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Wikigeotech:80 maximes de Reverdy

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Sommaire

Les 80 maximes du terrassement routier

par Georges REVERDY Extrait de la Revue Générale de la Route n°429, Février 1968


LES QUATRE ELEMENTS DE BASE

1. Comme les anciens avaient reconnu dans le monde quatre éléments simples, il y a quatre éléments fondamentaux dans un travail de terrassement : l’eau, la roche, l’espace et le temps

L’eau constitue le premier et le plus important de ces éléments par l’action qu’elle a sur les sols et plus spécialement sur leurs parties fines. On pourrait être ainsi tenté de considérer plutôt à sa place un autre élément qui serait l’argile ou le limon, mais il semble préférable de garder l’eau car c’est elle qui les rend mauvais et elle a d’ailleurs une influence beaucoup plus générale sur toutes les activités d’un chantier. La roche, ce sont les éléments durs qu’il est indispensable de bien connaître pour pouvoir les réduire mais dont le caractère permanent dans le temps permet au spécialiste de les aborder sans inquiétude. ‘espace, c’est l’étendue du chantier, la distance de transport, puisque les terrassements consistent essentiellement à déplacer d’un point à un autre des matériaux pesants. Enfin, le temps, c’est toute la durée du chantier, la période pendant laquelle les travaux doivent être exécutés, ce qui définit impérativement les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. Les anciens considéraient de leur côté comme éléments fondamentaux l’air et le feu, ce qui représenterait essentiellement pour les chantiers de terrassement le vent et le soleil, c'est-à-dire l’évaporation. Malheureusement sous nos climats il s’agit d’éléments secondaires qui ne peuvent avoir une influence considérable sur la marche des travaux et il suffit de les prendre en compte comme des alliés éventuels réduisant l’action néfaste de l’eau. Tous ces éléments doivent être parfaitement connus avant l’établissement d’un marché des travaux, ce qui implique une reconnaissance parfaite des lieux, mais seule l’eau du ciel ne le sera pas de sitôt. Il semble d’ailleurs anormal à ce sujet que les renseignements géologiques donnés dans un dossier aient un caractère uniquement indicatif et non contractuel : bien entendu une coupe géologique qui résulte d’interpolations et d’extrapolations ne peut pas être garantie ; en revanche, les observations et mesures faites sur un sondage donné à un emplacement donné doivent être aussi indiscutables que toutes les autres pièces du dossier.

2. Il pleut en moyenne à Paris plus de 160 jours par an.

Il pleut en moyenne à paris de 12 à 17 jours par mois selon les mois. Les mois les plus pluvieux sont en moyenne à Paris : août, juillet, mai, octobre et novembre. Il s’agit là de conditions climatiques bien connues, caractérisant le climat océanique et qui s’appliquent sensiblement, non seulement au bassin parisien, mais à une grande partie de la France. Ces éléments gagneraient toujours à être mieux connus de ceux qui s’étonnent qu’il pleuve pendant les mois d’été.

3. L’eau de pluie s’écoule, s’infiltre ou s’évapore.

C’est dans le domaine agronomique que ces problèmes d’écoulement des eaux et de bilan hydrologique sont étudiés depuis longtemps et il est fort important de mieux les connaître dans l’optique des terrassements routiers. Sur un chantier de terrassement, il est essentiel que le maximum d’eau ruisselle en surface pour ne pas imbiber les terrains en cours de déblaiement. Nous poursuivons des mesures sur des planches d’essais pour déterminer en fonction de la nature des matériaux, de leur compacité, de la pente et de l’état de leur surface, les meilleurs résultats à attendre du ruissellement superficiel. De toute façon le bilan hydrologique des précipitations se répartit entre l’écoulement superficiel, l’écoulement souterrain ou drainage et l’évapotranspiration. Sous nos climats, les hydrologues estiment à une centaine de millimètres la capacité de rétention moyenne du sol. En dehors des zones forestières on peut admettre qu’en général, en France, c’est une tranche supérieure des sols d’environ un mètre d’épaisseur qui constitue leur capacité de rétention et qui alimente l’évapotranspiration au cours d’un été donné on peut suivre ainsi l’évolution de la réserve hydrique du sol qui en 2 ou 3 mois peut être complètement épuisée. Avec les renseignements de toute station météorologique on peut suivre jour par jour pendant les mois d’été le bilan des précipitations et de l’évaporation, qui très différent suivant les années : c’est ainsi qu’à Auxerre, pendant les étés pluvieux comme 1958 ou 1965, le total des précipitations et de l’évaporation a été sensiblement égal du mois d’avril au mois d’octobre. En revanche, pendant les années sèches, on a observé un excédent très important d’évaporation, par exemple 400 mm en 1964 et 540 mm en 1959. On peut aussi suivre constamment le bilan des durée de précipitations et d’insolation. A Auxerre, pendant les premiers mois de l’année et jusqu’au mois d’avril environ, les durées de précipitations l’emportent sur les durées d’insolation. Dès que le bilan se renverse et qu’il y a excédent important d’insolation, on peut considérer que les circonstances sont favorables aux travaux. D’ailleurs au point de vue agronomique, on considère que sous nos climats pendant la saison chaude, seules les pluies journalières de plus de 5 mm présentent un intérêt biologique et hydrologique. Des études plus globales ont été faites depuis longtemps à ce sujet en utilisant des lysimètres avec des cases renfermant divers sols sur 0 ?60 m de profondeur et reposant sur un massif drainant. Avec une bonne terre végétale limoneuse et sur cette épaisseur, on a constaté que 36 % des précipitations se traduisaient en drainage profond et 64 % en évaporation. La répartition est très différente suivant les saisons car bien entendu, en hiver l’évaporation est très réduite et le drainage très important. D’autre part, s’il y a de la végétation en surface, les bilans sont complètement modifiés avec naturellement une augmentation importante de l’évaporation. En conclusion, il reste beaucoup de points à préciser sur les chantiers de terrassements pour déterminer les variations de teneurs en eau des couches de surface en fonction des conditions atmosphériques et de l’état de surface des terrains eux-mêmes.

