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Méthode des pluies (HU)

De Wikigeotech

Traduction anglaise : Rainfalls design method

Dernière mise à jour : 12/6/2020

Cette méthode, connue aussi sous le nom de méthode hollandaise, permet de dimensionner facilement les volumes des ouvrages de stockage (bassins de retenue par exemple), mais aussi tous les ouvrages de stockage à la parcelle.

Sommaire

Hypothèses de départ

Dans sa formulation classique, la méthode suppose :

  • que le débit de fuite $ Q_v $ de l'ouvrage de stockage est constant ;
  • que le coefficient d'apport $ C_a $ est indépendant de la pluie ;
  • qu’il y a transfert instantané de la pluie à l'ouvrage de stockage, c'est à dire que les phénomènes d'amortissement dus au ruissellement sur le bassin sont négligés ;
  • que la hauteur de pluie précipitée pour une durée et une période de retour donnée peut être calculée en utilisant un ajustement local des courbes Intensité-durée-fréquence.

Les conséquences de ces hypothèses ainsi que leur incidence sur le résultat sont discutées dans les paragraphes suivants.

Attention : Les unités utilisées dans cet article sont les unités SI et ne correspondent pas aux unités usuelles pour lesquelles on fournit classiquement les coefficients de Montana (durées en minutes, hauteurs d'eau en mm) ; une transformation sera nécessaire.

Formulation de la méthode

Principes de la méthode

Pour appliquer la méthode, on s'appuie sur les courbes Intensité-durée-fréquence que l’on transforme en courbe hauteur-durée-fréquence (ou courbes enveloppes), soit, pour un ajustement de type Montana :


$ H(t,T)= a(T).t^{b(T)+1} \quad (1) $

Avec :

  • $ H(t,T) $: Hauteur de pluie précipitée pour la durée $ t $ et la période de retour $ T $ ($ m $) ;
  • $ a(T) $ et $ b(T) $ : Coefficients d’ajustement d’une formule de type Montana pour la période de retour $ T $ (à choisir pour obtenir $ H $ en $ m $ avec $ t $ en $ s $).

Dans la suite de l'article nous supposerons que les calculs sont faits pour une période de retour donnée $ T $ et nous noterons simplement ces grandeurs $ H(t) $, $ a $ et $ b $.

Le volume entrant dans l'ouvrage de stockage ($ V_p(t) $) pour une pluie de durée $ t $ se calcule donc simplement :


$ V_p(t) = C_a.S.H(t)= S_a.a.t^{b+1}\quad (2) $

Avec :

  • $ C_a $ : coefficient d'apport ;
  • $ S $ : surface totale du bassin versant drainé $ (m^2) $ ;
  • $ S_a = C_a.S $ : surface active $ (m^2) $.

Comme le débit de vidange $ Q_v $ est supposé constant, le volume ($ V_r $) évacué après une durée $ t $ est simplement égal à :


$ V_r(t) = t.Q_v\quad (3) $

On peut alors calculer, pour chaque durée de pluie $ t $, la différence entre le volume entrant et le volume évacué, qui représente le volume à stocker $ V_S $ pour une pluie ayant cette durée $ t $ (Voir Figure 1) :


$ V_s(t) = V_p(t) – V_r(t)\quad (4) $

Soit :

$ V_s(t) = a.S_a.t^{(b+1)}-Q_v.t\quad (5) $


Figure 1 : Schéma de principe de la méthode des pluies ; Source : Chocat et Cherqui, 2018.

Il existe une durée $ t_m $ pour laquelle cette différence est maximum. C'est donc pour cette durée qu'il faudra calculer le volume de stockage nécessaire pour la période de retour $ T $.

Attention : Ce mode de calcul ne signifie pas que l'ouvrage soit capable de répondre à n'importe quelle forme de sollicitation pluvieuse ayant la période de retour choisie. En pratique il suppose implicitement une forme particulière de hyétogramme (pluie de type bloc) et de fonctionnement (maximum du volume obtenu à la fin de la pluie) (voir à ce sujet le § "Lien avec la méthode des débits"). L'interprétation statistique parfois utilisé et consistant à considérer que l'ouvrage est dimensionné pour toutes les durées de pluie ayant la période de retour choisie est donc fausse (Desbordes, 1975). Sur le plan pratique ceci se traduit par le fait que cette méthode minore systématiquement les volumes (entre 2% et 11%), et ce d'autant plus que la pluviosité est forte. Le § "Lien avec la méthode des débits" propose une méthode pour corriger ce biais ou du moins le considérer comme une incertitude.

