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Le Rhône en 100 questions : 5-10 Est-il possible d’utiliser les ouvrages de la CNR pour abaisser les niveaux d’eau ?

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le rhone en 100 questions multi579
Cette page fait partie du deuxième chapitre: "Le fonctionnement du fleuve", de l'ouvrage '"Le Rhône en 100 questions'", une initiative de la ZABR avec l'appui de toute l'équipe du Graie et soutenue par les instances qui ont en charge la gestion du fleuve.










Est-il possible d’utiliser les ouvrages de la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) pour écrêter les crues ?


  • Quels sont les volumes en jeu ?

Il faut avoir à l’esprit quelques ordres de grandeur concernant les volumes d’eau en jeu lors des crues, ceux des retenues et ceux que dégagerait un abaissement préventif du niveau de la retenue. Prenons l’exemple des fortes crues récentes (1993 à 2004) mesurées à Beaucaire. Le graphique ci-dessous montre l’évolution des débits de ces crues.

crues recentes du rhone a beaucaire
  • Distinguer le volume des retenues et le volume retenu par les barrages

Le volume d’eau présent dans le bief à l’amont du barrage est situé entre le plan d’eau et le fond du lit (voir figure 1). On peut rappeler les volumes à l’étiage des différentes retenues :

la retention d eau par les barrages a l etiage et en crue
S’agissant d’aménagements au fil de l’eau, ces volumes sont bien inférieurs à ceux des grands barrages-réservoirs.

Ils sont très faibles par rapport aux volumes d’eau écoulés en crue (2 300 Millions de m3 écoulés en deux jours en 2003). Si le barrage était entièrement ouvert, il subsisterait un volume d’eau à l’amont du barrage correspondant à l’écoulement naturel.
Le barrage ne retient donc en crue ou à l’étiage que la différence entre ces deux volumes (volume dans le bief, moins volume qui subsisterait s’il n’y avait pas de barrage). En crue, le volume retenu en amont du barrage est de plus en plus faible, puisque les lignes d’eau des situations naturelles et aménagées se rapprochent (voir question 03-05 « Quel est le mode de gestion des ouvrages du Rhône ? »).

volume des crues
volumes des crues
  • Les retenues écrêtent-elles les crues ?

Pour la retenue de Vallabrègues en amont de Beaucaire, qui représente à faible débit la plus grosse retenue de la vallée (82 millions de m3), le volume résiduel retenu par le barrage, de l’ordre de 12 millions de m3 pour un débit de 10 000 m3/s s’annule aux environ de 14 000 m3/s (crue millénale) puisque c’est le débit de dimensionnement pour lequel le barrage est complètement ouvert. Il est donc important de distinguer le volume des retenues et le volume retenu par les barrages. Comme le montre le graphiqueci-contre relatif à la retenue de Vallabrègues, la conception des aménagements et la consigne d’exploitation actuelle sont telles que le volume de la retenue croît avec le débit.

les retenues ecretent les crues vallabregues
  • L’aménagement hydroélectrique peut-il mieux écrêter les crues ?

Pour rester sur l’exemple de Vallabrègues, le volume retenu par le barrage (de l’ordre de 9 millions de m3 aux environs de la crue centennale) pourrait être stocké pour réduire le débit à l’aval si le barrage avait été préalablement complètement effacé. Mais il est très faible en comparaison du volume d’eau des crues. Il ne représente que 0,3 % du volume de la crue de 2003 par exemple. D’autre part le gain très faible à attendre est à son tour susceptible de créer de nouveaux risques.


  • Quels sont les risques d’une autre procédure ?
l aval du barrage de caderousse et du bief amont
Un des principes de l’exploitation du Rhône en crue est que la gestion des ouvrages doit être étudiée, déterminée et programmée à froid et respectée sans improvisation lors de la crue. Actuellement, les consignes d’exploitation précisent des objectifs de niveau à des points de réglage et la répartition du débit entre la dérivation et le tronçon court-circuité en fonction de la connaissance du débit en temps réel (voir question 03-05 « Quel est le mode de gestion des ouvrages du Rhône ? »).
L’utilisation du volume résiduel de la retenue devrait, comme les consignes en vigueur, être réfléchie et décidée à froid et être automatisée.

