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Le Rhône en 100 questions : 6-11 Le Rhône est-il pollué par des radionucléides artificiels ?

De Wikigeotech
le rhone en 100 questions multi579
Cette page fait partie du deuxième chapitre: "Le fonctionnement du fleuve", de l'ouvrage '"Le Rhône en 100 questions'", une initiative de la ZABR avec l'appui de toute l'équipe du Graie et soutenue par les instances qui ont en charge la gestion du fleuve.









Les radionucléides artificiels ont été émis dans l’environnement à partir du milieu du siècle dernier par l’utilisation militaire puis industrielle de l’énergie nucléaire. Le suivi mis en place depuis quelques années permet de dresser un bilan fiable de son niveau de contamination. Les données sont consultables par le public sur le site de l’IRSN http://eau.irsn.org/nucleaire.php.

Sommaire


Quelle est l’origine des radionucléides artificiels dans le Rhône ?


evolutions comparees des flux annuels
Les radionucléides (éléments radioactifs) artificiels présents aujourd’hui dans le Rhône proviennent :
  • des retombées atmosphériques globales liées aux essais nucléaires effectués entre 1945 et 1980 sur tout l’hémisphère Nord, ainsi que des retombées atmosphériques de l’accident de Tchernobyl, notamment en ce qui concerne l’isotope 137 du césium (137Cs), plus importantes sur ce bassin versant que sur ceux des autres fleuves français.
    Si la majeure partie des éléments à vie courte (moins d’un an) et moyenne issus de ces retombées a aujourd’hui disparu de l’environnement par désintégration, des activités rémanentes en 137Cs ou en plutonium (238Pu, 239Pu et 240Pu) sont observées dans les sols du bassin rhodanien.
    Par érosion, altération et drainage des sols, ces radionucléides artificiels se retrouvent petit à petit dans les cours d’eau.
  • des rejets liquides de l’industrie nucléaire, réalisés dans le cadre d’autorisations de rejet. Parmi toutes les installations nucléaires implantées le long du Rhône ou de ses affluents, le centre de retraitement du combustible irradié de Marcoule, mis en opération au début des années soixante, a constitué pendant longtemps le terme source prépondérant de radioactivité artificielle (238Pu, 239 + 240Pu, 137Cs, et américium 241Am).



Actuellement, la majorité du 137Cs mesuré à l’aval du Rhône provient du drainage des sols du bassin versant rhodanien. Pour le 238Pu, la source principale reste d’origine industrielle. On observe néanmoins une diminution importante des rejets à partir de 1990.

representation schematique dans les eaux du rhone
L’essentiel des rejets radioactifs des centrales nucléaires correspond aux rejets de tritium (3H) et de carbone 14 (14C). Le milieu hospitalier utilise aussi des radionucléides artificiels spécifiques. Leur utilisation est surveillée, les quantités mises en jeu sont limitées et leur contribution au marquage du milieu naturel reste sporadique.
Ces éléments possèdent des caractéristiques très différentes. Les isotopes du plutonium et de l’américium (éléments appelés aussi transuraniens) se distinguent notamment par la nature de leur rayonnement (respectivement alpha et bêta-gamma), leur période radioactive beaucoup plus longue (24 100 ans pour le 239Pu) et leur toxicité (faible pour le 3H, modérée pour le 137Cs et le 14C, forte pour le 60Co et très forte pour les 238Pu, 239 + 240Pu et 241Am).
Dans l’eau du Rhône, les niveaux moyens d’activité restent très faibles pour tous ces éléments, d’autant plus faible que la toxicité du radionucléide est élevée : de l’ordre du Becquerel par litre1 (Bq/l) pour le tritium, 10-3 Bq/l pour le 137Cs à 10-9 Bq/l pour les 239 + 240Pu.
Pour mémoire, la radioactivité naturelle en potassium 40 (40K) d’un homme est d’environ 4 000 Bq, soit de l’ordre de 50 Bq/kg.




Comment circulent les radionucléides artificiels dans le fleuve ?


Par érosion, altération et drainage des sols, ces radionucléides artificiels sont transférés au milieu fluvial sous forme dissoute et/ou associés aux matières solides. La plupart des radionucléides artificiels possèdent une affinité avec les matières en suspension.
Les espèces dissoutes et colloïdales sont transférées vers la mer en fonction du débit du fleuve. Celles fixées sur les matières particulaires sédimentent et s’accumulent dans les sédiments. Lors des crues, une partie de ces stocks peut être remise en suspension.