Formulation analytique

La relation (5) permet de calculer le volume à stocker en fonction de la durée de la pluie. Ce volume sera maximum pour la durée $ t_m $ qui vérifiera :


$ \frac{dV_s(t)}{dt} = 0\quad (6) $

Soit :

$ a.(b+1).S_a.t_m^b-Q_v = 0\quad (7) $


D’où :

$ t_m^b = \left(\frac{Q_v}{a.(b+1).S_a}\right)\quad (8) $

et

$ t_m = \left(\frac{Q_v}{a.(b+1).S_a}\right)^{1/b}\quad (9) $


En reportant la relation (8) dans l’expression du volume stocké (5), il est possible de calculer le volume maximum $ V_{max} $ :


$ V_{max} = (a.S_a.t_m^b-Q_v).t_m\ $


$ V_{max} = \left(\frac{Q_v}{b+1}-Q_v\right).t_m\ $

soit :


$ V_{max} = \left(\frac{-b}{b+1}\right).Q_v.t_m\quad (10) $


Et finalement en reportant la relation (9) dans la relation (10), on obtient une formule permettant le calcul analytique direct de $ V_{max} $ en fonction de $ Q_v $ :


$ V_{max} = \left(\frac{-b}{b+1}\right).Q_v.\left(\frac{Q_v}{a.(b+1).S_a}\right)^{1/b} $


Il est alors possible de mettre en évidence une formule simple reliant directement $ V_{max} $ et $ Q_v $ (Chocat et Cherqui, 2018) :


$ \left(\frac{V_{max}}{C.Sa}\right)^b=\left(\frac{Q_v}{S_a}\right)^{b+1} \quad (11) $

Cette formule fait apparaître une constante $ C $ qui ne dépend que des coefficients de Montana :


$ C=\frac{-a.b}{\left(a.(b+1)\right)^{(b+1)/b}} \quad (12) $


Introduction de la durée maximum en eau

La figure 1 fait apparaître une autre durée intéressante : la durée $ t_{ee} $ qui correspond à la durée pour laquelle le débit de restitution moyen de l’ouvrage $ Q_v $ est égal au débit apporté à l’ouvrage. En d’autres termes, à partir de la durée $ t_{ee} $, l’ouvrage restitue de façon instantanée la totalité du volume apporté par la pluie et aucun stockage n'est nécessaire. La durée $ t_{ee} $ correspond donc à la durée maximum pendant lequel il peut y avoir de l'eau dans l'ouvrage. Cette durée est très importante pour des questions multiples : risque d'événements successifs, durée pendant lequel l'espace utilisé par l'ouvrage est inutilisable pour d'autres activités, risque d'éclosion de moustiques, etc.. Pour cette raison, il est généralement conseillé de limiter cette durée maximum en eau à quelques jours (typiquement 24 à 72h).

Nota : la pluie de durée $ t_{ee} $ n’est pas la même que la pluie dimensionnante de durée $ t_m $. La durée $ t_{ee} $ ne représente donc pas le temps de vidange de l’ouvrage plein, lequel sera forcément inférieur à $ t_{ee} $.

La durée $ t_{ee} $ est telle que les débits moyens entrant et sortant soient égaux, c'est à dire :


$ a.S_a.t_{ee}^b=Q_v \quad (13) $

Il est donc possible d'écrire des relations explicites simples entre les 3 grandeurs $ t_{ee} $, $ V_{max} $ et $ Q_v $ :


$ a.t_{ee}^b=\frac{Q_v}{S_a}=\left(\frac{Vmax}{C.S_a}\right)^{b/(b+1)} \quad (14) $


Ces relations explicites sont schématisées sur la figure 2.


Figure 2 : Relations entre tee, Qv et Vmax ; Source : Chocat et Cherqui, 2018.


Raisonnement en termes d'intensité et de débit spécifique

Une autre façon de raisonner, moins classique, consiste à étudier la relation entre le débit spécifique $ q_v = Q_v/S_a $ et l'intensité de pluie $ i_m = a.t_m^b $ correspondant au temps $ t_m $.

D'après la relation (8) :


$ t_m^b = \left(\frac{Q_v}{a.(b+1).S_a}\right)=\left(\frac{q_v}{a.(b+1)}\right) $

Nous pouvons donc écrire :


$ i_m = a.t_m^b = \left(\frac{q_v}{(b+1)}\right) $

Cette relation permet d’établir un lien extrêmement simple entre $ i_m $ et $ q_v $ :


$ \frac{q_v}{i_m}=b+1 \quad (15) $

Cette relation est étonnante. Elle signifie que le rapport d'amortissement, c'est à dire le rapport entre le débit spécifique de vidange $ q_v $ et l'intensité moyenne de la pluie $ i_m $, est indépendant du débit de vidange et du volume de stockage. De plus il prend des valeurs qui varient relativement peu (entre 0,1 et 0,3 car $ b $ est généralement compris entre -0,6 et -0,9).

