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Wikibardig:Les barrages écrêteurs de crues

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Sommaire

Les barrages écrêteurs de crues

Les barrages écrêteurs de crues sont souvent l’un des éléments d’une stratégie de ralentissement dynamique des crues à l’échelle d’un bassin versant.

Les barrages écrêteurs de crues sont implantés en travers du thalweg et ont pour objet de stocker, temporairement un certain volume dans le lit du cours d’eau, de façon à diminuer le débit de pointe de la crue aval. On en distingue 2 types : les barrages à pertuis ouvert et les barrages à pertuis vanné.

Barrage à pertuis ouvert

EC-Image 1Principe-Barrage pertuis ouvet.png

Principe du barrage à pertuis ouvert (avec déversoir de crue central ) [EAT-2009]

Principes de fonctionnement :

  • 1- Un pertuis de fond correctement dimensionné et protégé de l’obstruction par des flottants, permet de limiter le débit en aval, à une valeur compatible avec les enjeux à protéger contre l’inondation ; l’ouvrage est donc transparent pour les débits courants et pour les crues fréquentes ;
  • 2- Lorsque la capacité du pertuis est saturée, la retenue se remplit progressivement, ce qui permet de stocker temporairement une partie du volume de la crue ; le débit en aval augmente peu en fonction de la montée du niveau dans le réservoir (écoulement en charge) ; en fin de crue, le volume temporairement stocké dans la retenue se vide naturellement par le pertuis ; L’ouvrage écrête fortement les crues moyennes à rares ;
  • 3- En cas de très forte crue, lorsque la retenue est pleine, le déversoir de sécurité entre en fonction pour évacuer la différence entre le débit entrant dans la retenue et le débit transitant dans le pertuis ; l’ouvrage perd de son efficacité pour les crues rares à exceptionnelles.

EC-Image 2 Schèma de fonctionnement.jpg

Schéma de fonctionnement d’un barrage écrêteur de crues [MEDDE-Guide 2004]

Impacts :

  • Un barrage écrêteur de crues a pour objectif de diminuer la valeur des débits de pointe en aval. Cela peut avoir des conséquences préjudiciables sur la géomorphologie du lit en aval :
    • La stabilisation des chenaux d’écoulement en lit mineur ;
    • Le développement de la végétation ;
    • La fixation des sédiments ;

Il est donc possible d’observer une diminution du transit des sédiments par charriage et une diminution de la débitance du lit pour les crues rares (diminution du Strickel du fait de la végétation).

  • Un barrage écrêteur de crues a pour effet de diminuer les vitesses d’écoulement au passage dans la retenue, il y a donc, rétention d’une partie des sédiments transportés par charriage et des sédiments transportés par suspension. Les matériaux transportés par suspension seront remis en suspension lors des crues suivantes. Les matériaux plus grossiers peuvent provoquer des petites accumulations durables. Un entretien périodique de la végétation sera nécessaire pour que le contrôle hydraulique reste bien au niveau du pertuis. La conséquence de ces dépôts est un déficit de matériaux solides à l’aval de l’ouvrage qui va déclencher un mécanisme classique d’érosion progressive. Toutefois, cet effet reste modéré.
  • Un barrage à vocation unique d’écrêtement des crues et non vanné ne constitue pas une barrière à la mobilité des populations piscicoles.
  • Les conséquences d’une rupture éventuelle de l’ouvrage devront, dans tous les cas, être étudiées.

EC-Image 3 Photo Barrage.jpg

Barrage à pertuis ouvert en thalweg sec (bassin de l’Austreberthe, Seine Maritime) - Photo C. Poulard.

Barrage à pertuis vanné :

Fonctionnement

Il s’agit, par exemple, d’un ouvrage ayant également une vocation touristique, paysagère, écologique ou de soutien des étiages. Cependant, sauf pour les retenues de très grand volume, la vocation principale d’écrêtement des crues est en général assez peu compatible avec d’autres usages du barrage.