4. Le soleil est un allié puissant mais toujours superficiel et souvent inconstant.

Nous avons fait de nombreuses mesures d’évaporation sur des planches d’essai plus ou moins profondes comportant des matériaux plus ou moins grenus. Les mesures ainsi faites aient pour but de comparer la perte d’eau mesurées à l’évaporomètre et les variations de teneur en eau des terrains eux-mêmes qui est toujours plus réduite. En surface même, l’effet du soleil est rapide : la craie saturée d’eau commence par perdre 1 à 2 % de teneur en eau par heure, qu’elle soit sous la forme de blocs de plusieurs kg ou d’éléments très fins. Mais si l’on opère avec des échantillons massifs de 10 à 20 cm d’épaisseur, on constate d’une part que la perte d’eau totale ne varie guère en fonction de l’épaisseur, c’est-à-dire qu’elle n’intéresse vraiment que les 10 cm superficiels, et que d’autre part, sur ceux-ci la diminution de teneur en eau par évaporation ne dépasse guère 1 à 2 % par journée ensoleillée. Des résultats analogues sont d’ailleurs observés que l’on opère sur des matériaux compactés ou non. A l’occasion de mesures faites pendant tout l’été on a pu constater que pour des matériaux graveleux la teneur en eau avait toujours été comprise en surface entre 1 et 5 % et à 30 cm de profondeur entre 3 et 7 % ; au contraire pour des matériaux argileux la teneur en eau avait varié en surface entre 8 et 26 %, et à 30 cm de profondeur entre 16 et 24 % seulement. L’action du soleil est donc importante en surface c’est-à-dire notamment pour tous les problèmes de circulation sur les chantiers, mais en revanche pour la plupart des matériaux elle est insensible en profondeur et il ne faut pas compter la plupart du temps pouvoir mettre en œuvre ces matériaux à une teneur en eau différente de leur teneur en eau naturelle qui est généralement voisine de la limite de plasticité. Les sols les plus défavorables sont évidemment les limons pour lesquels la limite de liquidité est voisine de la limite de plasticité, et qui ont couramment une teneur en eau intermédiaire entre les deux avec une consistance presque liquide. Les argiles fortes au contraire ont une teneur en eau qui ne s’écarte guère de la limite de plasticité et ainsi une consistance presque solide.

5. Le gel aussi est un allié s’il n’est pas trop puissant.

Les difficultés des chantiers de terrassement sont en effet en majorité des difficultés de surface ; un gel léger qui solidifie la boue et les terrains détrempés permet de travailler parfois utilement pendant des saisons défavorables. C’est ainsi que des terrassements non négligeables ont pu être exécutés en janvier 1966 sur l’autoroute Nemours-Auxerre dans des terrains gelés en surface et même légèrement enneigés. Un autre avantage accessoire des périodes de temps froid est de faciliter la détection de toutes les arrivées d’eaux souterraines dans les talus de déblai et les plates-formes de terrassement ; si le débit de ces sources est très faible elles sont difficiles à découvrir, surtout en période pluvieuse où l’ensemble des terrains est saturé. Au contraire l’accumulation de la glace qui se forme à l’émergence de ces filets d’eau en période de gel les fait remarquer immédiatement et facilite ainsi les dispositions à prendre pour la mise en place d’ouvrages complémentaires de drainage.

6. La roche n’est un problème pour le terrassier que si elle est mélangée.

Il existe en effet des techniques parfaitement au point et bien connues des spécialistes pour exécuter des les meilleures conditions économiques et avec des engins appropriés des terrassements dans les diverses sortes de roches. S’il s’agit de bancs homogènes on peut déterminer très précisément, en faisant s’il y a lieu quelques essais préliminaires sur place, la durée et le coût de l’exécution de ces travaux : c’est ainsi que pour le déblaiement de la platière de grès dans la traversée du massif de Fontainebleau par l’autoroute Paris-Lyon, malgré la nature extrêmement compacte et abrasive de ces matériaux, il a été facile de mettre rapidement au point la technique appropriée de perforation et de débitage : on peut déterminer ainsi le type de fleuret le plus convenable pour une perforation rapide ainsi que le type et la quantité d’explosifs nécessaire par mètre cube de rocher. Paradoxalement un des points les plus difficiles pour ce genre de travaux, lorsqu’il ne s’agit pas de roche en bancs réguliers, est de déterminer exactement les cubes donnant droit à l’application des prix de terrassement correspondants ; on est ainsi conduit parfois à installer des bascules pour peser les engins de transports qui évacuent ces déblais. Lorsqu’il s’agit de chantier exceptionnellement importants, la mise en œuvre de moyens aussi exceptionnels permet également de résoudre ces problèmes : sur tel chantier américain par exemple, avec une seule pelle de 6 m3, on a pu ainsi exécuter en 10 mois un terrassement de 600 000 m3 dans le granit compact : précédé des dispositifs de minage appropriés, cette pelle travaillait 20 heures par jour et chargeait 3 tombereaux de 27 t avec une production horaire atteignant 200 m3. Il convient donc essentiellement pour le rocher d’appliquer la 2è règle de la méthode de Descartes c’est-à-dire de « diviser les difficultés en autant de parcelles qu’il se pourrait ». le problème n’a pas de solution satisfaisante si cette division n’est pas possible c’est-à-dire dans le cas où la roche est mélangée de façon hétérogène avec d’autres terrains ayant des caractéristiques complètement différentes. Un exemple particulièrement typique à ce sujet est donné par les terrassements dans les calcaires de Brie de la région parisienne, au-dessus du banc d’argile verte. Ce calcaires de Brie comporte des matériaux tendres et même argileux avec des rognons ou des bancs énormes de matériaux entièrement siliceux sous forme de meulière poreuse ou compacte ; tous ces rochers reposent en outre sur ce banc d’argile verte parfaitement imperméable d’où il résulte que tous ces terrassements s’effectuent dans l’eau et sur un sols inconsistant. Il est impossible d’évaluer précisément à l’avance, et même de cuber a posteriori, les massifs de meulière rencontrés et l’exécution de tels travaux, qui ne relèvent pas de méthodes industrielles bien organisées, ne peut laisser que de mauvais souvenirs à ceux qui ont eu à les connaître.

7. Le mètre cube n’est pas l’unité de terrassement, c’est le mètre cube × kilomètre.

Il faut reconnaître que les entreprises et même les ingénieurs ont l’habitude de caractériser l’importance de leurs chantiers en parlant toujours de millions de mètres cubes alors que l’essentiel du travail est de déplacer les m3 en question. Encore ne faut-il pas commettre l’erreur plus ou moins volontaire d’additionner les m3 de déblais et de remblais car il s’agit bien toujours des mêmes matériaux ! Il faut également parler de m3 en place et non de m3 foisonnés, bien que pour l’entrepreneur ce soient finalement des m3 foisonnés qu’il ait à transporter, ce qui détermine la capacité de ses engins. Quoi qu’il en soit, il est beaucoup plus facile de déterminer les m3 de déblais d’un chantier que les m3 × km correspondant réellement aux travaux, et donc il est à craindre que l’on parle encore le plus souvent de m3 pour suivre la bonne marche d’un chantier. Il est cependant souhaitable de pouvoir faire chaque mois le bilan des m3 × km réellement exécutés par rapport au travail total qu’il y a à faire, d’autant plus que la tendance humaine est toujours de commencer par les travaux les plus faciles, c’est-à-dire normalement par les m3 dont la distance de transport doit être la moins grande. Pour être parfaitement exact, il ne suffit pas d’ailleurs de parler de m3 × km pour définir un travail mais il faut encore tenir compte des rampes à franchir pendant le transport, c’est-à-dire de la dénivellation totale à faire subir à ces m3. peut-être les méthodes modernes de calcul permettront-elles un jour de parler de la sorte mais il semble impossible pour le moment d’introduire systématiquement ce facteur complémentaire qui complique aussi bien l’étude des projets que la surveillance et le règlement des travaux.

