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Analyse des risques naturels et des différentes formes d’altération du substrat sur la ville d’Aguas Calientes (Machu Picchu pueblo), Pérou

De Wikigeotech

Sommaire

Introduction

Avec le Colisée de Rome ou encore le Taj Mahal et la grande Muraille de Chine, le Machu Picchu fait parti depuis 2007 des sept Nouvelles Merveilles du Monde. Ce sanctuaire historique a été découvert en 1911 par Hiram Bingham, célèbre explorateur nord-américain. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des sites archéologiques les plus importants au monde. Il culmine à 2 430 mètres d’altitude sur un site montagneux lui-même plongé dans la forêt tropicale [1]. Egalement localisé au niveau du bassin supérieur de l’Amazone, le secteur offre une faune et flore aussi riche que variée. Cette citée sacrée, édifiée pendant l’empire Inca (1438-1532), a aussi été déclarée Patrimoine Culturel de l’Humanité.


Machu Picchu.bmp

  Site historique Machu Picchu


Le site se trouve entre plusieurs montagnes escarpées pouvant culminer à plus de 5500 mètres d’altitude et a été construit entre deux pics précis : le Machu Picchu (veille montagne) au nord et le Huayna Picchu (jeune montagne) au sud. 800 mètres plus bas, on retrouve la rivière Urubamba, qui une fois joint à la rivière Tambo forme l’Ucayali, l’un des affluents du fleuve Amazone.

Il existe un seul et unique accès au site historique : la petite ville d’Aguas Calientes (récemment renommée Machu Picchu Pueblo). Cette dernière a été entièrement fondée pour des raisons touristiques qui ne sont autres que créer un accès au site archéologique. La construction a commencé en 1911, dix ans après la découverte du site. Cette ville est un point clé et est actuellement en grand danger. Par exemple, en avril 2004, six personnes y ont trouvé la mort suite à deux glissements de terrain. On a également dénombré 5 disparus, 6 blessés et plus de 1600 personnes bloquées sur le site, ne pouvant redescendre [2].


Afin d'éviter toute confusion sur la suite de l'article, voici comment est défini le risque au Pérou:

  RISQUE = DANGER x VULNÉRABILITÉ

avec:

  • Risque : Estimation mathématique de pertes humaines, matérielles et économiques, sur une période de temps spécifique et une surface géographique définie, relatives à une situation d’urgence.
  • Danger : Probabilité d’occurrence d’un phénomène naturel ou anthropique avec un potentiel dangereux sur une période de temps spécifique et une surface géographique définie. En général, le danger est identifié à l’aide la science et de la technologie.
  • Vulnérabilité : Degré de résistance ou/et d’exposition d’un ou de plusieurs éléments face à l’occurrence d’un danger. Elle peut être de nature physique, sociale, économique, culturelle…


Par exemple:

Tableau exemples danger vulné risque pérou.bmp


Les dangers présents sur la zone

Les glissements de terrains ne sont malheureusement pas les seuls dangers de la zone. Qu’ils soient d’origine naturelle ou anthropique, ils sont aussi importants que variés. Voici un récapitulatif des dangers recensés sur la zone [3] :


Les dangers présents sur la zone d’Aguas Calientes de ses alentours.bmp

  Les dangers présents sur la zone d’Aguas Calientes de ses alentours


Par le passé et encore très récemment, ces évènements ont fortement endommagé l’environnement et affecté la population. Voici quelques illustrations recensées sur la zone d’Aguas Calientes :

  • Glissements de terrains

Glissement de terrain, secteur d'Aguas Calientes.bmp

  Glissement de terrain, secteur Aguas Calientes
  Source - INDECI Cusco


  • Inondations

Inondations, secteur Aguas Calientes.bmp

  Inondations, secteur Aguas Calientes
  Source - INDECI Cusco


  • Effondrements

Effondrements, secteur Aguas Calientes.bmp

  Effondrements, secteur Aguas Calientes
  Source - INDECI Cusco


  • Avalanches

Sommets enneigés, secteur Aguas Calientes.bmp

  Sommets enneigés, secteur Aguas Calientes
  Source - INDECI Cusco


  • Erosion fluviale

L'Érosion fluviale est un phénomène qui a lieu surtout sur les côtés concaves des méandres où la vitesse de l’eau est plus grande.