Le pertuis peut être placé au point bas de la retenue et équipé d’une vanne, ou bien il peut être calé à une cote plus haute. Le principe général de fonctionnement est plus sophistiqué lorsque le pertuis est équipé de vannes que lorsque le passage de l’eau est libre. Cela exige alors une présence humaine pendant la crue, même en cas de dispositifs automatiques. La gestion est très délicate en cas de crue survenant alors que la retenue est partiellement pleine, ou en cas de crue à double pointe.

EC-Image 4- barrage de la Rouvière.jpg

Barrage de la Rouvière : batardeau créant la retenue permanente et grille en béton de protection contre les flottants (photo prise à l’occasion de l’inspection décennale 2004, avec vidange de la retenue permanente ) (Photo Irstea - G2DR)

Impacts :

  • Si le barrage écrêteur de crues est situé sur un cours d’eau à fort transport sédimentaire, le plan d’eau permanent en fond de retenue va rapidement se combler par piégeage du transport solide de charriage et d’une partie du transport de suspension. Le stockage des matériaux charriés entraîne un déficit en matériaux solides dans le cours d’eau aval et génère donc une érosion progressive dont les conséquences peuvent être dommageables en particulier sur le niveau de la nappe.
  • Les effets d’une retenue à niveau constant sur la qualité de l’eau seront liés essentiellement à l’eutrophisation. Si l’eau alimentant la retenue est riche en nitrates et/ou phosphates, le plan d’eau devient alors un milieu propice à l’accélération du processus d’eutrophisation, qui se manifeste par le développement estival d’algues, avec un impact visuel et, le cas échéant, olfactif. Ce développement est d’autant plus fort que la retenue à niveau constant est en général de faible profondeur, ce qui favorise l’élévation de température.
  • Un plan d’eau à niveau constant, de faible profondeur et à très faible marnage, est très propice au développement des plantes aquatiques. Ce développement se produit quelques années après la mise en service, par apport de graines par voie naturelle ou anthropique. Le principal facteur de répartition des espèces est la profondeur de l’eau. La composition physico-chimique de l’eau et des sédiments influencent également les espèces, qui sont donc un indicateur du niveau trophique de l’écosystème aquatique.
  • Toujours dans le cas d’un plan d’eau à niveau constant en fond de retenue, l’élévation de température et l’eutrophisation vont entraîner une diminution de la teneur en oxygène avec un risque de mortalité piscicole. Ces phénomènes seront d’autant plus marqués que le débit naturel du cours d’eau est faible en été et, donc, que l’eau se renouvelle peu dans la retenue.
  • Un barrage comportant un plan d’eau à niveau constant en fond de retenue constitue une barrière à la mobilité des populations piscicoles.

L’optimisation des diverses fonctions, parfois antagonistes de certains aménagements, passe, le plus souvent, par une gestion saisonnalisée des cotes des plans d’eau et des positions des vannes (plan d’eau abaissé aux périodes de risques d’inondation).

En amont d’un tel choix de gestion, il convient d’avoir réalisé une étude saisonnalisée de l’aléa de crue et de modélisation du fonctionnement hydraulique. La consigne de gestion, qui devra expressément figurer dans l’arrêté d’autorisation ou dans le règlement d’eau de l’aménagement, fixera précisément les cotes des plans d’eau et positions des vannes en fonction des dates dans l’année. Cette consigne devra rester simple (si possible deux périodes seulement, quatre au maximum) et son application devra être facilement vérifiable (échelles limnimétriques).

Gestion en crue :

La gestion en période de crues se fait à l’échelle de temps journalière, voire horaire sur certains bassins versants. Si la présence de vannes permet, dans certaines situations, une meilleure efficacité hydraulique, elle exige une présence humaine pour leur manœuvre ou leur contrôle, avec toutes les contraintes d’astreinte des personnels que cela induit et avec tous les risques d’erreur humaine liés à une mauvaise appréciation de la situation.

