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Le Rhône en 100 questions : 5-06 À débit égal les niveaux des crues du Rhône sont-ils plus hauts qu’autrefois ?

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le rhone en 100 questions multi579
Cette page fait partie du deuxième chapitre: "Le fonctionnement du fleuve", de l'ouvrage '"Le Rhône en 100 questions'", une initiative de la ZABR avec l'appui de toute l'équipe du Graie et soutenue par les instances qui ont en charge la gestion du fleuve.










Les valeurs de niveaux et de débits qui caractérisent le régime d’un cours d’eau au droit des stations d’hydrométrie sont en corrélation à un moment donné, mais elles peuvent évoluer de manière indépendante en fonction des conditions d’écoulement.


Chaque évolution de niveau dans une section d’écoulement modifie ce qui constitue la condition aval pour les écoulements dans la section juste en amont. Ce phénomène correspond pour les hydrauliciens à un remou.
De cette notion on déduit aisément que les modifications du lit d’une rivière peuvent influer sur les niveaux atteints pour un débit de crue donné et sur la courbe de tarage.



Sommaire

Comment sont pratiquées les mesures sur les cours d’eau ?


Pour établir les chroniques de hauteurs et de débits aux stations de référence, les hydrométriciens exploitent les stations qui enregistrent en continu les mesures directes de hauteurs.
Mais les débits doivent être calculés à partir de mesures ponctuelles de vitesses et de sections d’écoulement (jaugeages).
De nouvelles technologies capables de mesurer les débits en continu sont maintenant disponibles ; coûteuses, leur installation n’est pas encore généralisée. Les jaugeages restent des opérations complexes en période de crue, qui ne permettent pas d’exprimer des résultats avec une précision inférieure à 5 %.
L’objectif de l’hydrométrie est d’établir une courbe de tarage pour chaque station d’observation, c’est-à-dire une relation qui donne pour chaque hauteur observée le débit correspondant. Cette relation est en général extrapolée, à l’aide d’outils mathématiques, aux plus forts débits et cotes jamais observés. Les notions de base de l’hydraulique permettent de comprendre pourquoi cette courbe de tarage n’est pas toujours une relation stable. En prenant le cas d’un canal rigoureusement régulier, la hauteur d’eau pour un débit donné est proportionnelle à la débitance (qui, pour le lit mineur, correspond au débit maximum qui peut transiter sans débordement) et à la pente du fond du canal. Dans un lit moins régulier, les frottements sur les parois, les obstacles et les changements de section du lit interagissent pour modifier la débitance. Ces freins à l’écoulement provoquent une élévation de la cote d’eau ou, inversement, un abaissement en cas d’incision et d’enfoncement du lit.


Quelle est l’évolution du Rhône ?


Sur le linéaire du Rhône, en dehors des stations de mesure, on évalue les niveaux en relevant les lignes d’eau ou laisses de crue. On peut les calculer aussi à l’aide de modèles hydrauliques.
Les causes naturelles de modification des niveaux de crue ou des courbes de tarage sont liées aux phénomènes d’érosion des berges ou de mobilité du lit, aux effets du transport solide créant des zones de comblement ou d’incision. À plus long terme, le développement de la végétation et les dépôts alluvionnaires successifs influent également sur les conditions d’écoulement. Mais ces facteurs peuvent aussi se mettre en oeuvre rapidement sous l’action de débits importants pendant une crue.
Les causes anthropiques correspondent aux ouvrages (ponts, digues…) édifiés dans le lit majeur, aux zones remblayées et soustraites aux zones d’expansion des crues. Des causes accidentelles peuvent également survenir comme la formation d’embâcles. Mais les actions humaines peuvent aussi avoir pour objectif d’améliorer les conditions d’écoulement, comme par exemple les mesures compensatoires aux impacts d’un équipement nouveau. Dans la vallée du Rhône, l’activité humaine, particulièrement concentrée, a de tout temps eu des répercussions sur la capacité du lit majeur du fleuve. Les facteurs anthropiques potentiellement défavorables ont parfois été partiellement compensés par des facteurs plus favorables comme la chenalisation du lit et la mise au gabarit nécessaire à la navigation. Dans ce domaine, les épis Girardon ont eu un effet indéniable, sur le long terme, quand ils se sont comblés. Le transport solide peut encore intervenir, même s’il est limité par la diminution des apports provenant des affluents eux-mêmes aménagés.

la vallee du rhone a la fin du xixe siecle
la vallee du rhone aujourd hui

Que nous apprennent les relevés ?


La comparaison des niveaux et des lignes d’eau relevés entre le xixe siècle et aujourd’hui ne montre pas une évolution notable sur l’ensemble du Rhône, sauf pour certains secteurs précis : les niveaux de la crue de 1856 resteraient comparables à ceux atteints pour des débits équivalents aujourd’hui, à l’exception de secteurs qui avaient subi avant les aménagements de la Compagnie Nationale du Rhône (CNR ) un fort exhaussement du lit du Rhône, notamment les plaines de Donzère-Pierrelatte, Printegarde et Codolet.
Il a par exemple été constaté qu’en une centaine d’années (1856 à 1952) le lit du fleuve s’est exhaussé de manière continue de près d’un mètre dans le secteur de Pierrelatte. Quelques secteurs du Rhône sont encore dans une phase d’évolution. Ces secteurs associent le plus souvent des zones d’incision et des zones de dépôt qui exhaussent régulièrement les fonds du lit mineur. Il s’agitd’un phénomène complexe lié à la capacité de transport du Rhône et à la taille des sédiments. On l’observe dans la section en méandres du bief de Brégnier-Cordon, et dans le secteur de Miribel-Jonage sur le Haut Rhône. La plaine de Donzère-Pierrelatte a maintenant tendance à s’inciser. Enfin, la zone deltaïque de la Camargue est aussi en évolution, principalement sur le Petit-Rhône où les faibles pentes favorisent ponctuellement les dépôts.
Les crues importantes du Rhône aval de ces dernières années ont permis de faire des comparaisons : des niveaux un peu plus élevés que ceux de la crue de 1856 sur quelques secteurs ont été relevés pendant la crue de décembre 2003. Mais ces points restent à éclaircir par l’analyse des effets de la dynamique de la crue, des apports des affluents et aussi par rapport à l’évolution de la vallée du Rhône depuis 1856 : encombrement des plaines, évolution des pratiques agricoles, urbanisation…


Ce qu’il faut retenir


La relation entre les niveaux de crue et les débits est variable, au moins encore localement.
Il convient de rester modeste et de ne pas attendre des niveaux de précision élevés sur ce sujet fortement soumis aux limites des moyens de mesure et aux variabilités des conditions d’écoulement.
Il faut admettre que le Rhône n’est pas entièrement domestiqué et que malgré des périodes d’accalmie, il garde sa dynamique et peut se manifester violemment au moment des crues importantes.



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