la Lune et le Soleil.

Sur l'Océan Atlantique, on observe deux cycles de marée par jour lunaire (24 h 50 min). Le niveau le plus élevé atteint par la mer au cours d'un cycle est appelé pleine mer (PM) ou « marée haute ». De même, le niveau le plus bas se nomme basse mer (BM) ou « marée basse ». Le flux ou flot désigne le mouvement montant, le reflux ou jusant correspond au mouvement descendant.

Le coefficient de marée

La marée étant générée par la Lune et le Soleil, les actions de ces deux astres peuvent s'ajouter ou se contrarier selon leurs positions relatives. Les variations de hauteur d'eau sont conditionnées par les phases de la Lune : Marée de vive-eau : lors des phases de pleines et nouvelles lunes (syzygies), les trois astres sont alignés, les forces s'additionnent et les marées sont importantes (Fig.2.a et 2.c). Marée de morte-eau : lors des phases de premiers et derniers quartiers de la lune (quadratures), trois astres forment un angle droit, les forces se contrarient, les marées sont faibles (Fig. 2.b et 2.d).

Les vives-eaux et mortes-eaux interviennent avec un certain retard par rapport aux syzygies et aux quadratures. Ce retard est l'âge de la marée, d'environ 36 heures en France (Fig. 1).


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En France, on associe à l'amplitude de l'oscillation de la marée semi-diurne, un coefficient dit coefficient de marée. Le coefficient est calculé pour une pleine mer. C'est un nombre sans dimension compris entre 20 et 120 et qui varie peu d'un jour sur l'autre (Tab. 1). Par convention, le coefficient 100 est attribué au marnage semi-diurne moyen lors des vives-eaux voisines des équinoxes (21 mars, 21 septembre).

Le zéro hydrographique

Les hauteurs de marée sont indiquées en France par rapport au zéro hydrographique qui est voisin du niveau le plus bas que peut atteindre théoriquement la mer, soit le niveau de la mer au moment de la basse mer d'une marée de coefficient 120 (coefficient de marée le plus élevé).

Le zéro hydrographique – ou zéro des cartes marines – est le niveau de référence des cartes marines et des annuaires de marée. C’est l’équivalent en mer de la surface de référence des altitudes à terre portées sur les cartes de l’IGN.


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La prédiction des marées

En France, le service chargé de prédire les marées est le service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM). Ce service a mis au point des modèles permettant de calculer les horaires et les hauteurs des marées futures, à partir des observations effectuées. Depuis 1991, il utilise la formule suivante :

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  • Z0 est le niveau moyen, rapporté au zéro des cartes, autour duquel oscille le niveau de l'eau ;
  • Ai et Gi, appelées constantes harmoniques, sont respectivement l'amplitude et la situation à Greenwich de l'onde élémentaire et ne dépendent que du port considéré ;
  • qi est la vitesse angulaire de l'onde élémentaire ;
  • V0,i est la valeur de l'argument astronomique pour t = 0.

Chaque port a un spectre de marée caractéristique. Pour les sites où la marée est importante, la prise en compte de plus d'une centaine d'ondes composantes peut être nécessaire pour un calcul précis.

Les composantes les plus importantes sont les suivantes : - composantes semi-diurnes :

  • l'onde M2 est la marée générée par la "Lune moyenne", astre fictif animé d'un mouvement uniforme sur une orbite circulaire située dans le plan de l'équateur et ayant la même période de révolution que la Lune réelle. Cette marée présente deux pleines mers et deux basses mers par jour lunaire (24 h 50 min) ;
  • l'onde S2 représente la marée due au "Soleil moyen", astre fictif animé d'un mouvement uniforme, sur une orbite circulaire située dans le plan de l'équateur et ayant même période de révolution que le Soleil réel. Elle représente deux pleines mers et deux basses mers par jour solaire (24 h).

- composantes diurnes :

  • l'onde K1 a pour origine les variations de déclinaison de la Lune et du Soleil. Elle est marquée par une pleine mer et une basse mer par jour sidéral (23 h 56 min) ;
  • l'onde O1 est induite par les variations de déclinaison de la Lune. Elle présente une pleine mer et une basse mer par jour lunaire.