8. Date plutôt que délai : la fortune est à ceux qui commencent leur campagne de bonne heure.

Si les intempéries ne sont pas en général un facteur qui puisse empêcher totalement l’exécution des travaux de terrassement, il faut reconnaître qu’avec la plupart de nos terrains et des engins de nos entreprises, les travaux exécutés dans de mauvaises conditions deviennent infiniment plus difficiles et onéreux. C’est pourquoi l’organisation des chantiers doit tenir compte essentiellement des saisons favorables, d’est-à-dire de celles ou l’ensoleillement et l’évaporation permettent de travailler et de circuler longuement sur les chantiers dans les meilleures conditions. Il est donc tout à fait anormal que, par suite de la procédure administrative qui doit les précéder, la plupart des marchés de terrassements soient dressés avec l’indication d’un délai au lieu d’une date, c’est-à-dire sans que l’entrepreneur puisse savoir dans quelles conditions climatiques exactes il devra travailler. Cette incertitude est évidemment encore accrue lorsque les consultations sont faites alors que l’administration elle-même n’a pas la libre disposition de tous les terrains et ne sais pas exactement à quelle date elle pourra en disposer. Si ce point ne pas l’objet de discussions et de réclamations plus importantes, c’est parce qu’à cette incertitude initiale s’ajoute toujours l’incertitude encore plus grande du temps qu’il fera pendant la période des travaux, même si celle-ci est bien connue. C’est un des inconvénients du climat océanique, qui possède heureusement par ailleurs quelques avantages ; cependant il nous semble que sans attendre des progrès encore incertains dans l’amélioration des prévisions météorologiques, il conviendrait impérativement de supprimer au moins l’incertitude qui ne dépend que de l’administration pour permettre aux entreprises de faire leur offre dans les meilleures conditions.

9. Le voisin d’un chantier de terrassement est à plaindre surtout s’il n’est pas touché directement par les travaux.

Ceci est vrai pour les voisins de n’importe quel chantier de travaux publics ou de bâtiments. Il y a même une disproportion flagrante entre les inconvénients d’un tel voisinage en zone d’habitation, qui peuvent rendre la vie impossible pendant un ou deux ans sans aucun droit à indemnité et, au contraire, les diverses indemnités pour trouble de jouissance ou d’exploitation qui peuvent être attribuées pour des travaux en zone agricole.

Cependant, pour qu’une telle indemnisation soit possible, il faut essentiellement que les intéressés soient directement touchés par les travaux, c'est-à-dire soit par les expropriations, soit par les occupations temporaires entraînées par ces travaux. au titre des indemnités pour l’acquisition ou l’occupation temporaire de leurs terrains, les propriétaires ou exploitants font valoir tous les préjudices ou dépréciations causés à leur biens par l’existence du chantier et les ouvrages définitifs qui seront réalisés. Au contraire, le simple voisin qui n’a pas la chance d’avoir quelques mètres carrés touchés par les travaux ne peut qu’en supporter toute la gêne sans aucune compensation. En dehors du bruit, de la poussière, des explosions, etc., cette gêne est principalement constituée par toutes les détériorations provisoires ou définitives subies par les diverses voies publiques de la région et dont il faut bien s’accomoder au moins pendant la durée du chantier.

Les habitants d’un hameau ou d’un village situé en bordure d’un itinéraire de transport de matériaux d’emprunt par exemple sont bien à plaindre, puisqu’ils devroint vivre pendant de longs mois dans le bruit, la poussière, les vibrations et la boue.

Comme dans les problèmes plus permanents d’urbanisme il est souhaitable de tenir compte de l’environnement pour organiser un chantier et notamment ses itinéraires d’approvisionnement.

ÉTUDE DU PROJET

10. Un projet de terrassement s’étudie avec des bottes.

Cela signifie qu’il convient évidemment d’aller sur le terrain pour faire une telle étude, et même d’y aller souvent et donc obligatoirement avec parfois des conditions atmosphériques défavorables. Une première difficulté du projet sera ainsi appréciée par les difficultés de circulation avant l’ouverture des travaux car les pneumatiques des engins de terrassements s’accommodent aussi mal de la boue et des mauvais terrains que les chaussures d’un observateurs à pied. Si exceptionnellement aucun difficulté n’est rencontrée à l’occasion de ces reconnaissances, c’est parce qu’il s’agit sans doute de terrains extrêmement favorables et d’un travail très facile : dans ces conditions il serait inutile de lire la plupart de ce qui suit.

11. Question-clé d’un étude de terrassement : peut-on disposer sur place de matériaux pratiquement insensibles à l’eau ?

Sur place, c’est-à-dire à portée de scrapers ou dans le rayon d’action des engins normalement utilisés dans les limites du chantier.

Quant aux matériaux pratiquement insensibles à l’eau, il s’agit par exemple de roche tendre calcaire, de sable fin suffisamment maigre, ou a fortiori de bonnes graves naturelles. Si de tels matériaux existent dans la zone du chantier, il faut prévoir leur emploi intensif pour constituer au minimum la couche de forme générale de la plateforme des terrassements. Si de tels matériaux n’existent pas en surface, il ne faut pas renoncer à les chercher à une certaine profondeur, surtout si les terrains de découverte de moins bonne qualité sont néanmoins utilisables pour la constitution des remblais ordinaires.

Si au contraire il n’existe pas de tels terrains dans la région, une difficile option est à prendre l se contentera-t-on des médiocres matériaux locaux avec tous les aléas correspondants pour l’exécution des travaux en fonction des conditions atmosphériques ou au contraire adoptera-t-on systématiquement des méthodes de stabilisation ou des apports de matériaux éloignés pour réduire les aléas du chantier ?

Dans les cas intermédiaires où le tracé de l’autoroute traverse un peu plus loin des terrains favorables, il peut être judicieux de choisir les limites des lots de terrassements de façon que chaque chantier puisse disposer dans ses limites d’un gisement de matériaux convenables.

Quoi qu’il en soit si les bons matériaux n’abondent pas dans la région considérée, le problème du choix des meilleurs emprunts reste l’un des plus délicats ; même en 1966 avec des projets bien étudiés, d’importantes modifications des prévisions se sont produites à l’exécution et c’est pourquoi tout un chapitre ultérieur est consacré à cette question.

12. La détermination précise du profil en long est une option très importante, qui échappe le plus souvent aux échelons élevés de la hiérarchie.

Il faut en effet être un fin spécialiste pour s’y reconnaître à un mètre près parmi les multiples lignes qui caractérisent le profil en long des divers éléments du projet ou même du terrain existant : on trouve ainsi sur les dessins le profil en long de l’axe théorique du projet qui ne correspond à rien de matériel, celui du bord intérieur d’une chaussée terminée qui n’a évidemment que des rapports lointains avec la plateforme des terrassements, celui du bord extérieur d’une chaussée ou d’une plateforme terminée qui est soumis en outre à l’incidence des dévers sur le profil en travers de la plateforme, celui de la plateforme elle-même des terrassements mais qui peut concerner soit la surface supérieur, soit la surface inférieure de la couche de forme. Le terrain naturel lui-même peut être représenté soit avec sa surface approximative réelle, soit après décapage de la terre végétale, soit après élimination des terrains qui ne sont admissibles ni sous un remblai ni même sous une plateforme de déblai.