Observation de l’érosion fluviale avec les années, secteur Aguas Calientes.bmp

  Observation de l’érosion fluviale avec les années, secteur Aguas Calientes
  Source - INDECI Cusco


  • Incendies forestiers

Incendie forestier, site archéologique Aguas Calientes.bmp

  Incendie forestier, site archéologique Aguas Calientes
  Source - INDECI Cusco

Comme on peut le constater à travers ces diverses illustrations, la ville d’Aguas Calientes, ainsi que ses alentours, est un secteur très sensible. C’est pourquoi il est essentiel d’étudier les phénomènes climatiques et géologiques qui se présentent sur la zone. La compréhension de ceux-ci nous permettra par la suite d’élaborer des plans d’actions adéquats afin de préserver l’intégrité de ces zones en danger.

Pour traiter au mieux le sujet j’ai choisi de développer le danger inondation et ses facteurs liés tels que l’érosion, les alluvions ou encore les glissements de terrain; qui me paraissent majeurs sur cette zone. Nous étudierons également comment la végétation ou encore le climat peuvent influer sur l’altération des roches et favoriser les dangers cités précédemment. Nous développerons les phénomènes d’altération chimique à travers l’exemple de l’hydrolyse de l’orthose et finirons avec quelques recommandations et mesures de prévention.

Le diagnostic situationnel de la ville

Situation géographique et hydrologique de la zone d’Aguas Calientes.jpg Schéma et fonctionnement du cône alluvial de la zone d’Aguas Calientes.jpg

  A gauche: Situation géographique et hydrologique de la zone d’Aguas Calientes
  A droite: Schéma et fonctionnement du cône alluvial de la zone d’Aguas Calientes



Visualisation des reliefs de la zone les cours d’eau Aguas Calientes et Alcamayo et la ville d’Aguas Calientes.jpg Situation géo Machu Picchu Aguas Calientes.jpg

  A gauche: Visualisation des reliefs de la zone  les cours d’eau Aguas Calientes et Alcamayo et la ville d’Aguas Calientes
  A droite: Situation géographique du sanctuaire Machu Picchu par rapport à la ville d’Aguas Calientes


Aguas Calientes est situé sur un cône alluvial (Figures ci-dessus). Celui s’est formé, avec le temps, des accumulations de matière apportées par les cours d’eau Aguas Calientes et Alcamayo. Ces accumulations sont liées à diverses ruptures de pente de la zone montagneuse dont les cours d’eau émergent. Le cône est en constante évolution car contrôlé par les écoulements torrentiels chargés en sédiments et débris [4].

Le danger inondation

L’origine des eaux

Les eaux de surface de la zone ont deux origines principales. Tout d’abord, les précipitations des bassins Alcamayo et Aguas Calientes qui sont une combinaison de pluies orographiques et de pluies convectives locales. Elles atteignent en moyenne les 2000mm par an avec un maximum au mois de janvier (saison des pluies) avec 373mm et un minimum de 37mm au mois de juin (saison sèche). Des débits très importants sont atteints en janvier, février et mars ; mois pendant lesquels se produisent de nombreuses inondations, coulées de boues, alluvions, huaycos… [4]

Ensuite, les eaux provenant de la fonte des glaciers environnant tels que le Salkantay (6277m), le Chullunku (5800m), le Verónica (5700m) ou encore l’Ausangate (6385m). Il est important de noter la que la zone est également riche en ruisseaux, lagunes, sources d’eaux chaudes, lacs…

Cartographie des dangers

La ville d’Aguas Calientes est divisée en 4 zones de dangers. Tout d’abord, au niveau du lit mineur et de ses bordures, on rencontre les dangers suivants : inondations, érosion et coulées de boues. Ensuite, au niveau du lit majeur, on retrouve les dangers d’inondations et de coulées de boues. Au niveau du centre-ville, des habitations et infrastructures, le danger principal est celui des pluies intenses. Enfin, les alentours du centre-ville ainsi que les collines et montagnes sont situés sur une zone de danger liée à l’érosion pluviale.