Les surcotes et décotes

Les termes surcote et décote, désignent les différences entre le niveau marin observé et le niveau marin qui existerait en présence de la marée astronomique seule. Lorsque cette différence est positive, on parle de surcote ; lorsqu'elle est négative, de décote.

Une surcote a principalement une origine météorologique : elle est générée lors du passage d'une dépression. Elle peut avoir également d’autres origines : vagues, seiches, tsunamis…

Surcotes d'origine météorologique

Le passage d'une dépression provoque un échange d’énergie entre l’atmosphère (vent et variations de pression atmosphérique) et l’océan. Physiquement, l’atmosphère agit de deux façons sur la surface de l’océan :

  • le niveau marin réagit en baromètre inversé à la pression atmosphérique. Le niveau de la mer s’adapte au poids de l’atmosphère qu’il supporte : la surface océanique se soulève lorsqu’une atmosphère plus légère la surplombe (dépression). La pression moyenne standard au niveau de la mer est d’environ 1013 hPa, c'est celle de la marée prédite. Une diminution de 1 hectopascal entraîne une augmentation du niveau de la mer d’à peu près 1 centimètre, et inversement.
  • l’action des vents se combine fréquemment à celle de la pression atmosphérique pour amplifier la valeur et les effets des décotes ou des surcotes. Un vent établi poussant les eaux de surface vers le large provoque une baisse du niveau de la mer près des cotes (décote) : c’est un vent de reflux. Inversement, un vent d’afflux, qui pousse les eaux de surface vers la côte, provoque une montée du niveau d’eau près de celle-ci (surcote).

La pression atmosphérique et le vent ne sont pas les seuls facteurs à jouer un rôle dans la génération des surcotes et décotes; les interactions avec la marée et la houle peuvent aussi agir sur l'amplification du phénomène. À la côte, le déferlement de la houle peut également induire une élévation supplémentaire du niveau marin.

Le phénomène de seiche

Les seiches se produisent de manière fréquente dans certains ports. Les seiches sont des oscillations qui correspondent à des résonances fortes dont la période, caractéristique du port, peut varier entre quelques dizaines de secondes et quelques minutes.

Exemple 1. Les hauteurs d'eau observées par le marégraphe de Royan, dans la nuit du 15 au 16 février 2011, sont représentées par la figure 3. Les principales caractéristiques de la seiche qui sont déductibles du marégramme sont :

  • la hauteur maximale de crête à creux de 1 mètre ;
  • l’atténuation de moitié au bout de 4 heures ;
  • la fin de l'épisode au bout de 8 heures ;
  • les périodes des oscillations comprises entre 11 et 13 min.


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Autres types de surcotes

Plus rarement (selon la forme du fond et la direction du vent et des courants) et plus localement, des restes de grande houle peuvent conduire à la formation de « vagues scélérates » d'une hauteur très anormale. Encore plus rarement, l'onde d'un raz-de-marée (aussi connu comme tsunami) peut conduire à la formation de vagues anormalement hautes.

Prévision des surcotes

Parce que les marées de tempête ont quelquefois des conséquences désastreuses — certaines d'entre elles, en fait, constituent historiquement les événements d'origine météorologique les plus meurtriers et les plus dévastateurs qui se soient jamais produits — , la prévision des valeurs des décotes et surcotes joue un rôle essentiel dans le suivi de situations de crise telles que la cyclogénèse d'une tempête exceptionnelle dans l'Atlantique nord ou, plus encore, l'évolution d'un cyclone tropical . Divers centres météorologiques ont par suite élaboré des modèles numériques de prévision à courte échéance des surcotes sur les régions côtières ; c'est en particulier le cas de Météo-France pour ce qui est des zones océaniques intertropicales où sont situés des Départements et Territoires d'Outre-Mer. On utilise en outre les modèles de ce genre pour examiner les résultats qu'ils fournissent après simulation systématique des trajectoires possibles de tempête ou de cyclone : de tels résultats fondent une climatologie des surcotes et décotes sur ces mêmes régions côtières, permettant alors de mieux organiser leur aménagement et leur sécurité civile.

