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Changement climatique - submersions marines

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Version du 12 février 2013 à 16:53 par Iméne Benyoucef (discuter | contributions)

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Etudes&Documents n°55.jpg

Cette page fait partie de l'ouvrage intitulé "Impacts à long terme du changement climatique sur le littoral métropolitain" édité sous le numéro 55 d'octobre 2011 dans la collection "Etudes et ducuments" du Commissariat Général au Développement Durable du ministère en charge du Développement durable. Le sommaire et la présentation de l'ouvrage sont disponibles sur WIKHYDRO.



Sommaire

Ce que l’on constate actuellement

Définition

Les submersions marines sont « des inondations épisodiques de la zone côtière par la mer dans des conditions météorologiques (forte dépression et vent de mer) et marégraphiques sévères » (Garry et al. 1997). Il y a 3 modes de submersion marine possibles [31] :

  • « au débordement », lorsque le niveau de la mer est supérieur au niveau des ouvrages de défense ou aux trait de côte naturels,
  • à « des franchissements par paquets de mer » liés au déferlement des vagues, Les phénomènes de franchissement sont la conséquence d’une élévation instantanée du niveau marin lié au flux et reflux des vagues sur la plage. La hauteur d’eau maximale atteinte par la mer au dessus de son niveau moyen étant appelée run-up (cf. Figure 15).
  • « à la rupture ou à la destruction d’un cordon dunaire à la suite d’une érosion intensive, » ou « la rupture de digues ou d’ouvrages de protection », lorsque le niveau topographique en arrière est
    inférieure au niveau de la mer
figure 15 principaux parametres entrant en compte dans l evaluation des niveaux marins extremes

Quelques événements de submersion marine

Lors de la tempête du 1 février 1953, les submersions marines ont causé 2000 morts et l’évacuation de 72000 personnes en Hollande, 300 morts en Angleterre, 25 en Belgique, et de nombreux dégâts en Allemagne et en France. Si le caractère exceptionnel de la tempête (des surcotes de plus de 3m ont été observées) est en cause, l’entretien des digues avait été relativement négligé depuis les années 30, et a été un des facteurs aggravants de la tempête en Hollande notamment.
La tempête Lothar du 27 décembre 1999 a également causé des submersions marines.
Dans les Antilles et à la Réunion, les épisodes de houle cyclonique, éventuellement créés par des cyclones situés assez loin au large des côtes, sont à l’origine de submersions, de dégâts aux infrastructures par le choc mécanique des vagues, la mise en mouvement de débris et l’affouillement. A titre d’exemple, le cyclone de 1928 a causé 1200 morts en Guadeloupe. Il a été caractérisé par une submersion du « Petit Cul-de-sac marin » lié à une trajectoire particulière du cyclone. À la Réunion, outre les épisodes de houle cyclonique tels que Gamède (2007), la houle australe peut avoir des effets similaires : ainsi en mai 2007, une houle australe a fait 2 morts, coulé de nombreuses embarcations dans des ports et causé des dommages à des infrastructures côtières.

Origine des submersions marines

Les submersions marines sont souvent liées à des élévations du niveau marin lors de tempêtes ou de cyclone.
Les submersions marines sont liées à plusieurs phénomènes naturels qui sont des composantes du niveau marin (Niveau marin et surcotes ou l’impact des houles). La hauteur d’eau maximale atteinte par la mer au dessus de son niveau moyen (runup) est déterminée en cumulant le niveau de marée prédit, la surcote atmosphérique, le set-up et le swash.
Plus rarement, des submersions marines peuvent avoir des causes géologiques comme c’est le cas pour les tsunamis liés à des séismes sous-marins, des mouvements de terrain ou des éruptions volcaniques.

La problématique de submersion marine

Les dommages liés à une tempête sont liés à la conjonction de plusieurs phénomènes et pas uniquement de la surcote : pris individuellement, chacun des paramètres (hauteur des vagues,
surcote, marée) peut-être caractérisé par une probabilité d’occurrence. Pour autant, le caractère extrême d’une valeur donnée est souvent découplé des dommages causés par une tempête : ainsi, les plus fortes houles de la tempête du 24/01/2009 ont eu lieu à marée basse et n’ont pas causé de dégâts (au contraire des vents forts). Un autre exemple est la tempête du 10 mars 2008 qui a affecté les côtes bretonnes a causé de nombreux dommages (en particulier liés à des inondations) alors que, pris individuellement, chacun des paramètres n’était pas extrême : vents de 130 à 140km/h, hauteur significative de houle de 10 m sur la bouée des Pierres Noires mouillée au sud de Ouessant, marée de coefficient 105 (Sources : Météo-France, Previmer, Cetmef).

