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La prévision des crues à l'aide du modèle pluie/débit spatialisé ALHTAIR sur les bassins cévenols

De Wikigeotech

Sommaire

Contexte climatologique

Aperçu de la variabilité spatiale des pluies sur le bassin versant du gardon d'Anduze

Le territoire du SPCGD est régulièrement le théâtre de pluies intenses provoquant des dégâts importants. Ces phénomènes, dont la genèse et la dénomination sont décrits plus largement dans la bibliographie [1] [2], peuvent donner lieu à des cumuls importants et très hétérogènes sur un secteur tout en provoquant des crues rapides, souvent dommageables. Pour exemple, en septembre 2002 dans le Gard, on a observé des cumuls de plus de 400 mm sur les 2/3 du département, atteignant ponctuellement 700mm à l'épicentre. Pour suivre et anticiper au mieux les réactions hydrologiques engendrées lors de tels épisodes, le SPCGD a décidé de travailler à des résolutions spatiales et temporelles compatibles avec les caractéristiques physiques des phénomènes en présence. Pour cela, il utilise donc l'imagerie des radars hydrométéorologiques de son territoire couplée à un modèle pluie/débit distribué.

Données d'entrée

Plusieurs données sont nécessaires en entrée de la chaîne de modélisation temps réel :

  • Les données météorologiques

Afin de bénéficier d'une lame d'eau hydrologiquement exploitable, le SPCGD utilise le système CALAMAR (société RHEA) qui permet d'obtenir grâce à une correction (traitement des échos fixes et des masques, advection ), et une calibration (calage) à l'aide des données pluviométriques du SPC et de ses partenaires , une carte de pluies spatialisée au km².

  • Les données géomorphologiques du bassin versant modélisé

La modélisation nécessite de connaitre les temps de transfert de chaque maille du bassin versant. En tenant compte des pentes et du cheminement hydraulique de chaque maille du bassin versant, il est possible de reconstituer une carte des isochrones du bassin. Pour les bassins cévenols, le SPCGD a calé une loi spécifique de temps de transfert (voir fonction de transfert). L'utilisation de MNT sur SIG permet de disposer de grilles de temps de transfert sur les bassins étudiés.

  • Les données débimétriques

Afin d'optimiser les paramètres du modèle (calage en temps différé ou assimilation en temps réel), il est indispensable sur les bassins versants jaugés d'avoir la donnée débimétrique du lieu où est produite la prévision. Pour celà, le SPC s'appuie sur un réseau de plus de 130 stations limnimétriques sur lesquelles sont établies et mises à jour des courbes de tarage.

Le modèle pluie/débit distribué ALHTAIR

Comme tout modèle hydrologique à base physique, le modèle ALHTAIR dispose d'une fonction de production et d'une fonction de transfert. Cependant, s'agissant d'un modèle distribué, sur chaque maille du bassin versant un bilan de la fonction de production est établi en tenant compte de la pluie infiltrée localement . Une fois le bilan effectué, les débits résultants sont propagés à l'exutoire sur la base du temps de transfert calculé à partir de la maille.

La fonction de production

Equation alhtair.jpg

Proposée à la fin des années 90 par le SAC30 (actuellement SPCGD) [3], la fonction de production d'ALHTAIR est basée sur une adaptation du modèle d'infiltration Hortonien. Ce dernier permet à la fois de déterminer le ruissellement direct et les écoulements hypodermiques (écoulements retardés).

$ f(t)=f_c+(f_0-f_c)exp(-kt) $

  • $ f_0 $(mm/h) représente l'intensité d'infiltration au début de l'épisode de pluie
  • $ f_c $(mm/h) représente l'intensité d'infiltration atteinte à saturation
  • $ k $(mn^-1) représente le coefficient de décroissance exponentielle de l'intensité d'infiltration au cours du temps

D'après ce modèle, le régime d'infiltration d'intensité $ f(t) $ peut être décomposé en un régime permanent, d'intensité $ f_c $, et d'un régime transitoire $ (f_0-f_c).exp(-kt) $. En appelant $ H(t) $ le volume infiltré transitoire, on peut écrire que :

$ f(t)=f_0-kH(t) $

Le volume infiltré $ H(t) $ peut être assimilé à un réservoir alimenté par :

$ (f_0-f_c)exp(-kt) $

Le volume maximal de ce réservoir est égal à :

$ H_{max}= \int_{0}^{\infty}(f_0-f_c)exp(-ku)\, \mathrm du $

Pour tenir compte du ressuyage des sols au cours de périodes sans pluie, et de son influence sur la dynamique d'infiltration, le réservoir $ H(t) $ est également soumis à une vidange, fonction du niveau du réservoir et d'une intensité $ f_v $, :