Quel est l’outil de caractérisation des niveaux des radionucléides artificiels ?


station sora
Le Rhône et ses affluents sont suivis par un réseau de stations implanté à proximité des sites EDF ; CEA ; COGEMA, ANDRA et des sites miniers.
Une Station Observatoire du Rhône en Arles (SORA), rattachée à l’Observatoire PErmanent de la RAdioactivité dans l’Environnement (OPERA, http://opera.irsn.org/opera/) a été mise en service en mars 2002 par l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) avec les concours financiers de la Région PACA et de l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée et Corse qui participe également à son fonctionnement.


L’un des objectifs de la station est le suivi des flux de radioactivité entrant en mer Méditerranée. Elle assure le suivi régulier des différents radionucléides artificiels émetteurs, alpha et gamma qui étaient déjà détectables en routine, et depuis le début 2007, des émetteurs bêta grâce à de nouveaux équipements.

Les prélèvements réguliers, réalisés plusieurs fois par jour, permettent la constitution d’un échantillon composite (moyen) par mois. Grâce à cette capacité d’échantillonnage et aux moyens métrologiques de haute performance, les niveaux traces des radionucléides artificiels peuvent être quantifiés jusqu’à environ 0,1 milli-Becquerel par litre d’eau (mBq/l).

Ces moyens permettent de démontrer que les seuls radionucléides artificiels émetteurs gamma aujourd’hui régulièrement détectés dans l’eau du Rhône sont les 137Cs, 60Co, 54Mn et 241Am. Leurs concentrations dans les eaux sont dans la majorité des cas inférieures à 10-9 ppb, soit en quantité infinitésimale par rapport à la plupart des polluants inorganiques stables (métaux lourds) ou organiques persistants.




Quel est l’impact des crues et des inondations ?


En période de crue (débit > 3 000 m3/s), des prélèvements à haute fréquence (tous les quarts d’heure) viennent compléter les prélèvements réguliers de façon à discrétiser le plus finement possible l’évolution des niveaux d’activité.
Les crues se traduisent pour le 137Cs par exemple, par une augmentation d’un facteur 100 des niveaux de concentration. Cette augmentation est due à l’élévation du flux de particules arrachées aux sols par ruissellement ou issues de la remobilisation de sédiments fluviaux dans lesquels sont stockés des radionucléides. Cette remobilisation des dépôts sédimentaires explique
aujourd’hui à elle seule, jusqu’à 40 % du flux de 239 + 240Pu en raison également de la diminution des rejets de Marcoule. Lors de la crue exceptionnelle de décembre 2003 et des inondations consécutives en Camargue, environ 5 Mt de matière solides et 75 GBq (milliards de Bq) de 137Cs ont transité vers la mer, soit environ 70 % du flux annuel de 137Cs en seulement 7 jours.
Une partie de ces limons (environ 15 %) et sables, déposés en Petite Camargue près des brèches du Petit Rhône, auraient ainsi apporté et déposé plusieurs milliards de Bq de 137Cs, de 239 + 240Pu, et plusieurs millions de 238Pu et de 60Co. Plus de 90 % de ces apports ont été répartis sur environ 10 km2 de sols cultivés, et près de 20 % ont été intégrés aux sols par incorporation des limons déposés. En moyenne sur la surface concernée, l’activité massique (Bq/kg) résultante des sols n’a pas été modifiée pour le 137Cs ; celle des limons déposés étant équivalente à celle des sols avant l’inondation. En ce qui concerne les isotopes du plutonium, l’activité massique (Bq/kg) des sols aurait été augmentée, en moyenne sur cette surface, de 7 % pour le 239 + 240Pu
et de 40 % pour le 238Pu.
Les résultats d’analyses effectuées sur des prélèvements de la chaîne alimentaire (produits maraîchers, herbe de prairie, lait) n’ont pas indiqué de valeurs significativement différentes de celles observées avant l’évènement. Ils ont ainsi permis de conclure à l’absence de contamination radioactive ou chimique des aliments.


Ce qu’il faut retenir


Les niveaux d’activité des radionucléides artificiels traditionnellement recherchés dans l’eau du Rhône sont en baisse.
Les seuls radionucléides artificiels émetteurs gamma régulièrement détectés en transit dans l’eau du Rhône aval sont les 137Cs, 60Co, 54Mn et le 241Am, à des concentrations infinitésimales par rapport aux autres polluants.
À l’occasion des crues, les stocks de sédiments accumulés dans le Rhône sont remobilisés en quelques jours et avec eux, l’essentiel du flux annuel de radionucléides, incluant ceux émis dans le passé.

Afin d’améliorer le suivi permanent des niveaux de radionucléides dans le Rhône, une station d’étude des flux particulaire et dissous a été mise en place en Arles par l’IRSN, en relation avec plusieurs partenaires scientifiques qui étudient les polluants chimiques et les nutriments.





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