L’option pour des ouvrages vannés n’est envisageable que dans des situations de crues lentes et prévisibles et à condition que le gestionnaire des aménagements dispose de personnels techniques compétents, habitués à fonctionner sous régime d’astreintes. Cela vaut y compris en cas de vannes à fonctionnement automatique, car ces dispositifs sont susceptibles d’être pris en défaut (évidemment au plus mauvais moment) et une surveillance avec possibilité de reprise en commande manuelle est donc indispensable pendant toute la durée de fonctionnement. Des consignes de gestion très précises doivent être établies, anticipant toute la gamme des scénarios possibles. Comme dans le domaine des barrages, on établira deux documents :

  • La consigne de crue, document public, constituant par exemple un article de l’arrêté d’autorisation ou de règlement d’eau. Elle définit les contraintes et classe les objectifs à respecter vis-à-vis de la sécurité propre des ouvrages et vis-à-vis de son environnement aval et amont. Elle décrit le principe général de fonctionnement de l’aménagement et les cotes de manœuvre des vannes. Elle indique les circuits et le contenu des informations que le gestionnaire doit fournir aux autorités pendant un événement.
  • La consigne d’exploitation en crue, document interne au gestionnaire de l’aménagement, mais soumis à l’approbation du service de contrôle. Elle définit les conditions de mobilisation des moyens du gestionnaire, avec le cas échéant plusieurs niveaux en fonction de l’importance de la crue. Elle décrit très précisément les tâches à accomplir par les agents, présentées sous forme claire.

Réglementation :

Ces ouvrages écrêteurs de crues sont soumis à la même réglementation que les autres barrages de même classe.

Leur conception et leur réalisation doivent répondre aux mêmes exigences (respect de la réglementation, de l’application des règles de l’art…) que pour les autres types de barrages.

Surveillance :

La surveillance du barrage vise principalement à suivre les évolutions du comportement du barrage et permet au propriétaire, assisté autant que nécessaire de son ingénieur-conseil, de décider de la nature et de l'urgence des interventions de maintenance ou de réparation. La réglementation générale sur la surveillance des barrages s’applique aux barrages écrêteurs de crues. (Décret N° 2015-526 du 12 mai 2015). Toutefois il est nécessaire d’être très rigoureux sur la surveillance visuelle.

La surveillance visuelle est une méthode qualitative qui intègre de très nombreux paramètres et qui permet de détecter la grande majorité des désordres et anomalies susceptibles d'affecter le barrage. On peut distinguer deux modes ou circonstances de visite du barrage écrêteur de crues et de ses abords :(1) la surveillance visuelle de routine ;(2) la surveillance à l'occasion des crues (en crue ou après les crues), particulièrement cruciale pour les barrages écrêteurs de crues ;

Surveillance visuelle de routine

En phase d'exploitation normale et en l'absence de tout indice inquiétant quant au comportement de l'ouvrage, la périodicité recommandée est mensuelle (voire bimestrielle pour les plus petits barrages). Il ne paraît pas raisonnable d'espacer plus ces visites. En tout état de cause et en application de la réglementation la périodicité des visites de routine est à indiquer dans les consignes écrites de surveillance établies sous la responsabilité du propriétaire, et soumises à l’approbation du Préfet.

Les visites doivent être plus rapprochées dès que l'on constate un phénomène nouveau.

Surveillance visuelle pendant la crue

C'est lors des crues que les barrages écrêteurs sont, par définition, soumis aux sollicitations les plus sévères : cote du plan d'eau élevée, débits importants dans le pertuis, voire sur le déversoir de sécurité, ruissellement de la pluie sur les parements, etc. Une observation renforcée s'impose donc dans ces occasions.