Les réseaux d'observations maritimes

Observations marégraphiques

Les principaux producteurs de données marégraphiques actuels sont les services suivants :

  • le SHOM ;
  • les services de prévision des crues ;
  • les grands ports maritimes.

Les données marégraphiques produites ont de nombreux champs d'application dont voici une liste non-exhaustive :

  • la détermination des constantes harmoniques nécessaires à la prédiction de la marée ;
  • l'étude statistique des surcotes et décotes, des niveaux extrêmes, la mise au point de modèles de prévisions de surcotes-décotes ;
  • l'étude de l'évolution du niveau moyen des océans ;
  • l'étude des références verticales et la surveillance géodésique des marégraphes ;
  • les paramètres d'entrée de nombreux modèles océaniques et d'hydrodynamique côtière ;
  • l'observation de la hauteur d'eau en temps réel pour la sécurité à l'entrée des chenaux et des ports, et les systèmes d'alerte et de vigilance dédiés aux risques de submersion marine (ondes de tempête, tsunami, seiches,…).

Autres observations

Météo-France contribue aux réseaux d'observation maritime pour assurer une veille météorologique continue du temps en mer, avec les moyens suivants :

  • 80 navires, équipés de matériel météorologique et suivis par Météo-France, effectuent des observations météorologiques au cours de leurs navigations,
  • 5 bouées ancrées, ainsi que des bouées dérivantes,
  • les satellites météorologiques (Meteosat et le futur Metop) ou d’observation de la Terre (ERS).

Les incertitudes de prévision maritime

Prévoir un niveau maritime consiste à faire l'addition des deux termes suivants : la prédiction de marée astronomique, prévision de surcote.

La prédiction de marée peut être calculée longtemps à l'avance, sa valeur est consignée dans un annuaire des marées (Fig. 4). Par contre, la prévision de surcote n'est calculée que quelques jours à l'avance et sa valeur peut être actualisée plusieurs fois par jour.


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Les incertitudes sont estimées par une analyse a posteriori des séries d’erreurs de prévision constatées (sur un principe proche de celui présenté dans la fiche C.07). On compare donc l'observation marégraphique avec la somme des deux termes. Chacun de ces termes peut comporter des erreurs, qui ne peuvent pas être mesurées séparément.

L'incertitude de prédiction astronomique

Les principaux facteurs qui influencent la qualité de la prédiction astronomique sont les suivants:

  • la longueur de la période d'observation. Entre une courte série de 6 mois et une série de 10 ans, les écarts sont d'environ 5 à 10 minutes sur les horaires, et de 30 à 45 cm sur les hauteurs.
  • l’enregistrement ou non de tout le cycle de marée, y compris la basse mer, notamment en estuaires. Les crues dans les estuaires peuvent faire varier les niveaux jusqu'à 70 cm à Nantes ou Bordeaux.
  • le nombre de constantes harmoniques prises en compte. Pour une prédiction composée de seulement 12 constantes harmoniques au lieu de 143, les écarts peuvent atteindre 70 minutes sur les horaires, et 90 cm sur les hauteurs.
  • les corrections nodales, à appliquer sur les constantes harmoniques pour tenir compte des variations de l'orbite lunaire. Les écarts peuvent atteindre jusqu'à 90 minutes sur les horaires, et 100 cm sur les hauteurs.

Sur un port de la façade atlantique où le SHOM dispose d'une série de données de plusieurs décennies, les écarts dépassent rarement les 15 minutes sur les horaires, et 20 cm sur les hauteurs.

L'incertitude de prévision de surcote

L'incertitude de prévision de surcote comprend les deux composantes suivantes:

  • l'incertitude sur l'intensité du phénomène météorologique, notamment l'amplitude maximale de la surcote.
  • l'incertitude sur la chronologie de l’événement, notamment sur la concomitance d'une forte surcote avec la pleine mer. Cette incertitude peut atteindre 3 à 6 heures pour des prévisions à un horizon de 24 à 48 heures.

Exemple 2. Les prévisions de surcote à Fouras pour les 5 et 6 novembre 2013, sont représentées par la figure 5. Pour la pleine mer du 5 novembre 2013 vers 17h, nous avons les fourchettes d'incertitudes suivantes :

  • Les différents modèles prévoient entre – 5 et +7 cm de surcote vers 17h ;
  • Si on considère un décalage de + 3 heures des résultats des modèles, la surcote pourrait atteindre 30 à 45 cm ;
  • Si on considère un décalage de – 3 heures des résultats des modèles, la surcote pourrait atteindre 12 à 16 cm.