Il s’agit donc là d’un ensemble d’éléments complexes que l’œil discerne mal et que l’on ne peut vraiment apprécier qu’en considérant des profils en travers complètement dessinés. D’autre part, la détermination géométrique du profil en long doit être impérativement liée à l’étude géotechnique complète si l’on veut que le profil retenu corresponde bien au meilleur emploi des déblais et des remblais. Il ne faut pas perdre de vue qu’un simple décalage d’un mètre sur le profil en long de l’autoroute, qui est inappréciable sur tous les documents à petite échelle, correspond facilement à une variation d’au moins 50 000 m3 de terrassements par kilomètre avec la même incidence sur la dépense.

D’autre part, on ne peut guère revenir ultérieurement sur le profil en long adopté dès le départ puisqu’il fixe une fois pour toutes les cotes précises des ouvrages d’art ainsi que les limites d’emprise pour lesquelles on dispose cependant d’un peut plus de souplesse.

C’est donc une grave responsabilité pour le projeteur que de fixer ce profil en long du projet puisque tout le projet en découle ; mais d’autre part, il ne peut correspondre à la solution la plus économique que s’il tient compte de tout le mouvement des terres, des emprunts et des dépôts qui devrait être réglé au préalable.

13. Le profil en long doit permettre avant tout la meilleure circulation sur l’autoroute, mais aussi sa construction la plus facile.

L’étude du profil en long du projet consiste bien entendu à modifier le profil en long du terrain pour permettre une circulation convenable des diverses catégories d’usagers. Ceci proscrit les rampes importantes et les pentes correspondantes, puisque d’une manière générale les chaussées correspondant aux deux sens de circulation sont étroitement liées. Mais une horizontale parfaite n’est pas non plus la meilleure solution car elle n’est pas favorable à l’écoulement des eaux de pluie sur les chaussées et elle engendrerait d’autre part une indiscutable monotonie.

Cependant il est bien certain que cette considération ne fixe que des limites et ne suffit donc pas pour le choix du profil en long du projet : celui-ci résulte alors plus précisément d’une étude géotechnique permettant de réduire au minimum les déblais en mauvais terrain et au contraire de prévoir le maximum de déblais en bon terrain pour fournir, si cela est possible, tous les remblais du projet.

Une dernière considération à ne pas perdre de vue est celle de la facilité d’exécution des travaux si l’on ne se trouve pas dans des terrains excellents, pour des raisons qui sont aussi essentiellement hydrauliques : sur un chantier de terrassement les points bas sont généralement impraticables à la moindre pluie et les points hauts le sont presque autant, étant donné les très grands rayons qu’on est conduit à leur donner, ce qui les rend excessivement plats. Seules les sections en pente suffisante s’assainissent toutes seules très rapidement et permettent ainsi de supporter sans gêne la plupart des précipitations.

En conclusion, il faut toujours chercher un compromis entre le mouvement des terres, les facilités d’exécution et le bilan final de l’usager. Des rampes de 1 à 2% même longues peuvent être facilement acceptables pour la circulation tout en rompant la monotonie d’un tracé trop horizontal. Si les facilités d’exécution du chantier ne sont qu’un élément très secondaire du choix à faire pour le profil en long, il ne faut cependant pas les oublier, mais en tenir compte pour prévoir aux points bas et dans toutes les zones plates les dispositifs nécessaires, tels que pistes de chantier et ouvrages provisoires d’évacuation des eaux.

14. Drainage – le seul danger des eaux pluviales est leur concentration.

Les dispositifs réalisés pour l’évacuation des eaux pluviales d’une plate-forme autoroutière s’avèrent en général extrêmement surabondants. Lorsque les circonstances locales permettent la réalisation de vastes surfaces engazonnées, il est certain que l’on peut compter beaucoup sur l’écoulement superficiel et réduire au minimum les ouvrages d’évacuation souterrains dont la rentabilité ne serait guère démontrée.

Seules les pentes importantes posent des problèmes pour le drainage des eaux superficielles car, d’une part, elles provoquent des phénomènes importants d’érosion et, d’autre part, la rapidité de l’écoulement conduit à des débits et à des concentrations pouvant entraîner la submersion des chaussées et même la ruine des ouvrages.

Dans le calcul d’un dispositif de drainage tout dépend de l’hypothèse faite sur l’intensité, l’étendue et la durée de la précipitation. Les formules couramment admises prévoient que l’intensité de la pluie est inversement proportionnelle à sa durée. On calcule ainsi que dans le cas de pentes longitudinales très faibles, compte-tenu du temps de concentration entre regards, une canalisation de diamètre 60 cm ( ?) pourrait évacuer indéfiniment les eaux tombant sur un grand terre-plein central d’autoroute de longueur illimitée(ceci ne serait mis en défaut que dans le cas où la pluie se déplacerait le long du terre-plein central avec la vitesse de l’écoulement de l’eau dans le tuyau). D’ailleurs, même si les ouvrages d’évacuation souterrains étaient insuffisants, il n’en résulterait qu’une certaine accumulation d’eau temporaire et sans inconvénient dans le terre-plein central ou dans les cunettes latérales de l’autoroute. Tout change dès que la pente augmente et entraîne un rapide écoulement des eaux : lorsque l’on approche d’un point bas du profil en long avec diminution de la pente, risque d’ensablement, etc., toutes les précautions possibles sont à prendre pour améliorer l’évacuation en multipliant les regards d’absorption et en prévoyant des ouvrages transversaux d’évacuation très largement dimensionnés.

En dehors de la plate-forme elle-même, on a souvent intérêt à créer des bassins d’orage pour recueillir la totalité des eaux pluviales provenant de certaines sections de l’autoroute, ou simplement pour écrêter les pointes et réduire ainsi les dimensions de l’émissaire. On peut utiliser ces mêmes bassins d’orage pour recueillir les eaux venant des fonds supérieurs et réduire ainsi les caractéristiques d’un aqueduc traversant l’autoroute. A la limite, dans le cas d’un faible bassin versant et d’un terrain assez absorbant on peut même supprimer totalement l’aqueduc transversal, toujours très difficile à entretenir s’il est de petite dimension : il peut être en effet beaucoup plus économique d’acquérir un excédent d’emprise pour l’accumulation et l’absorption des eaux que de construire un tel aqueduc.

15. L’implantation des ouvrages de franchissement peut et doit se faire en général à l’écart du tracé des voies existantes.

Ces ouvrages sont évidemment un facteur important du profil en long et il est souhaitable de disposer d’une certaine souplesse pour la fixation définitive de leur cote. D’autre part, en s’écartant du tracé des voies en service, on peut souvent améliorer celui-ci et réduire le biais de l’ouvrage à construire, on évite toute gêne aux usagers pendant les travaux, et surtout on économise des déviations provisoires qui doivent être souvent très longues et très onéreuses surtout dans le cas des passages supérieurs. C’est seulement dans le cas très rare où le tracé existant de la voie est sensiblement rectiligne et perpendiculaire à l’autoroute que l’on ne dispose pas d’une grande marge pour le changer.