Deux options sont imaginables :

  • Soit une gestion «passive » qui ne ferait pas appel aux prévisions. On pourrait envisager une vidange partielle programmée pour une certaine valeur de débit et le remplissage pour une autre. Mais il y a des risques :
• l’opération de vidange de la retenue pourrait coïncider avec la crue d’un affluent confluant avec le Rhône à l’aval de celle-ci ;
• pendant la phase de remontée du niveau de la retenue, la vitesse de montée de l’eau se trouverait accélérée à l’amont ;
• enfin, lorsque le volume de la retenue serait reconstitué, il faudrait à nouveau évacuer au barrage le débit entrant dans la retenue. Si la capacité de stockage était insuffisante, celui-ci aurait atteint une valeur supérieure à ce qu’elle était au début de la manoeuvre, ce qui créerait une montée de débit brutale à l’aval.
innondation par debordement d un vieux rhone
Dans les cas sur lesquels on aura fait les simulations, la situation pourra être améliorée, mais le risque de faire pire plutôt que mieux est tout à fait réel.
  • Soit une gestion « active » qui se baserait sur la prévision des débits du Rhône et de ses affluents. Le nombre infini des combinaisons possibles fait qu’il est impossible de programmer tous les scénarios possibles.

D’autre part il convient de rappeler que la connaissance en temps réel des débits est entachée d’une incertitude de 5 à 10 % au moins. L’incertitude sur les prévisions de débit est encore bien supérieure, et s’y ajoute l’incertitude sur l’instant où se présentera ce débit. Pour une crue de l’ordre de 10 000 m3/s, l’incertitude dans la connaissance du débit à 24 heures est de l’ordre de 2 000 m3/s à 4 000 m3/s. Pour garder l’exemple de Beaucaire, si l’on fait l’hypothèse d’un volume mobilisable de l’ordre de 10 millions de m3, cela pourrait correspondre à une réduction du débit de 500 m3/s pendant 6 heures. L’objectif est incompatible avec la précision actuelle en matière de prévision de débit.


Peut-on améliorer la situation en modifiant le débit dérivé en crue ?


Une question fréquemment posée est la possibilité, par une gestion différente des barrages et des usines CNR , de réduire l’importance ou l’effet des crues. Un débit différent en crue dans le canal de dérivation ne pourrait-il pas avoir des effets positifs sur les niveaux ?
Dans la situation actuelle à l’aval de Lyon, les consignes d’exploitation ne prévoient pas en crue de réduction du débit dérivé, à l’exception des chutes de Péage-de-Roussillon et Donzère-Mondragon, leurs digues n’ayant pas été dimensionnées pour une exploitation en crue à pleine charge. À l’amont de Lyon, les débits dérivés sont en général réduits (voire annulés sur Belley).
L’objet de la présente approche n’est pas d’expliquer la valeur actuelle des débits dérivés en crues mais d’examiner quels seraient les effets de leur modification.
Dans le cas où il serait possible d’augmenter en crue le débit dérivé, l’effet direct serait de réduire le débit de la crue dans le tronçon court-circuité par la dérivation, dont résulterait un abaissement des niveaux d’eau. Cet abaissement des lignes d’eau réduirait l’inondation des terres riveraines. Il en résulterait à l’aval de la restitution, pour une certaine gamme de débits (situés entre l’ancien et le nouveau seuil de submersion), une augmentation des débits de pointe et une accélération de la propagation de la crue par réduction de l’écrêtement. Cet effet serait bien sûr limité et s’éteindrait lorsque les terres riveraines du Vieux-Rhône seraient à nouveau inondées. La réduction du débit dérivé aurait bien sûr les effets contraires.
Dans le cadre de l’Étude Globale Rhône des simulations ont été faites pour estimer les avantages et inconvénients d’une gestion différente des débits dérivés sur le Haut Rhône. Elles ont mis en évidence des impacts peu significatifs qui n’ont pas justifié d’approfondir cette piste.

Des investigations complémentaires sont en cours pour le Bas Rhône dans le cadre du Plan Rhône. Elles semblent montrer que les effets sont sensibles dans les Vieux-Rhône mais peu significatifs en termes de modification des hydrogrammes aval pour les fortes crues.


Ce qu’il faut retenir


Les retenues des aménagements au fil de l’eau représentent des volumes négligeables en comparaison du volume d’eau écoulé par la crue. Elles contribuent malgré cela dans leur gestion actuelle à écrêter les crues en stockant une partie de leur volume.
Toutefois une optimisation de leur gestion dans cet objectif reste illusoire en l’état de l’art en matière de prévision des débits et, pour un résultat positif insignifiant, pourrait aggraver certaines situations.




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