Finalement, la fourchette de prévision de la surcote peut être estimée à [– 5 cm ; + 45 cm]. Dans cet exemple, c'est l'incertitude sur la chronologie qui est la plus déterminante.


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Les incertitudes de prévision en estuaire

Les principales variables à prendre en compte

Pour le calcul des prévisions en estuaire, les principales variables à prendre en compte sont les suivantes :

  • la cote marine théorique et la surcote météorologique (façade maritime),
  • la vitesse du vent (intensité et direction) sur l'estuaire,
  • le débit du cours d'eau à l'amont de l'estuaire (façade fluviale).

Il est à noter que deux éléments sont fortement corrélés : la surcote météorologique et la vitesse du vent sur l'estuaire.

Le débit du cours d'eau est très faiblement corrélé avec les autres variables. Ce débit peut être associé à une surcote fluviale, notamment dans les secteurs où le SHOM a pu calculer des cotes théoriques. Ces cotes théoriques sont calculées avec des conditions météorologiques normales et un débit d'étiage normal. Lors d'une crue fluviale, et dans des conditions météorologiques normales, la surcote fluviale est la différence entre le niveau en estuaire et le niveau théorique prédit par le SHOM.

Évaluation des incertitudes en estuaire

Pour bien évaluer les incertitudes de prévision en estuaire, il est important de réaliser des tests de sensibilité aux variables d'entrée. Ces tests de sensibilité sont notamment indispensables pour évaluer l'évolution de la surcote fluviale en fonction du débit.

Exemple 3. Des tests de sensibilité ont été réalisés en 2008 sur le modèle TELEMAC de l'estuaire de la Gironde. Les résultats obtenus ont notamment mis en évidence l'importance des faibles débits de la Garonne (mesurés à La Réole) sur l'incertitude de la surcote fluviale à la station de Bordeaux au moment des pleines mers :

  • entre 2,5 et 3 cm d'incertitude pour 100 m3/s de variation du débit amont de la Garonne, lorsque ce débit reste inférieur à 3000 m3/s  ;
  • seulement 6 mm d'incertitude pour 100 m3/s de variation du débit amont de la Garonne, lorsque ce débit devient supérieur à 3000 m3/s.

Ces tests ont également mis en évidence les deux directions du vent favorables au renforcement des surcotes au moment des pleines mers : 330° en amont de Pauillac, environ 300° en aval. Cela correspond avec la géométrie de l’estuaire.


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En ce qui concerne les deux variables corrélées, la surcote marine et le vent, il est préférable de travailler par scénarios pour pouvoir estimer leur incertitude associée.

Exemple 4. Lors de la tempête Xynthia (28 février 2010), la prévision des niveaux dans l'estuaire de la Gironde a été réalisée à partir des éléments issus de deux scénarios météorologiques suggérés par les prévisionnistes de Météo-France. Les principaux éléments de ces scénarios sont les suivants :


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Par conséquent, sur cet événement, l'incertitude la plus forte se situait à Bordeaux (écart entre scénarios > 15 cm), et la plus faible se situait à Pauillac. Finalement, c'est le scénario (a) qui a été le plus proche de la réalité.


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Ces résultats sont caractéristiques de l'estuaire de la Gironde. D'autres estuaires pourront répondre de manière assez différente aux forçages en fonction de leur taille, de leur dominante maritime ou fluviale etc.

D'une manière générale, la conjugaison des deux sources d'incertitudes, maritime et fluviale, peut souvent se traiter en considérant l'estuaire comme un système linéaire : on ajoute les incertitudes sur les deux types de surcotes, fluviale et météorologique. Toutefois, lorsque les débordements sont généralisés dans le lit majeur, l'incertitude en estuaire devient inférieure à celle relative aux données d'entrée.


Voir également

Fiche A.02 – Sources d'incertitude

Fiche C.07 – Apprentissage : analyse a posteriori des erreurs de prévision


Pour aller plus loin

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