Enfin, au point de vue du terrassier, les passages inférieurs constituent des points beaucoup plus durs que les passages supérieurs et ils sont directement liés aux problèmes d’hydraulique évoqués dans les deux articles précédents.

16. Le profil en travers doit faire la synthèse de la géotechnique, du paysage et du parcellaire.

C’est la géotechnique qui doit fixer la pente d’équilibre des talus ; c’est elle également qui permet de déterminer les surlargeurs d’emprise souhaitable pour prélever au maximum les bons matériaux disponibles sur le tracé de l’autoroute. C’est l’aménagement du paysage qui peut conduire dans certains cas à modifier les impératifs de la géotechnique et donc les limites d’emprise. Enfin, c’est la considération du parcellaire existant qui peut conduire à choisir le tracé et les dimensions optimales de l’autoroute pour son intégration dans la vie du pays qu’elle traverse. Comme la géotechnique, ceci doit servir au choix des surlargeurs d’emprise pour déterminer les meilleurs emplacements d’emprunts ou de dépôts de matériaux. Bien entendu on tiendra compte de ces extensions du projet pour l’implantation des multiples installations annexes qui se révèleront indispensables en bordure de l’autoroute. On dispose en général de peu de liberté pour le profil en travers de la plate-forme de l’autoroute elle-même qui doit être conforme à un des types normalisés. Dans certains cas, on peut être conduit à décaler le profil en long des deux chaussées pour mieux s’adapter au terrain, réduire les terrassements et améliorer les points de vue. Il est beaucoup plus exceptionnel que l’on puisse séparer complètement les deux chaussées malgré tout l’intérêt que cela présente au point de vue de la circulation, à cause de la perte économique que représentent les terrains enclavés entre les deux chaussées. C’est pour cette raison qu’en Allemagne même on n’a retenu jusqu’à maintenant qu’un terre-plein central étroit, ce qui réduit au minimum la perte des terrains agricoles. On ne saurait donc retenir cette séparation complète des chaussées que dans le cas de terrains incultes ou peu cultivés, ou convenablement desservis par les ouvrages d’art nécessaires pour le rétablissement des voies de communications, car le coût d’un ouvrage d’art supplémentaire est le plus souvent hors de proportions avec la valeur des terrains qu’il permettrait de desservir.

17. Le C.P.S. d’un marché de terrassement est aussi important que les dessins du projet.

C'est un cas assez exceptionnel dans les travaux publics où les dessins du projet renseignent en général parfaitement sur la nature et le mode d'exécution des travaux.

Au contraire dans le domaine des terrassements, l'eau et le temps sont deux éléments de base essentiels qui n'apparaissent évidemment pas sur les plans ; autrement dit, la façon d'exécuter les travaux est aussi importante que leur consistance : il s'agit vraiment d'un ouvrage d'art.

C'est pourquoi le C.P.S. doit donner toutes les indications utiles pour permettre à l'entrepreneur d'apprécier convenablement les difficultés plus ou moins grandes de l'entreprise, avec tous les renseignements nécessaires d'ordre géologique, hydrologique, météorologique, etc., sans oublier toutes les dates auxquelles certains ouvrages seront remis et d'autres devront être remis. IL semble inutile de préciser que tout cela a une importance énorme sur l'organisation du chantier et donc sur les dépenses et les règlements correspondants.

En lui ayant donné tous les renseignements nécessaires pour son étude, il semble cependant souhaitable de laisser l'entrepreneur, en fonction de ses moyens et de ses idées, organiser complètement son chantier. C'est d'ailleurs ce que reconnaît le commentaire du C.P.S. type "Le plan du mouvement des terres réalisé à l'exécution sera la plupart du temps différent de celui étudié au départ par les maîtres d’œuvre". Cependant le même texte prescrit que le projet du mouvement des terres établi par l'administration sera versé au bordereau B du dossier d'appel d'offres pour faciliter éventuellement l'établissement des offres. Une telle attitude semble très dangereuse car devant la complexité et les aléas du problème, l'entrepreneur doit avoir toujours la liberté de s'adapter aux conditions du chantier, et la publication d'un tel plan de mouvement des terres ne peut être que la cause de contestations ultérieures.

18. Le G.E.P. est concerné par tout projet de terrassements routiers.

(G.E.P. Groupe d’Étude et de Programmation)

DÉBLAIS ET REMBLAIS

19. Il est très difficile de sauver dans les emprises un arbre des griffes du terrassiers.

Le premier soin d’une entreprise qui prend possession des emprises est en effet de procéder à l’abattage des arbres sur la totalité des terrains mis à sa disposition et même quelquefois au peu au-delà. Cela est parfaitement justifié pour tout ce qui doit constituer la future plate-forme et les talus de l’autoroute. En revanche, cela devient beaucoup plus délicat sur les bords des emprises pour l’environnement de l’autoroute, et même extrêmement grave à l’emplacement des futures aires de stationnement et installations annexes. Un exemple récent a montré encore que l’irréparable est très vite accompli et que lors de sa première venue sur le chantier, l’ingénieur n’aperçoit plus qu’une table rase même dans les zones où les arbres auraient dû être respectés. Seule la génération suivante pourra alors profiter après replantation de l’agrément des lieux qui existait naturellement. Bref, dans toutes ces zones, les arbres qui devraient être sacrés sont le plus souvent massacrés.

20. Il n’y a pas d’arbre sans souche, mais il y a des souches sans arbres.

Les textes parlent le plus souvent de l’arrachage des arbres, alors que généralement on abat les arbres et on arrache les souches. En fait, il serait plus rationnel de procéder en une seule opération, l’abattage de l’arbre pouvant entraîner simultanément l’arrachage de ses racines, mais comme on laisse les propriétaires exploiter leurs bois avant d’en prendre possession, ils sont naturellement portés à couper les arbres et à laisser les souches. De toute façon il y a toujours les anciennes souches dans un terrain boisé, qui peuvent représenter une densité très importante à l’hectare. Si avec certains arbres et dans certains terrains, notamment dans les terrains sableux, l’arrachage des souches ne pose aucun problème, au contraire des difficultés très grandes peuvent se présenter avec les arbres qui comportent des souches énormes profondément imbriquées dans un terrain argileux et rocheux. Il est très prudent dans circonstances de s’y prendre longtemps avant les terrassements proprement dits pour procéder au dessouchage. On profite souvent dans ce but du gel pendant les mois d’hiver, qui rend possible l’accès des terrains, mais au printemps après le dessouchage on se trouve en présence d’un véritable champ de bataille pratiquement inaccessible. Ces travaux ont un autre lien direct avec les travaux de terrassement proprement dits : c’est l’emploi des vieux pneumatiques des chantiers que l’on fait brûler pour permettre aux vieilles souches de se consumer sur place. (Remarque du webmestre : cette pratique est aujourd’hui impossible : le bois est un déchet et doit faire l’objet d’un recyclage sur une plate-forme dédiée à cet effet. Le brûlage du bois et à plus forte raison de pneu est strictement interdit)

21. Le motor-scraper est l’engin par excellence pour les terrassements routiers en terrain meuble.

(Motor-scraper ou décapeuse en français.)