$ Vid(t)=f_v\left( \frac{H(t)}{ H_{max}} \right)^\alpha $

  • $ f_v $(mm/h) représente l'intensité de vidange à saturation du réservoir $ H $
  • $ \alpha $ représente un coefficient de puissance

Cette vidange a pour effet de reconstituer la capacité d'infiltration $ f(t) $ au long des périodes sans pluie. De plus, la vidange du réservoir est intégralement rétrocédée à l'exutoire du bassin, sous forme d'écoulement de sub-surface, compte tenu de la dynamique lente de la vidange du réservoir. Le niveau du réservoir $ H $ est alors calculé au temps $ t $ par l'équation :

$ \frac{dH(t)}{dt}=(f(t)-f_c)-Vid(t)=fo-kH(t)-f_c-f_v\left( \frac{H(t)}{ H_{max}} \right)^\alpha $

sachant que $ H(0)=0 $ La production des débits contributifs d'une maille $ ds $ à l'instant $ t $ est égale à la somme des débits de surfaces et sub-surfaces :

$ R_{ds}(t)=P_b(t)-f(t)+Vid(t)=P_b(t)-(f_0-kH(t))+f_v\left( \frac{H(t)}{ H_{max}} \right)^\alpha $

Schéma de fonctionnement de la fonction de production
  • $ Pb $ représente l'intensité de pluie sur la maille de calcul à l'instant $ t $

Les paramètres $ \alpha, f_c, k, f_v $sont a priori des caractéristiques du bassin, indépendantes de l'épisode considéré. Le paramètre $ f_0 $ est pour sa part susceptible de varier en fonction des conditions initiales d'humidité des sols, et doit être relié à des descripteurs adéquats : débit de base, indice de pluies antérieures, mesures d'humidité, sorties de modèles de surface ….

Le calage proposé initialement [3] ne s'est finalement pas révélé en adéquation avec les premières utilisations opérationnelles du modèle. Constatant par moment une sur-réaction au ruissellement, un réservoir de pré-imbibition de hauteur maximale a été rajouté. Il permet ainsi d'atténuer et de retarder le ruissellement lorsque de fortes précipitations sont constatées. Sur le secteur des Cévennes gardoises, le calage est actuellement, pour un sol normalement saturé, de :

  • $ f_0=90mm/h $
  • $ f_c=10mm/h $
  • $ f_v=15mm/h $
  • $ k=0.575 $
  • $ \alpha=3 $
  • $ Si=20mm $

Une étude de spatialisation des paramètres sols a été menée [4] mais la variabilité des phénomènes et la marge d'erreur sur les données d'entrées ne permettent pas d'apprécier l'apport d'une telle modélisation. Pour le moment le calage de chaque paramètre est uniforme sur le bassin.

La fonction de transfert

Isochrone sur le bassin versant d'Anduze (en heure)

Proposée à la fin des années 90 par le SAC30 (devenu le SPCGD), la fonction de transfert appliquée aux bassins rapides achemine sans déformation la contribution de chaque maille à l'exutoire, en fonction d'un temps de transfert $ T_m $ calculé en fonction des caractéristiques géomorphologique du bassin :

$ T_m=\gamma\left( \frac{L^\alpha}{ P+\beta} \right) $

  • $ T_m $ en (mn) et $ L $ en (km) représentent le temps de parcours et la longueur du cheminement hydraulique de la maille jusqu'à l'exutoire
  • $ P $ en (m/m)représente la pente moyenne du cheminement
  • $ \alpha,\beta,\gamma $ les 3 paramètres de la fonction

Les valeurs calées par le SPCGD sur son territoire sont $ \alpha=0.75 $, $ \beta=0.08 $ et $ \gamma=1.5 $ Du fait de la réactivité de la fonction de transfert, et la non prise en compte de phénomène hydraulique le long du cheminement, le modèle est uniquement utilisable sur les bassins à fortes pentes et d'une superficie inférieure à 500km².


Résumé schématique de la chaîne opérationnelle

Au droit de chaque maille du bassin et à chaque pas de temps de 5minutes on transforme la pluie brute, fournie par les images radar, en pluie contributive résultante (après application de la fonction de production). Ce schéma est alors reproduit sur toutes les mailles du bassin afin d'obtenir un hydrogramme de crue à l'exutoire.