Ces notations permettent d'écrire de façon légèrement différente la relation (11) :


$ \left[\frac{H_max}{C}\right]^b=q_s^{b+1}\quad (16) $

avec :


$ C=\frac{-a.b}{\left(a.(b+1)\right)^{(b+1)/b}} \quad (12) $

Lien avec la méthode des débits

La méthode des débits consiste à simuler le fonctionnement du système hydrologique constitué par le bassin versant et l'ouvrage de stockage pour un ensemble de pluies de projet ou de pluies réelles. Il peut sembler curieux de faire un lien entre ces deux méthodes que tout semble opposer et pourtant la méthode des pluies peut être considérée comme une version simplifiée de la méthode des débits.

Formulation de la méthode des pluies en termes de hyétogramme

Posons les hypothèses suivantes conformes à la méthode des pluies :

  • Hypothèse H1 : le débit d'entrée est constant et commence au temps $ t=0 $ ; en termes hydrologiques, ceci peut être obtenu en posant les trois sous-hypothèses suivantes :
  • la pluie est de type bloc (intensité $ i_m $ constante sur toute la durée) ;
  • le coefficient d'apport $ C_a $ est indépendant de la durée de la pluie ;
  • il n'y a aucune prise en compte du ruissellement (la forme de l'hydrogramme entrant dans le bassin est strictement la même que celle de la pluie qui le provoque) ;

Avec ces hypothèses : le débit d'entrée est donc constant : $ Q_p = C_a.S.i_m $.

  • Hypothèse H2 : le débit de sortie $ Q_v $ est constant et commence également au temps $ t= $0.

Le fonctionnement d'un ouvrage fonctionnant selon ces hypothèses peut alors être schématisé par la figure 3.


Figure 3 : Évolution du volume stocké dans un ouvrage fonctionnant selon les hypothèses H1 et H2.

Quelle que soit la durée de la pluie $ t $, le volume stocké $ V_{max} $ est maximum à la fin de la pluie. Il est égal à la différence entre les débit constants d'entrée et de vidange, multipliée par cette durée.


$ V_{max} $ = (Q_p - Q_v).t</math>


Si on choisit l'intensité de la pluie de durée $ t $ pour une période de retour $ T $ en utilisant un ajustement des courbes IDF de type Montana, on retrouve facilement la formule de la méthode des pluies.

Identification de la méthode des pluies classique à la méthode des débits

La méthode des pluies peut donc être interprétée comme une mise en œuvre particulière de la méthode des débits :

  • avec un modèle de production utilisant un coefficient d'apport constant égal à $ C_a $ ;
  • sans prendre en compte l'amortissement de l'hydrogramme associé au transfert dans le bassin versant amont ;
  • en utilisant en entrée des pluies blocs de toutes les durées possibles et en retenant celle qui nécessite le volume maximum.

Généralisation de la méthode des pluies à d'autres formes de pluies de projet

L'intérêt de la remarque précédente est qu'elle montre qu'il est tout à fait possible de généraliser la méthode des pluies en prenant en compte d'autres formes de pluies de projet que des pluies blocs.

Il est par exemple possible de choisir des pluies de type double triangle symétrique, couramment utilisées en France. En général on identifie la période de retour associée à une telle pluie à l'intensité moyenne pendant la période de pluie intense D (voir figure 4).


Figure 4 : Pluie de projet double triangle.

Dans ce cas le volume spécifique devient maximum au moment où le débit spécifique de vidange redevient supérieur à l'intensité de pluie. Le volume spécifique nécessaire est donc celui représenté par la partie grisée sur la figure 4.

Chocat (2020) a étudié, en reprenant la même démarche analytique que celle présentée pour les pluies blocs, la façon dont évoluait le rapport $ \frac{ΔH_m}{H_max} $ en fonction de la durée $ D $ et du rapport $ k=\frac{D_0}{D} $. L'étude a été réalisée pour des valeurs de $ a $ et $ b $ correspondant à différentes régions pluviométriques.

Avec :

  • $ D $ : durée de la période de pluie intense ;
  • $ D_0 $ : durée totale de la pluie ;
  • $ H_{max} $ : hauteur spécifique maximum de stockage calculée avec une pluie de type bloc de durée $ D_0 $ (méthode des pluies classique) ;
  • $ ΔH_m $ : Écart entre la hauteur spécifique maximum de stockage calculée avec une pluie double triangle et la hauteur calculée avec une pluie bloc.

Nota : Réaliser les mêmes calculs par la méthode des débits consisteraient à simuler toutes les pluies correspondant à toutes les durées de pluies intenses $ D $ et à toutes les durées totales $ D_0 $ possibles, de façon à déterminer le couple $ D{,} D_0 $ qui fournit la hauteur maximum de stockage.