22. A déblais dans l’eau, déblais latéraux.

S’il s’agit d’effectuer un déblai qui doit rester constamment immergés, dans une vallée tourbeuse par exemple, avant de le remblayer avec des matériaux convenables, il convient évidemment d’employer les moyens propres des travaux hydrauliques, c’est-à-dire de procéder soit avec des équipements de dragline, soit avec un véritable engin flottant. Un cas plus courant est celui où les déblais rencontrent des nappes souterraines plus ou moins importantes, mais dont il est possible d’assurer un écoulement complet vers l’aval pour assécher la plate-forme. C’est dans cette hypothèse que la solution des déblais latéraux (rq du webmestre : ou également fossés profonds) s’impose et les terrassements sont conduits sur les deux bords de l’emprise future avec une largeur suffisante en crête pour parvenir en fond de fouille à la profondeur désirée pour la plate-forme. On peut même souvent profiter de cette opération pour taluter convenablement les talus latéraux définitifs qui ne demanderont plus de réglage ultérieurs. Une fois que le massif central du déblai est convenablement isolé et suffisamment desséché, on, procédera à son enlèvement dans les conditions les plus économiques avec les moyens ordinaires de terrassement.

23. La roche franche est le terrain le plus sûr à déblayer.

A condition d’avoir fait une reconnaissance suffisante du massif rocheux, on doit pouvoir déterminer à l’avancement les moyens convenables qui devront être mis en œuvre pour son enlèvement.

En dehors des carottages et surtout des sondages en vrai grandeur qui permettent seuls de se rendre compte parfaitement de la consistance du rocher, la méthode sismique a été largement développée pour apprécier les possibilités d’exécution de ces terrassements. Il y a quelques années certaines spécifications américaines pour les déblais ordinaires dans le rocher s’exprimaient ainsi : si d’après la méthode sismique la célérité dans la roche est supérieur à 1350 mètres par seconde (m/s), on la considère comme non rippable et comme nécessitant l’emploi de l’explosif avant le déblaiement ; le maître d’œuvre et l’entrepreneur doivent alors se mettre d’accord sur les conditions d’utilisation des explosifs qui permettront une fragmentation convenable de la roche. Lors de la construction de l’autoroute Paris-Lyon dans les calcaires jurassiques des plateaux de l’Yonne, on a constaté que le rippage était toujours possible avec un tracteur du type D8 pour les célérités inférieures à 1200 m/s, et qu’il était toujours impossible pour les célérités supérieures à 1800m/s. Cependant, comme des essais ultérieurs l’on confirmé dans le calcaire sinémurien, la difficulté du rippage provient essentiellement de l’épaisseur plus ou moins important des bancs rocheux, le travail étant facile pour les bancs de 10 à 20 cm et très difficile au-delà de 30 cm.

Le cahier-type des prescriptions spéciales pour les terrassements généraux considère deux catégories de déblais dans le rocher :

  • sont considérés comme déblais en rocher non compact ceux qui peuvent être extrais au moyen d’un ripper à une dent avec un tracteur de 350 CV au plus ;
  • sont considérés comme déblais en rocher compact ceux qui ne peuvent être extraits avec cet équipement.

C’est effectivement là une classification possible, mais il est bien évident que les divers procédés utilisables sont heureusement beaucoup plus variés : l’explosif lui-même peut être employé de façon plus ou moins intense pour disloquer les terrains et faciliter l’emploi de divers types d’engins. D’autre part, dès que le banc rocheux atteint une certaine épaisseur, ce sont généralement les pelles mécaniques de grande capacité et non les tracteurs qui interviennent pour effectuer le déblai, etc. quant aux rippers eux-mêmes il en existe de nombreux types très différents et plus ou moins perfectionnés, certains d’entre eux notamment comportant des blocs de caoutchouc pouvant donner un mouvement pulsatoire très efficace à leurs dents.

Un élément nouveau très important est d’ailleurs constitué par les dernières expériences américaines concernant l’emploi de plusieurs tracteurs pour effectuer le rippage : il résulte de ces expériences qu’il est toujours plus économique d’employer deux tracteurs, l’un poussant l’autre, pour effectuer un rippage, que ces deux tracteurs travaillant séparément : alors qu’un seul tracteur pourrait ripper 3 à 500 m3/h, les deux tracteurs ensemble pourraient en ripper 1300 à 1500 m3. cette méthode permettrait ainsi de déplacer le seuil de rippabilité des terrains rocheux qui pourrait atteindre maintenant dans des conditions économiques 2 à 3000 m/s. il convient évidemment de ne pas s’opposer sur les chantier à l’adoption de ces techniques nouvelles par des clauses qui ne permettraient pas de les rémunérer convenablement, mais au contraire l’essentiel est de donner tous les renseignements nécessaires aux entreprises pour qu’elles puissent préparer en pleine connaissance de cause l’organisation de leurs travaux.

24. Le foisonnement ne concerne pas l’administration.

Ceci veut dire que dans les cubes de déblais comme dans les cubes de remblais, le foisonnement n’apparaît pas et n’intervient pas dans le règlement des travaux, étant donné que le compactage des remblais doit leur donner une compacité au moins égale à celle qu’ils avaient à l’état naturel. Cependant, l’essentiel du travail du terrassier est de transporter des déblais en remblais d’un point à l’autre du chantier et ce transport concerne des matériaux foisonnés pour lesquels on se trouve toujours limité par la capacité volumique des engins de transport. Dans l’organisation de son chantier et dans la consistance de ses ateliers de terrassement, l’entrepreneur doit donc tenir compte du foisonnement pour utiliser au mieux son parc à matériel.

On sait par exemple que le foisonnement est particulièrement faible pour les sables et les sables fins, avec lesquels il est de l’ordre de 10 à 20 % ; dans les rochers au contraire il peut atteindre 90 ou même 98 % et dans certains argileux on observe parfois des foisonnements aussi énormes, lorsque ces matériaux sont découpés en lamelles qui s’enroulent véritablement dans les bennes des scrapers. On comprend dans ces conditions qu’il est particulièrement intéressant d’avoir des engins qui assurent la meilleure mise en place des déblais dans leurs bennes : c’est le cas par exemple des scrapeurs à action positive et aussi des scrapers auto-chargeurs qui peuvent émietter convenablement des matériaux qui resteraient sans cela en mottes très irrégulières avec d’énormes vides.

Cependant, avec ces divers procédés, on n’en est pas encore arrivé à exécuter un véritable compactage des déblais dans la benne des engins de transport, et il semble convenable d’appliquer toujours la règle pratique usuelle d’après laquelle le cube à ras d’un scraper est sensiblement égal au cube en place des déblais qu’il transporte, le foisonnement étant compensé par le dôme qui se forme au-dessus de la benne.

25. Pour qu’un terrain meuble soit utilisable en remblai, il suffit que sa compacité s’améliore sous l’effet des engins de terrassement du chantier.