Schéma du modèle sur une maille unitaire>>>>>>>>>>>>généralisation du calcul à toute les mailles du bassin versant

La particularité du modèle fait qu'une pluie mesurée nulle peut tout de même conduire à une pluie contributive non-nulle du fait de la vidange de sub-surface.


Il existe aujourd'hui 2 modes de simulation possibles :

  • Le mode simulation : le calcul est stoppé à l'instant $ t $ et l'hydrogramme de sortie ne prend pas en compte le ressuyage des sols
Scenario pluie obs alhtair.bmp
  • Le mode prévision : le calcul est poursuivi après l'instant $ t $ avec les informations fournies (pluie prévues ou nulles). L'hydrogramme de sortie intègre les débits contributifs après l'instant t issus du ressuyage des sols ou des pluies à venir.
Scenario pluie prevue alhtair.bmp


Actuellement, le modèle ALHTAIR permet de surveiller une soixantaine de bassins du territoire du SPCGD. En effet, un déploiement d'Alhtaïr a été effectué pour surveiller les tronçons du territoire "non cévenols". Le portage du code s'est traduit essentiellement par une variation du paramètre $ f_0 $ (capacité maximum d'infiltration). Ainsi, si $ f_0 $ est maintenu à 90mm/h pour le bassin versant de l'Ardèche (encore à caractère cévenol), il est ramené à 70mm/h pour les bassins de l'Ardèche moyenne (Eyrieux, Ouvèze-07) et les bassins Vauclusiens de l'Aygues et de l'Ouvèze-84. Il est enfin réduit à 50mm/h pour les bassins nord-ardéchois (Cance, Doux) ainsi que pour le Buëch dans les Hautes-Alpes. Cette régionalisation de la capacité d'infiltration des sols par grande zone est par ailleurs cohérente avec la spatialisation régionale des régimes hydrologiques.

Lorsque ces derniers sont jaugés il est possible alors d'apprécier la véracité des résultats et d'affecter une certaines confiance aux résultats produits sur les bassins voisins non jaugés. Il est ainsi devenu un outil essentiel pour la construction de modèle sur les bassin versant supérieurs à 500km². Sur ces derniers, les apports des bassins versants non-jaugés sont estimés à partir du modèle Alhtair et injecté dans le modèle débit/débit. Les simulations ci-dessous témoignent de la bonne performance du modèle (ici sur le bassin de la Baume(07) à Rosières).

Alhtair rosieres nov2008.bmp Alhtair rosieres nov2011.bmp
Les simulations ci-dessus témoignent de la bonne performance du modèle (ici sur le bassin de la Baume(07) à Rosières)


Recherches et développements

  • Le code Alhtair, initialement encapsulé dans un outil propriétaire peu évolutif, a été implémenté dans la plateforme de modélisation ATHYS [5]. Cette plate forme facilite notamment les assimilations de données sur les paramètres du code Alhtaïr, et particulièrement ceux de la fonction de production. Suite au programme de recherche BVNE mené sur le Gardon d'Anduze, la plateforme ATHYS est maintenant disponible (en test) dans sa version temps réel au SPCGD, permettant ainsi une optimisation du modèle en temps réel.
  • Depuis quelques années, les sécheresses persistantes de l'été contribuent à modifier la capacité initiale du réservoir sol. Le calage moyen obtenu auparavant devient alors caduque pour le premier épisode survenant après ces longues périodes sans pluie. Le SPCGD travaille donc à une initialisation automatique du modèle Alhtaïr (paramètres $ f_0 $ ou $ f_v $) en adéquation avec l'indice Hu2 issu de la chaîne SIM de Météo-France. En effet, cet indice spatialisé HU2 disponible quotidiennement dans le réseau SPC/SCHAPI, permet d'apprécier l'humidité initiale des sols. C'est un des axes de recherche pour le calage initial des conditions d'infiltration des bassins sur le territoire du SPCGD.
  • Un projet SCHAPI-Météo-France utilise le modèle en y intégrant les prévisions AROME à 30h

Références

  1. http://pluiesextremes.meteo.fr/episodes-mediterraneens_r48.html
  2. http://www.risquesmajeurs.fr/mieux-comprendre-les-épisodes-cévenols
  3. Le projet ALHTAIR du service d'annonce des crues du Gard, La Houille Blanche n°2-2002 (p64-68)
  4. Contribution à la spatialisation du modèle opérationnel de prévision des crues éclair ALHTAIR, P.-A. Ayral, thèse 2005
  5. http://www.athys-soft.org outil de modélisation développé par HydroScience Montpellier


Le créateur de cet article est Yann Laborda
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Le créateur de cet article est Fabrice Mannessiez
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