Dans un environnement normal, ces différents dangers ne présenteraient aucun risque. Cependant, les enjeux économiques liés à l’activité touristique de la zone sont tellement importants qu’ils l’emportent sur tout le reste et notamment sur la partie sécurité et la gestion des risques. C’est pourquoi l’état a laissé toute une ville se construire sur une zone où les phénomènes naturels sont majeurs, variés et très fréquents. Au-delà des 2500 touristes quotidiens, les vulnérabilités y sont maintenant indénombrables. De nombreux projets, plans ou études ont été réalisés, menant à de nombreuses recommandations et mesures de prévention. Mais à nouveau, les plus hautes autorités ferment les yeux face aux enjeux économiques.

Voici la carte des zones inondables, d’érosion, de coulées de boues et de pluies intenses de la ville d’Aguas Calientes :


Carte des zones inondables.bmp

  Carte des zones inondables, d’érosion, de coulées de boues et de pluies intenses de la ville d’Aguas Calientes
  Source - Rapport final du Programme des Villes Durables, Aguas Calientes.



Habitation construite (et tolérée par les autorités à l’encontre des recommandations de sécurité) sur le lit mineur de la rivière Vilcanota, Aguas Calientes.png

  Habitation construite (et tolérée par les autorités à l’encontre des recommandations de sécurité) 
  sur le lit mineur de la rivière Vilcanota, Aguas Calientes
  Source - INDECI Cusco

Les formes d’altération du substrat

La majeure partie de la zone est située sur un massif rocheux granitique : le batholite de Vilcabamba. Ce dernier est d’origine magmatique plutonique et est composé d’adamellite (roche acide contenant orthose, plagioclase, quartz, hornblende et biotite) et de granodiorite (roche intermédiaire entre les granites et les diorites quartziques, dont les constituants sont le quartz, un plagioclase, de l'orthose, de la biotite et un peu de hornblende). De même, celui-ci serait hercynien, c’est-à-dire qu’il daterait de la période géologique d'orogenèse qui s’étale du Dévonien (-400 millions d'années) au Permien (-245 millions d'années).

Les massifs granitiques sont composés de nombreuses fractures et fissures liées aux mouvements de terrains.

Altération physique

La ville d’Aguas Calientes est située à 2000m d’altitude, ce qui rend les alternances gel-dégel très fréquentes. La zone étant également très humide, les phénomènes de cryoclastie y sont favorisés [4]. En effet, lorsque l’eau gèle, elle augmente son volume ; ce qui provoque l’élargissement des fissures et crée davantage de fractures.

Aussi, la forêt tropicale est l’une des zones les plus diversifiées en matière de flore (Figure 12). La végétation y est très dense et étalée sur plusieurs strates. Chaque type de végétation est très spécifique et possède ses propres caractéristiques. Cela est principalement dû au taux d’ensoleillement qu’il a reçu. La forêt tropicale péruvienne abrite plus de 90 espèces d’orchidée, c’est l’une des plus grandes réserves au monde.

La zone d’Aguas Calientes étant située dans une zone tropicale, la végétation y est très dense et certains arbres et racines datent de plusieurs décennies [4]. Le réseau racinaire est donc très développé, ce qui entraîne une forte altération des roches du substrat par l’éclatement de celles-ci par les racines.


Niveau végétation.jpg Roches racines.jpg

  A gauche: Niveau de végétation de la forêt tropicale selon leur taux d’ensoleillement
  Source - http://www.bbc.co.uk
  A droite: Éclatement de roches par des racines
  Source - http://svt.cpf.edu.lb

Altération chimique

42.jpg

  Phénomène d’altération chimique des roches granitiques due aux eaux de pluie
  Source - Cours sur l’altération des roches - Université de Picardie, Jules Verne


Par ses fissures et diaclases, les roches granitiques laissent l’eau de pluie s’infiltrer et circuler (Figure ci-dessus).

Les minéraux les plus sensibles sont hydrolysés ou dissouts, ce qui entraîne la formation de sable (arène granitique). Les blocs granitiques diminuent et s’arrondissent. Par la suite, la plupart du sable est entraîné par les eaux de ruissellement laissant derrière elles les roches s’entasser [5]. La zone d’Aguas Calientes est fortement diaclasée ce qui la rend très vulnérable et favorise les mouvements et glissements de terrains.