26. Compacter un remblai avec les engins de terrassement n’est pas une hérésie technique, mais c’est une hérésie économique.

EMPRUNTS ET DÉPÔTS

27. Les emprunts les mieux situés sont aux points hauts et les dépôts aux points bas pour profiter de la pesanteur.

28. On peut souvent adapter le profil en long d’un projet pour augmenter le cube de bons déblais disponibles ; on peut toujours élargir la plate-forme de déblai pour y parvenir.

ce que nous venons d’exposer ci-dessus pour les emprunts en général s’applique particulièrement dans le cas où les bons matériaux pour remblais se rencontrent sur le tracé même de l’autoroute. Le premier devoir du projeteur est d’adapter dans ce cas le profil en long pour se procurer ainsi tous les déblais nécessaires compte-tenu des autres données du problème. Ceci n’est malheureusement pas applicable lorsque le tracé se trouve sur un plateau rigoureusement plat, car il n’est guère alors possible de créer de faux points bas pour le profil en long, qui ne permettraient pas notamment l’évacuation des eaux. Comme nous l’avons déjà répété, cette étude du profil en long doit être faite très précisément dans la première phase de l’étude globale du projet. Il n’est guère possible par la suite de modifier le profil en long, soit pendant la mise au point du projet, soit a fortiori pendant l’exécution des travaux. Exceptionnellement ce dernier cas peut cependant se rencontrer sur de courtes sections en l’absence d’ouvrage d’art : c’est ainsi que le profil en long de la branche d’Orléans de l’autoroute du Sud de Paris a été abaissé de plusieurs mètres en cours d’exécution pour profiter davantage des déblais sableux que l’on rencontrait ; dans la même région d’ailleurs le profil en long de la branche principale de l’autoroute du Sud a été modifié en cours d’exécution de plusieurs mètres sur plusieurs kilomètres pour tenir compte des derniers projets d’extension de l’aéroport d’Orly étudiés à la même époque. Pour que ces acrobaties soient possibles, encore faut-il disposer des emprises suffisantes ; sinon l’on est conduit à revenir péniblement exproprier les bandes supplémentaires de terrains nécessaires. La surlargeur d’emprise présente d’ailleurs tellement d’avantages dans tous les domaines qu’elle peut être adoptée systématiquement en zone rurale, quitte à rétrocéder ultérieurement les terrains excédentaires. Cette surlargeur d’emprise doit notamment être prévue dans les sections en déblai en bon terrain pour disposer ainsi d’une réserve remarquablement bien située de matériaux utilisables en remblai. L’exécution des déblais dans ces zones doit se faire en commençant en limite d’emprises avec des talus de déblai de pente maximale. Si l’on a finalement besoin de tous les matériaux disponibles pour l’exécution des remblais, on poursuivra ces déblais dans les mêmes conditions jusqu’au fond de la plate-forme ; si au contraire il apparaît inutile d’utiliser le cube total, on réduira progressivement la pente de ces talus de déblai pour rattraper dans les meilleures conditions la plate-forme proprement dite de l’autoroute avec son profil en long imposé. Lorsque l’on se trouve sur un terrain très plat cette méthode peut d’ailleurs se généraliser à toute la longueur du tracé, en exécutant des déblais latéraux en tranchées qui servent à constituer entre la plate-forme en remblai : on réalise ainsi les terrassements les plus économiques puisqu’ils se font tous dans le profil, c’est-à-dire avec la distance de transport minimale. Cette méthode a été largement utilisée lors de la construction des chemins de fer dans les vallées, par exemple pour la ligne Paris-Lyon dans la vallée de l’Yonne : les chambres d’emprunts qui ont servi à constituer le remblai de la voie ferrée s’étendent généralement tout le long de celui-ci. Il en résulte assez souvent des zones marécageuses d’un aspect peu agréable qui seraient encore moins admissibles en bordure d’une route : elles le seraient d’autant moins, qu’à l’inverse de la voie ferrée la route constitue un accès direct à ces lieux d’emprunts, qui seraient ainsi rapidement transformés en décharges de toute nature particulièrement inesthétiques. Cependant ce risque ne se présent pas en bordure d’autoroutes et on peut parfois utiliser avec succès cette méthode des grandes tranchées latérales définitives qui peut être aussi la seule méthode pour drainer convenablement la plate-forme en l’absence de pente naturelle : elle a été ainsi employée sur l’autoroute du Sud entre Vitry-Chatillon et Corbeil, c’est-à-dire sur un plateau argileux de Brie rigoureusement plat, et une importante végétation naturelle s’est rapidement développée dans ces tranchées. En conclusion, tous les déblais que l’on peut faire dans les emprises ou en bordure des emprises sont indiscutablement les mieux utilisables et les plus économiques. On peut se demander d’ailleurs s’il faut les appeler déblais ou emprunts et notre terminologie mériterait d’être précisée à ce sujet. Étant donné que les conditions d’exploitation de tels emprunts sont exactement celles des déblais ordinaires, nous pensons qu’il convient d’appeler « déblais » tous ces travaux dans les emprises ou dans des surlargeurs d’emprises, ce qui conduirait à la formule :

29. Le meilleur emprunt est celui que l’on peut appeler déblai.

30. la terre végétale, s’il y en a, doit être le premier et le dernier souci de l’occupant temporaire

La terre végétale n’est pas la chose du monde la mieux partagée et certaines zones en sont richement pourvues, alors que dans d’autres la craie ou la roche affleure directement en surface. Mais dans les zones où la terre végétale est la plus rare, elle est aussi la plus précieuse.
C’est pourquoi le premier travail avant d’entreprendre tout déblai ou tout emprtunt, doit être la récupération de la terre végétale. Cette récupération doit être faite avec le plus grand soin car dès le premier passage d’engin, si cette terre est mélangée avec des matériaux impropres, elle sera définitivement perdue. La protection de la terre végétale demande, ainsi que celle des arbres, une intervention immédiate et permanente des agents chargés de la surveillance des travaux. Ceci est spécialement justifié lorsqu’il s’agit d’une occupation temporaire en dehors des emprises de l’autoroute. Dans les emprises en effet on ne doit pas avoir normalement besoin de toute la terre végétale récupérée puisqu’elle n’aura plus à recouvrir qu’une partie des surfaces initiales, et encore si l’on décide d’exécuter un engazonnement général. Dans les occupations temporaires au contraire, il convient de remettre les lieux en état, c’est-à-dire autant que possible dans leur état initial, et ceci implique donc la conservation de tout ce qui peut être conservé.