L'observation pendant la crue est riche d'informations mais elle n'est pas toujours possible car la crue peut survenir de nuit. Si cela s’avère possible (crue de jour) et si les instruments existent, on procède impérativement à une mesure sur les appareils d’auscultation (piézomètres, débits de drainage, …).

L'objectif général de la surveillance en crue est de répertorier, repérer et évaluer les désordres ou présomptions de désordre liés plus ou moins directement à l'état "en charge" du barrage, révélant les zones de faiblesse de l'ouvrage (en complément de celles décelées lors des visites de surveillance à sec). Ces désordres peuvent résulter des contraintes hydrauliques ou mécaniques externes subies par le remblai (charge hydraulique, surverse, courant, vagues, ressauts et turbulences) ou des mécanismes internes déclenchés par la mise en eau (circulations d'eau à travers ou sous le corps de remblai, état de saturation, pressions interstitielles). Le talus amont peut être plus ou moins noyé, mais une attention toute particulière doit être portée au talus aval, à la recherche de fuites éventuelles : notamment en pied aval, dans les fossés de collecte ou au débouché des ouvrages de drainage.

Surveillance post crue

L'examen visuel d’un barrage écrêteur après la crue doit, par contre, être systématique et réalisée le plus près possible après la fin de l’événement afin de bénéficier de toute la fraîcheur des indices (zones humides, laisses de crue, érosions, mouvements de terrain, etc.) et avant que ceux-ci ne s'estompent ou ne s'effacent  : niveau maximum atteint par les eaux, état du pertuis et de l’évacuateur de crues, état des parements, indices d’érosion, de fuite non encore épuisée, etc. C’est, en effet, une occasion à ne pas manquer d’évaluer le comportement des ouvrages sous la charge hydraulique et de repérer d’éventuels travaux de réparation. Il convient aussi de faire une mesure des appareils d’auscultation s’ils existent, au cas où des évolutions liées à la crue y subsistent (niveau piézométrique, débit de fuite, etc.). L’efficacité tout comme le rendement de l’examen visuel post-crue dépend de l'état d'entretien des remblais : la présence d’une végétation indésirable et envahissante peut gravement la compromettre.

Toutes les observations, en crue et/ou post-crue, sont consignées dans le registre du barrage et font, le cas échéant, l'objet d'un dossier photographique. Elles conduisent, si nécessaire, à des travaux d'entretien d'urgence ou à des travaux plus importants de réfection.

Entretien du barrage :

L’entretien d’un barrage écrêteur de crues est conduit de la même façon que celui des autres barrages de même type.


Rappel des liens accessibles sur cette page :


Références :

Chastan B. (Coord.), 2004. Le ralentissement dynamique pour la prévention des inondations : guide des aménagements associant l’épandage des crues dans le lit majeur et leur écrêtement dans de petits ouvrages. Ministère de l'Écologie et du Développement Durable, Cemagref, 129 p.

Mériaux P., 2008. Aide-mémoire « Surveillance et entretien des petits barrages en remblai de ralentissement dynamique » P. Séminaire AREAS « Surveillance et entretien des aménagements de ralentissement dynamique » Rouen.

Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (MEDDE), Décret n° 2015-526 du 12 mai 2015 relatif aux règles applicables aux ouvrages construits ou aménagés en vue de prévenir les inondations et aux règles de sûreté des ouvrages hydrauliques.

Poulard C., Royet P., Ratomski J., Lenar A., 2009. Enseignements de retours d'expériences de barrages à pertuis ouverts, de 1905 à nos jours - Dams with open outlets for flood control: some lessons to be learnt since 1905 Ingénierie EAT- N° spécial « La prévention des inondations ».

Poulard C., Chastan B., Royet P., Degoutte G., Grelot F. , Erdlenbruch K., Nédélec Y. Prévention des inondations par Ralentissement Dynamique : principe et recommandations – Dynamic Flood Retention, Ingénierie EAT- N° spécial « La prévention des inondations » 2009.


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