Vulnérabilité des zones côtières à la submersion

La caractérisation de la submersion est en premier lieu liée à l’étude des niveaux extrêmes de la mer.
Pour la France, par exemple, une étude du conservatoire du littoral indique que 80 % des sites du patrimoine (actuel et futur) du Conservatoire sont concernés par des phénomènes d’érosion et/ou de submersion [8].
L’aggravation de la pression anthropique sur le littoral précisée dans le chapitre sur l’érosion demeure pertinente ici. Cette pression accroît l’exposition à l’aléa de submersion temporaire.
Limitations des connaissances
L’ensemble des travaux disponibles ne permettent pas d’avoir une connaissance suffisamment fine tant des ouvrages que de la topographie (zones littorales et zones basses arrière-littorales) pour apprécier les conséquences sur l’ensemble du territoire français d’éventuelles submersions marines [20]. En particulier, les cotes d’altitude ne sont pas toujours connues avec la précision nécessaire pour établir les conséquences possibles d’une élévation du niveau marin de quelques dizaines de centimètres à l’horizon 2100 [8].

Ce qui pourrait se passer

Les impacts du changement climatique sur les facteurs de submersion

L’élévation du niveau moyen de la mer, engendrera une submersion permanente de zones basses et les niveaux marins extrêmes actuels seront atteints plus fréquemment qu’aujourd’hui
[15]. De nouveaux territoires feront l’objet de submersions temporaires lors de tempêtes.
D’autres conséquences du changement climatique pourront avoir un impact sur la submersion temporaire : c’est le cas de possibles changements pour les vagues extrêmes [29] développé dans la fiche « vagues ».
L’impact direct du changement climatique sur les régimes de surcote n’a été quantifié qu’à travers des travaux de recherche.
Le changement climatique aura des impacts sur chacun des trois modes de submersion :
– l’élévation du niveau moyen de la mer, et de plus fortes surcotes, pourront faciliter la submersion « par débordement »,
– l’augmentation de la profondeur d’eau en proche côtier facilitera la propagation des vagues d’amplitude plus importante à la côte, augmentant ainsi le risque de « franchissements par paquets de mer »,
– les plus fortes vagues arrivant à la côte pourront également générer des phénomènes d’érosion et de déstabilisation des ouvrages de défense, aboutissant à des ruptures.

Effets sur les côtes

L’élévation du niveau de la mer au cours des 100 prochaines années, les évolutions dans la fréquence et l’intensité des tempêtes se traduiront par un accroissement de la fréquence des surcotes, mais les effets précis sont incertains et dépendent de la nature des côtes.

Territoires poldérisés ou protégées par des digues

Pour les zones situées en deçà du niveau de la mer telles que la région de Dunkerque, l’aléa est en réalité lié au franchissement des digues, à la possibilité de rupture d’une digue, à un mauvais fonctionnement des écluses régulant le niveau des rivières ou bien à un dépassement de leur capacité à écouler l’eau douce en mer.
La résilience de ces territoires est fonction des capacités à gérer l’entretien des défenses contre la submersion et des infrastructures fluviales d’une part, mais dépend aussi la problématique de l’érosion qui peut venir fragiliser certains éléments de défense contre la submersion tels que des dunes de sable. Il conviendra, lorsque les enjeux le nécessitent, d’envisager de renforcer,
rehausser les structures de défense.

Zones basses non protégées par des digues

Pour les littoraux bas, l’élévation du niveau marin induira le franchissement plus fréquent des cordons dunaire et un risque de rupture aggravé de ces cordons. Cette nouvelle spatialisation de l’aléa de submersion temporaire est difficile à déterminer de façon précise en raison des incertitudes concernant l’élévation du niveau marin d’une part, mais aussi en raison d’un manque de données altimétriques précises en zone littorale et d’une relative méconnaissance des évolutions morphodynamiques des littoraux sur le long terme. Ceci reste donc du domaine de la recherche.

Marais

Les marais littoraux peuvent s’adapter jusqu’à une valeur d’élévation du niveau de la mer de 1cm/an (soit 1 m sur 100 ans) s’ils sont dans des conditions optimales d’apports en sédiments,
de salinité, de qualité des eaux et sous une pression anthropique modérée [25]. Si ces conditions ne sont pas remplies, les zones humides peuvent s’éroder et être submergées.

