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Digues littorales en terre : cas des terres basses et des sols compressibles

De Wikigeotech

Sommaire

Introduction

La défense des terres littorales contre la mer est parfois assurée, avec plus ou moins d'efficacité, par des ouvrages en terre situés sur des terres basses constituées de sols meubles ou compressibles (argiles molles, tourbes, ...). C'est par exemple le cas dans la baie de l'Aiguillon à l'estuaire de la Sèvre Niortaise, entre les départements de la Vendée et de la Charente-Maritime, ou encore en bordure de nombreux marais littoraux ou estuaires. Le comportement de ces ouvrages, et le rôle qu'ils jouent, ne sont pourtant pas obligatoirement à la hauteur du besoin de protection de populations qui résident en arrière d'eux. Ils n'ont pas toujours été conçus pour cela, et les conditions de leur réalisation, comme de leur entretien, sont largement dictées par leur environnement immédiat et les matériaux disponibles. Cet article ne fait pas une analyse complète de l'état et du rôle de ces ouvrages au sein d'un système de défense contre les submersions marines, mais expose un certain nombre de caractéristiques qui leur sont propres, et que les auteurs estiment utiles à prendre en compte dans une telle analyse.

Terres basses et sols compressibles sur le littoral

Certains territoires en bord de mer sont constitués par des terres basses, que l'on définira par de vastes étendues d'altitude quasiment uniforme et proche du niveau de la mer. Entre des parcelles aux sols meubles se trouvent des réseaux de fossés, talus et digues, ainsi que des plans d'eau épars. Ces territoires sont souvent localisés au voisinage des estuaires ou dans des zones de marais saumâtres gagnées sur la mer.

Les superficies concernées sont variables, les secteurs les plus étendus se rencontrent au centre de la façade atlantique de la France. C'est par exemple le cas de la baie de l'Aiguillon, dans laquelle se jette la Sèvre Niortaise, des marais de Guérande ou de la baie de Bourgneuf en Loire-Atlantique. C'est aussi le cas des rives de la Gironde. Ces terres basses, pratiquement situées au niveau de la mer, ont été pour certaines d'entre elles durement touchées par les récentes tempêtes qui ont traversé le pays. C'est notamment le cas de la tempête Xynthia, qui a provoqué le 28 février 2010 des inondations meurtrières en Vendée et Charente-Maritime. Pourtant, ces territoires sont bordés, voire quadrillés, de digues en terre. Elles sont le seul élément de relief pouvant s'opposer à l'avancée des eaux, et ont cependant montré des faiblesses, tant par leurs dimensions que par leur résistance à l'attaque des flots.

Le sol de ces terrains est un matériau réparti de manière homogène, résultant de dépôts géologiques récents (postérieurs au pléistocène). Il sert de support aux activités (cultures, voirie, bâtiments) et fournit en même temps les matériaux de constructions pour les digues. Très meuble, il est qualifié de compressible car les ouvrages construits dessus entraînent sa déformation, par l'effet de leur poids. Cette déformation peut avec le temps fragiliser une digue, car elle en abaisse la crête, et en diminue ainsi le rôle de protection.

La photographie ci-dessous illustre le type de paysage qui nous intéresse ici : des parcelles en prairie, entrecoupées de digues, routes et fossés. Observé ici suite à l'inondation par la tempête Xynthia, le paysage est en temps normal exempt d'eau, hormis dans des retenues ou fossés en relation avec la mer et susceptible de se remplir à la marée montante.

vue aerienne de digues et de leur environnement de terres basses

Figure 1 : Vue aérienne de digues et de leur environnement de terres basses (Source Sécurité Civile)

Contraintes pour les digues sur les terres basses dont les sols sont compressibles

D'un point de vue pratique, on peut considérer que ces digues et le sol qui les supportent ne font qu'un. Âgées de plusieurs dizaines d'années, voire de plusieurs siècles, elles ont été construites avec le matériau disponible sur place, aisé à collecter. La circulation d'engins lourds, difficile sur les terrains meubles avoisinants, est du reste un frein à l'usage de matériaux extérieurs. A cette difficulté s'ajoutent des distances parfois longues à parcourir depuis les routes du continent.

La question de la circulation d'engins lourds est aussi un frein à l'entretien de ces digues, qui doit là encore se faire avec le plus de facilité possible, donc de préférence avec des matériaux proches.

Une fois construites, ces digues sont exposées à des phénomènes de tassements internes (le corps de la digue s'affaisse sur lui-même) ou externes (la digue s'enfonce dans le terrain avoisinant,dont nature peut conduire à un abaissement de l'ouvrage de plus d'une dizaine de centimètres), et qui peuvent être aggravés par l'excavation en pied de talus. Cette excavation crée un fossé le long de la digue, et élimine l'ensemble de la couche sur-consolidée de surface (la croûte superficielle). Le matériau sous-jacent, ramené à la surface, est sensiblement plus déformable que celui qui le surmontait.