Les calculs ont été effectués dans le cas très défavorable ou les intensités de pluie sur la durée $ D $ et sur la durée $ D_0 $ ont la même période de retour $ T $. Cette hypothèse conduit nécessairement à surestimer les volumes calculés avec les pluies double triangle.

Les conclusions sont les suivantes : Pour deux pluies de même durée $ D_0 $ et de même intensité moyenne (donc correspondant à la même période de retour), l'écart relatif entre les deux volumes spécifiques (rapport $ \frac{ΔH_m}{H_{max}} $) se calcule par la relation (17) :


$ \frac{ΔH_m}{H_{max}} = \frac{(k-1)^2}{(k^2-k^{1-b})}.\frac{-(b+1)^2}{4.b} \ (17) $

Cette relation montre :

  • que le volume spécifique calculé par la pluie double triangle est toujours supérieur à celui produit par la pluie bloc ($ b $ est négatif) ;
  • que l'écart relatif entre les deux volumes spécifiques (rapport $ \frac{ΔH_m}{H_{max}} $) est compris entre 1% et 9% (voir figure 5) ;


Figure 5 : Écart relatif entre les volumes spécifiques nécessaires calculés en utilisant une pluie double triangle symétrique et en utilisant une pluie bloc (méthode des pluies classiques) en fonction du paramètre $ b $ de la formule de Montana et du rapport $ k=D_0/D $ entre la durée de la période de pluie intense et la durée totale de la pluie ; Source : Chocat (2020).

Interprétation en termes d'incertitude

En pratique aucune forme de pluie n'est plus probable qu'une autre et il n'y a aucune raison de considérer que les résultats fournis par une pluie double triangle sont plus proches de la réalité que ceux fournis par une pluie bloc. Il n'y a non plus aucune raison de choisir une valeur de $ k $ plutôt qu'une autre. Il n'est donc pas possible d'utiliser la relation (17) pour calculer un volume qui soit plus proche d'une hypothétique vérité que celui calculé avec une pluie de forme différente. En revanche il est possible de l'utiliser :

  • pour déterminer un terme correctif à appliquer au résultat fourni par la méthode des pluies classique ;
  • pour associer une incertitude à cette valeur.

La valeur maximum de l'écart relatif est obtenu pour les valeurs de $ k $ voisines de 6. On peut donc calculer de façon approximative une valeur de ce majorant en fonction de la valeur de $ b $ :


$ E_{max} = \frac{25}{(36-6^{1-b})}.\frac{-(b+1)^2}{4.b} \ (18) $

Et il est alors possible de calculer une valeur corrigée du volume spécifique à prendre en compte associée à une incertitude :


$ H_{cor} = H_{max}.(1+\frac{E_{max} }{2}) ± H_{max}.\frac{E_{max} }{2} \ (19) $

Nota 1 : le terme correctif est par construction strictement égal à l'incertitude et par conséquent la valeur calculée par la méthode classique est dans le domaine d'incertitude ; elle est donc acceptable.

Nota 2 : L'incertitude relative associée à la valeur corrigée varie entre 0,5% et 4,5% ; elle paraît donc faible par rapport à d'autres incertitudes (variabilité interannuelle de la pluie, connaissance très approximative de la capacité d'infiltration, etc.)

Choix des données pluviométriques

En l'absence de données locales disponibles dans beaucoup de collectivités, il est possible d'utiliser des ajustements de type Montana qui sont disponibles auprès de Météo-France pour chaque département et différentes périodes de retour. La principale précaution à prendre consiste à bien s’assurer que l’ajustement utilisé correspond bien aux durées pour lesquelles on réalise le calcul. En effet, les ajustements des courbes IDF ne sont valables que pour une plage donnée de durées (par exemple de 6 minutes à 2 heures) et peuvent conduire à des erreurs très importantes si on les utilise en dehors de cette plage de durée.

Conclusions générales

La méthode des pluies donne des résultats tout à fait satisfaisants dans la mesure où les trois hypothèses sur lesquelles elle repose sont remplies, ce qui est le cas pour la plupart des petits ouvrages de retenue (en particulier pour tous les ouvrages de stockage dits à la parcelle).

mot en chantier


Bibliographie :

  • Chocat, B. ; Cherqui, F. (2018) : La méthode des pluies revisitée ; TSM N°11 ; Page(s) 49-59.
  • Chocat, B. (2020) : Généralisation de la méthode des pluies ; note de travail (copie envoyée sur demande)
  • Desbordes, M. (1975) : Quelques méthodes de calcul des bassins de retenue des eaux pluviales ; Tribune du CEBEDEAU, n° 377, pp. 168-174.

Pour en savoir plus : Vidéo de présentation de la méthode des pluies généralisée

Voir aussi : Méthode des débits, Méthode des volumes.

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