Baies et golfes

Les fonds de baies ou de golfes sont actuellement souvent en envasement en raison des apports des rivières et du fait que ces zones sont protégées des houles. La question qui se pose, est de savoir ce qui va avoir une action prépondérante : la situation actuelle ou l’élévation du niveau de la mer si celle-ci s’accélère.

Estuaires

L’élévation du niveau de la mer favorisera la pénétration des eaux salées dans les estuaires, pénétration qui pourra être localement compensée par l’augmentation du débit des fleuves.
Si le débit des fleuves reste relativement constant, le risque de submersion s’aggravera dans ces zones.

Changement global et submersions

Les remarques faites dans la fiche sur l’érosion demeurent pertinentes : l’attractivité des zones littorales est un facteur aggravant de l’exposition au risque de submersion temporaire des
différents aménagements installés sur le littoral (infrastructures, entreprises, urbanisation, …). Avec le changement climatique, cette situation devrait s’aggraver dans les zones basses, avec un risque de submersions plus important et/ou des coûts d’entretien des défenses côtières plus importants. L’élévation du niveau marin et le changement des régimes des vagues nécessiteront de revoir le dimensionnement de certaines infrastructures, mais aussi l’aménagement du territoire et en particulier des zones les plus exposées à l’aléa de submersion marine.

Analyse partielle sur les terrains du Conservatoire du Littoral (8):

Si la situation actuelle est préoccupante, on peut a priori estimer que l’impact de l’élévation du niveau de la mer restera assez limité sur les terrains du Conservatoire du Littoral : seuls 3 % de la superficie des terrains non endigués actuels sont exposés à la submersion, et seulement 2,6 % des acquisitions futures le seront.
En revanche, la submersion possible des vastes espaces endigués (ex. : les marais de Brouage) que le Conservatoire possède déjà ou qu’il est susceptible d’acquérir, est d’une toute autre ampleur. En effet, 7 % de la superficie des sites acquis et 17 % des acquisitions futures sont constitués de terrains situés en dessous du niveau des pleines mers actuelles.


Les effets possibles sur les milieux, les territoires littoraux et les activités humaines
Impacts possibles sur les milieux et les territoires
Types de territoires et milieux exposés Nature des impacts
Zones basses, zones endiguées, territoires poldérisés Endommagement des infrastructures, réseaux, aménagements côtiers
Zones basses et aquifères côtiers Salinisation des sols et des nappes phréatiques (si submersion)
Impacts possibles sur les activités humaines
Type d’activité Impacts
Urbanisation

Augmentation des couts d’entretien des défenses et des
aménagements contre la submersion

Réduction des surfaces disponibles pour l’habitat et les activités

Agriculture Modification de la qualité des sols (effets sur les rendements agricoles)
Usages de l’eau Modification de la qualité des eaux souterraines (effets sur
l’approvisionnement en eau de consommation).


Bibliographie

[8] CHURCH J.A., WHITE N.J. “A 20th century acceleration in global sea-level rise”, Geophys. Res. Lett., vol. 33, n° 1, 2006, L01602, doi.
[15] NICHOLLS R.J., WONG P.P., BURKETT V.R., CODIGNOTTO J.O., HAY J.E., MCLEAN R.F., RAGOONADEN S., WOODROFFE C.D., “Coastal
systems and low-lying areas” in : Climate Change 2007 : Impacts, Adaptation and Vulnerability. Contribution of Working Group II to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change / sous la direction de Canziani O.F., Palutikof J.P., Van der Linden P.J., Hanson C.E, Parry M.L., Cambridge, Cambridge University Press, 2007, pp. 315-356.
[20] ALLEY R.B., SPENCER M.K., ANANDAKRISHNAN S., “Ice sheet mass balance, assessment, attribution and prognosis”, Annals Glaciology A, vol. 46, 2007, pp. 1-7.
[25] LENOTRE N., PEDREROS R., “Impact du changement climatique sur le littoral”, Géosciences, n° 3, 2006, pp. 36-43.
[29] WANG X.L., SWAIL V.R., “Historical and possible future changes of wave heights in northern hemisphere oceans”, in : Atmosphere Ocean Interactions Volume 2 / Perrie W., Southampton, Wessex Institute of Technology Press, 2004.
[31] VIOLEAU D., Analyse des impacts possibles de l’effet de serre sur l’environnement maritime. Etude statistique succincte sur le littoral français, s.l., CETMEF, 2001.



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