Ceci est une caractéristique importante des digues décrites ici : leur vulnérabilité n'est pas seulement relative à l'attaque de l'eau lors des tempêtes, elle se manifeste également par temps sec. Cela résulte d'une part des phénomènes de tassement cités précédemment, et d'autre part de possibles dégradations de la crête, occasionnées par la succession des phases de pluie et d'assèchement par le soleil. La photographie ci-dessous montre le niveau de gravité que peut atteindre cette dégradation. La digue qui y est présentée, réparée quelques mois auparavant, présente des crevasses, qui vont jusqu'à provoquer l'effondrement des talus.

Enfin, ces digues sont insérées dans un milieu naturel environnant en général de grande qualité biologique, support de bio-diversité et écosystème essentiel pour de nombreuses espèces animales et végétales. Elles contribuent pleinement à la vie de ce milieu et constituent un élément important du paysage. Les travaux opérés sur ces digues auront donc un impact sur le milieu et le paysage qui doit être pris en considération.

vue d une crete de digue en terre subissant d apparition de crevasses

Figure 2 : Vue d'une crête de digue en terre subissant l'apparition de crevasses (Auteur : F. Clément, CETE du Sud-Ouest)

Problèmes de résistance aux assauts de la mer, et d'entretien

Au pied de digues en terres, lorsqu'il est situé du côté de la mer et touché par les flots, le courant et les vagues peuvent provoquer des phénomènes d'érosion. La pente du talus se raidit à mesure que son pied est attaqué. Les matériaux sont saturés en eau et les caractéristiques mécaniques sont affaiblies. Cet enchaînement se poursuit par des glissements de terre favorisant des perturbations hydrauliques puis l'ouverture d'une brèche.

Le phénomène de surverse, qui se produit lorsque les eaux atteignent le niveau de la crête en un point bas de celle-ci, produit un processus comparable, mais dans lequel c'est le talus opposé à la mer qui est progressivement dégradé jusqu'à une brèche ou une ouverture quasiment complète, comme l'on peut en voir sur la photographie ci-dessous.

Les érosions externes (matériau attaqué à la surface de la digue) et les affouillements peuvent être analysées au regard de trois grands facteurs :

- la vitesse moyenne de l'eau le long de la digue, qui dépend de la distance de la digue par rapport à la mer. Certaines digues sont ainsi fortement exposées lorsqu'elles se situent aux abords immédiats de la mer,

- les perturbations hydrauliques locales qui entraînent des tourbillons et des courants plus élevés,

- la nature et l'état de protection (matériau enherbé, à nu, fissuré, présentant des crevasses...) du talus de la digue côté mer.

vue aerienne de breches dans des digues en terre

Figure 3 : Vue aérienne de brèches dans des digues en terre (Source Sécurité Civile)

Conclusion

Les digues littorales en terre situées sur des terres basses et des sols compressibles représentent une partie non négligeable des ouvrages de la façade atlantique. La construction et l'entretien de ces ouvrages sont l'objet d'importantes contraintes. Elles concernent notamment la prise en compte de la consolidation des sols supports, non seulement pour limiter les tassements pendant la vie de l’ouvrage, mais également sur sa hauteur à court terme qui peut être altérée par des dégradations superficielles.

A ces difficultés s’ajoutent des contraintes hydrodynamiques importantes qui réclameraient l’emploi de matériaux nobles pour garantir un niveau de protection contre la submersion marine. Ce type de travaux représente un investissement à confronter aux enjeux défendus historiquement (marais et zones naturelles, polders…) et à des objectifs de protection de populations résidentes ou d'infrastructures.

De plus, ces ouvrages se situent dans des zones naturelles sensibles, voire des réserves naturelles protégées. Les ouvrages de défense à la mer construits avec et sur les sols de terres basses sont donc soumis à des règles de travaux supplémentaires, qui poussent avec les difficultés évoquées précédemment, à des compromis particuliers.

Références et liens utiles

  • HANSON G. J., TEMPLE D.M., HUNT S.L., TEJRAL R. D., Development and characterization of soil material parameters for embankment breach, American Society of Agricultural and Biological Engineers ISSN 0883-8542, 2011.
  • MERIAUX P., ROYET P. et FOLTON C., Surveillance, entretien et diagnostic des digues de protection contre les inondations. Guide pratique à l’usage des propriétaires et des gestionnaires. Cemagref Editions, 2004.
  • RESPAUD C., CLEMENT F., REVEL J., QUEBRE F., GAUTIER J., GARDET S. et DUBREUCQ T., Tempête Xynthias du 28 février 2010, Examens des digues des côtes de CHARENTE-MARITIME, CETE du Sud-Ouest, Département Laboratoire de Bordeaux, Mai 2010.



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