31. L’occupation temporaire n’est pleinement justifiée que si on remet les lieux en état

Bien qu’elle ait été créée spécialement pour les extractions de matériaux, c’est-à-dire pour l’ouverture de carrières locales, l’occupation temporaire convient en général mieux pour les dépôts, car il est presque toujours possible de disposer convenablement de ces derniers.
Pour les emprunts au contraire, ce cas est beaucoup moins général : il arrive souvent par exemple que l’on rencontre rapidement une nappe d’eau qu’il sera impossible d’évacuer, et quoi qu’on fasse à moins de le remblayer l’emprunt se transformera en mare stagnante.
D’autre part, si les bons matériaux sont rares et se rencontrent en forte épaisseur sur les lieux de l’emprunt, il sera naturellement intéressant de faire un emprunt très profond, ce qui empêchera ainsi la remise en culture des terres. Il n’en est pas de même pour un dépôt car l’on est absolument maître de sa surface et de ses dimensions et l’on peut choisir parfaitement les terrains dont la disposition est la plus favorable pour une remise en état définitive, sinon même pour une amélioration lorsque l’on viendra remblayer des terrains marécageux par exemple.
Le problème essentiel de l’occupation temporaire est en effet celui de son indemnisation, car même lorsqu’il s’agit de simples matériaux de remblai, c’est à –dire de terres sans valeur propre, les indemnités que l’on peut avoir à payer arrivent souvent à être plus élevée que la valeur indiscutable de ces terrains : il faudra payer en effet la perte initiale de récoltes ou même la perte d’avenir s’il s’agit de terrains boisés, la privation de jouissance du sol pendant toute la durée de la campagne, la perte plus ou moins complète de vocation agricole ou forestière du sol, une redevance éventuelle pour extraction de matériaux si de quelconques exploitations ont déjà eu lieu dans la région et enfin l’éviction de l’exploitant ou du locataire si les terrains ne peuvent être exploités comme précédemment.

Quel que soit le soin l’on prenne, il est évidemment impossible de remettre les lieux exactement dans leur état initial et à ce sujet il faudrait indiscutablement que les C.P.S. des marchés définissent beaucoup mieux la remise en état des lieux lorsque celle-ci est la charge de l’entreprise et doit être comprise dans ses prix. Même s’il se trouve, sur un terrain qui a été occupé temporairement, beaucoup plus de terre végétale qu’à l’origine, les exploitants démontreront que ce terrain a perdu une grande partie de sa valeur et que cette végétale n’a plus la même qualité, que le terrain est trop compacté et que son drainage est à refaire. Ce cas se produit fréquemment pour les dépôts provisoires de terre végétale où l’on laisse même un excédent de terre à la disposition des exploitants.

Bref, si l’on néglige même les discussions et le contentieux correspondants, il est certain que la dépense qui serait nécessaire pour remettre parfaitement un terrain agricole dans son état initial après le passage d’un terrassier est supérieure à la valeur de ce terrain. Il serait donc préférable de pouvoir l’acheter, mais cela poserait un problème ultérieur d’entretien de ce patrimoine. C’est pourquoi la meilleure solution est toujours celle des emprunts dans les emprises, d’autant plus que ceux-ci pourront toujours être utilisés plus ou moins rapidement pour l’implantation de diverses installations annexes de l’autoroute.

32. Les voies publiques ne sont pas adaptées au transport des matériaux d’emprunt

S’il s’agit de petits chemins, c’est évident ; s’il s’agit de routes très importantes habituées à supporter une circulation lourde, c’est également vrai : en effet étant donné l’importance de la circulation générale, il est peu admissible de la perturber par le passage de toute une cavalerie d’engins de terrassement, avec toutes les saletés qu’ils entraînent. D’ailleurs il faudrait alors limiter ces engins au gabarit du code de la route, ce qui n’est pas compatible avec les meilleures conditions d’exécution de ces transports.

En fait, le cas très général est celui où il n’existe que de petits chemins ou même de petites routes nationales, incapables de supporter non seulement la charge des engins, mais même leurs dimensions : pour que de gros engins de terrassement puissent circuler dans les deux sens à grande vitesse en sécurité, il faut disposer d’une piste praticable sur une dizaine de mètres de largeur au moins.

La bonne formule consiste donc à créer une telle piste de toutes pièces, soit directement à travers champs, soit en suivant sur un de ses côtés une voie publique existante, ce qui a l’avantage de causer les moins perturbations aux exploitations agricoles.

33. La mise en dépôt provisoire est une facilité souvent illusoire

En effet sur les chantiers l’espace et le temps sont toujours liés : on a besoin d’un remblai donné en un point donné est à un moment donné. Il est ainsi très rare qu’un dépôt provisoire ne se transforme pas en dépôt définitif. Il peut arriver cependant que dans des conditions atmosphériques défavorables qui permettent à la rigueur d’exécuter un déblai, mais ne permettent pas de mettre convenablement des matériaux en remblai, on tente de les mettre en dépôt provisoire pour les réutiliser pendant des jours meilleurs…

D’ailleurs, même lorsqu’on peut l’employer, la solution de secours de la mise en dépôt provisoire n’est certes pas économique : un travail de terrassement comprend l’extraction du déblai le transport et sa mise en remblai.

Dans l’hypothèse la plus favorable où le dépôt provisoire se trouve exactement sur l’itinéraire de transport de déblai en remblai, cette opération entraîne néanmoins une mise en remblai et une reprise en déblai supplémentaire des matériaux. Autrement dit, le prix unitaire de ce terrassement se trouve sensiblement doublé et il peut même l’être largement si la situation du dépôt provisoire n’est pas optimale : le plus souvent il est plus économique de mettre en décharge au plus près les matériaux correspondants et de les remplacer par un emprunt bien situé.

34. Un dépôt est normalement plus difficile à faire qu’un remblai

En effet, en général les matériaux que l’on met en dépôt ne conviennent pas pour être mis en remblai. Si l’on est dispensé d’un compactage soigné pour un dépôt, encore faut-il que les engins de terrassement puissent y circuler convenablement pour décharger leurs matériaux. La solution idéale est constituée par un dépôt de grande hauteur que l’on aliment au moyen de tombereaux qui ont le minimum de parcours à faire sur ce dépôt, mais cette solution n’est pas toujours applicable. Lorsque les terrains à mettre en décharge sont totalement inconsistants, le problème peut être extrêmement difficile et on peut être obligé d’attendre des conditions atmosphériques favorables pour procéder à la mise en dépôt. Il faut signaler à ce sujet les risques de la solution qui consiste à décharger des matériaux de cette nature sous la forme de remblai excédentaires de part et d’autre du remblai normal de la route.

Cette solution est la plus facile pour l’exécutant, mais il est à peu près certain que les matériaux ainsi déversés s’écouleront en grande masse sous l’effet des intempéries et risqueront d’entraîner dans leur mouvement une partie du bon remblai lui-même.

35. C’est vraiment un mauvais projet qui conduit à mettre en dépôt un excédent de déblais de bonne qualité

Si cette situation ne résulte pas d’une mauvaise étude, c’est alors qu’il s’agit d’un chantier exceptionnellement facile où la quasi-totalité des déblais sont des matériaux de bonne qualité. La notion d’emprunt n’existe pas alors sur de tels chantiers et il semble inutile d’insister sur l’agrément que l’on doit avoir à diriger ou à exécuter de tels travaux.

En revanche il est bien certain que si le tracé traverse de mauvais terrains, le meilleur profil en long ne permettra pas d’éviter la création de dépôts.

le 29 juillet 2016
Mise à jour 3 dans wikigeotech le 11 mars 2020

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