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B.24 - Initialisation des modèles hydrologiques et incertitude résultante

De Wikigeotech

Sommaire

L'initialisation des modèles hydrologiques

Définition

L'initialisation d'un modèle hydrologique consiste à définir la valeur des variables d'état du modèle au démarrage d'une simulation ou d'une prévision. Il s'agit d'une description de l'état du système représenté (le bassin versant ou le réseau d'écoulement) à l'instant initial de prévision. La bonne initialisation du modèle est cruciale pour obtenir des prévisions précises.

Exemple 1. L'humidité du bassin versant au démarrage de la prévision par un modèle hydrologique a une forte influence sur le débit simulé (Fig. 1). Bien estimer les variables d'état correspondantes (par exemple, le niveau du réservoir de la fonction de production des modèles GR) est crucial pour obtenir une prévision raisonnable.


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Certaines variables d'état ne peuvent pas être reliées à des observations disponibles de façon simple. Elles sont alors initialisées par une procédure plus ou moins complexe qui va introduire de l'incertitude.

Deux méthodes existent :

  • la simulation « continue » où une période de simulation antérieure à la prévision fournit les valeurs des états du modèle à l'instant de prévision,
  • l'initialisation « événementielle ».

La simulation « continue »

Pour le plus grand nombre de modèles hydrologiques, les résultats d'une simulation deviennent indépendants des conditions initiales quand la simulation est suffisamment longue. L'état du modèle (l'ensemble des valeurs des variables d'état) n'est alors fonction que des forçages successifs (les entrées comme les observations de précipitation et de température).

C'est pourquoi un modèle de prévision peut être initialisé en exécutant le modèle pendant une période antérieure à l'instant de prévision suffisamment longue, en l'alimentant avec les observations (de pluie, etc.). Cette période est communément appelée « période de chauffe » (warm-up period). C'est, par exemple, le cas des modèle hydrologique GRP et MORDOR.

Il est souvent conseillé d'employer une période de chauffe d'au moins un an. L’utilisation de la moyenne interannuelle de remplissage du réservoir de production au démarrage de la période de chauffe permet également de réduire cette durée (en effet, les évolutions du taux de remplissage sont comparable d’une année à l’autre). Par ailleurs, certaines mises-à-jour des états du modèle peuvent permettre de réduire significativement cette durée.

Exemple 1 (suite). La figure 2 présente les prévisions effectuées à l'aide du modèle GRP de l'événement de la fin mars 2004 sur le Tarn à Millau (même événement que pour la figure 1). Cette fois, le modèle GRP est exécuté avec ses mises -à-jour : on constate que la mise-à-jour du réservoir de routage atténue fortement l'influence de l'initialisation du réservoir de production.


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L'initialisation « événementielle »

L'alternative à la simulation continue consiste à faire définir les conditions initiales par le modélisateur (le prévisionniste). Ce dernier se base alors sur son expertise et sa connaissance du système réel (le bassin versant par exemple) pour choisir la valeur des états initiaux. Il peut par exemple se baser sur des observations « indicatrices » pour estimer certains états initiaux (exemple 2).

Parmi les indicateurs les plus utilisés, on peut citer :

  • les indices d’humidité calculés par les modèles d’interface entre le sol, la végétation et l’atmosphère utilisés en météorologie (exemples 2 et 3) ;
  • le débit du cours d’eau avant le début de l’événement pluvieux (exemple 3). L’initialisation basée sur le débit initial n’est toutefois pas adaptée aux bassins fortement influencés.

Exemple 2. Pour définir des états correspondant (voire modélisant explicitement) l'humidité du bassin, une approche consiste à se baser sur des données disponibles décrivant cet état du bassin, comme l'indice HU2 ou l'indice SWI, issus d'une modélisation du sol par la chaîne de modèles de Météo-France. Le modèle GR3H, implémenté au sein de la plate-forme de modélisation SOPHIE (Fourmigué et Lavabre, 2005), est un modèle événementiel. Il a été calé au SPC Méd Est où il obtient des résultats satisfaisants au calage. Malheureusement les difficultés d'initialisation du réservoir de production du modèle (S0/A) ont conduit le SPC à abandonner son emploi en conditions opérationnelles. Certains bassins suivis par ce SPC présentent une composante karstique qui accroît les difficultés d'initialisation du modèle (par exemple, l'Huveaune présente un débit inférieur à 5 m3/s dans plus de 95 % des cas et un débit inférieur à 1 m3/s la majorité de l'été et du début d'automne : le débit de base ne permet pas de rendre compte de l'état de vidange important voire très important du karst). Le SPC travaille actuellement à l'initialisation d'un modèle GR4H événementiel (adaptation du modèle continu GR4J, Fig. 3) en se basant sur une abaque entre l'indice d'humidité des sols SWI et les niveaux de remplissage des réservoirs (Fig. 4). On peut noter là aussi l'effet très important de l'initialisation (Fig. 5).

Exemple 3. Le SPC LCI a construit deux méthodes d’initialisation du coefficient D0 de la fonction de production SCS à l’entrée du barrage de Lapalisse (Fig. 6 et 7). La relation obtenue avec le débit initial est meilleure dans cet exemple que celle basée sur l’indice d’humidité des sols. L’incertitude sur cette relation reste relativement élevée et peut avoir des effets sensibles sur les prévisions.


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Incertitude due à l'initialisation

Comme illustré par les exemples 1 et 2, les prévisions peuvent être très sensibles à certaines valeurs initiales des variables d'état. L'initialisation est donc cruciale et l'incertitude sur ces valeurs initiales joue fortement sur l'incertitude de prévision. Les difficultés d'initialisation des modèles événementiels introduisent une nouvelle source d'incertitude qui compte parmi les points faibles des modèles événementiels.

Inversement, dans le cas d'une initialisation par simulation continue, l'initialisation n'est pas en soi une source d'incertitude supplémentaire mais l'incertitude épistémique liée à l'imperfection du modèle et à son calage joue à plein. Elle reste souvent bien moins importante que l'incertitude induite par une initialisation événementielle (tant qu’il n’y a pas d’erreur systématique sur les données de forçage).

L'influence de l'initialisation diminue avec l'horizon de prévision. Cependant dans le domaine de la prévision des crues, les horizons de prévision sont trop courts pour réduire significativement la part de l'incertitude de prévision due à l'initialisation de nombreux états.


Voir également

Fiche A.03 – Propagation des incertitudes

Fiche A.05 – Évolution de l'incertitude avec l'horizon de prévision

Fiche B.21 – Modélisation hydrologique : influence de l’incertitude des données d’entrée


Pour aller plus loin

Fourmigué, P. et Lavabre, J. (2005). Prévision de crues avec le modèle conceptuel pluie-débit GR3H. Adaptabilité aux incertitudes sur la pluie. Revue des sciences de l'eau / Journal of Water Science, 18 (1), 87 – 102.

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