De plus, la zone se situe dans la forêt tropicale (jungle), où le climat est chaud et humide. Le taux d’humidité de la zone est très élevé toute l’année. Il est en moyenne de 92%, atteint son maximum de 95,3% en mars et son minimum de 88,5% en septembre. Les milieux chauds et humides favorisent largement les réactions chimiques et donc les phénomènes d’altération chimique.

Les différents facteurs d’altération et d’érosion étudiés participent amplement à la fragilisation et l’instabilité des sols de la zone et de la ville d’Aguas Calientes. On en déduit que la zone est très propice aux phénomènes d’érosion, d’alluvions ou encore de glissements de terrain.

Dégradation des granites et hydrolyse de l’orthose

En présence d’eau, les substrats subissent divers phénomènes d’altération chimique. Tout d’abord, les roches peuvent subir un premier phénomène : l’hydratation. Dans ce cas, les molécules d’eau s’attachent à d’autres molécules présentes dans les roches, les faisant gonfler et entraînant leur désintégration. Les substrats peuvent également subir un deuxième phénomène : l’hydrolyse. Là, les molécules d’eau se joignent à d’autres éléments de la roche, changeant ainsi sa composition et la fragilisant [6].

Intéressons-nous au phénomène d’hydrolyse, et plus précisément celle du granite (roche majoritairement présente sur la zone d’Aguas Calientes) et de l’orthose.

Divers facteurs influencent la nature des argiles formées (Figure ci-dessous). Tout d’abord, le climat (chaud, froid, sec, humide…) joue sur la puissance de l’hydrolyse. En milieu chaud et humide, les hydrolyses sont favorisées et donc plus fortes. La topographie (relief, hydrographie) est également un facteur clé. En effet, les pentes sont plus nombreuses et plus abruptes en altitude (montagne). Cela favorise largement la mise en mouvement des eaux et donc les hydrolyses. Le dernier facteur influençant est la nature de la roche. Si celle-ci est acide comme le granite, son altération favorise la formation de kaolinite, d’illite ou de gibbsite. Au contraire, si elle est basique telle que le basalte, elle aura tendance à former des argiles comme les smectites ou les sépiolites.


Les facteurs qui influencent la nature des argiles formées.bmp

  Les facteurs qui influencent la nature des argiles formées
  Source - Cours sur les réactions d'hydrolyse et la production d'argiles, ENS Lyon - http://eduterre.ens-lyon.fr


L’orthose est un minéral de la famille des feldspaths potassiques présents dans les roches plutoniques et métamorphiques. Elle se présente sous forme de cristaux, est transparente à translucide, son éclat est vitreux et sa couleur incolore à blanche. Sa formule chimique est le KAlSi3O8.

Lors d’une fracture quelconque de la roche, l’eau entre en contact avec ses faces cristallines. Des substitutions d’ions ont alors lieu entre le milieu cristallin et l’eau. Dans le cas de l’orthose, les ions H+ prennent la place des ions K+, qui deviennent alors libres dans le milieu aqueux. C’est le phénomène d’hydrolyse de l’orthose. Celui entraîne une élimination progressive des cations des formations minérales puis l’instabilité de ces dernières.

La réaction générale de l’hydrolyse est la suivante :

  Minéral primaire + Eau >>>>> Minéral secondaire + Solution de lessivage


Il existe trois types d’hydrolyse : la bisiallitisation, la monosiallitisation et l’allitisation [7]. Les deux premiers phénomènes sont des hydrolyses partielles alors que le dernier est une hydrolyse totale. Sous un climat chaud et humide, tel que celui de la zone d’Aguas Calientes, ce sont les phénomènes d’allitisation et de monosiallitisation qui sont les plus courants. Les minéraux les plus formés sur la zone sont la kaolinite et la gibbsite (Figure ci-dessous).


Hydrolyse et zonation climatique.bmp

  Hydrolyse et zonation climatique
  Source - Cours sur l’origine géologique des argiles, ENS – http://www.normalesup.org


Dans le cas de l’hydrolyse totale, le minéral est détruit en plusieurs plus petits composés tels que des hydroxydes ou des ions. Et dans le cas de l’hydrolyse partielle, des argiles (composés silicatés) sont produits. Dans le cas de l’orthose, voici les réactions qui se produisent :


  • Hydrolyse totale (allitisation):

Hydrolyse totale (allitisation).bmp

La gibbsite est un minéral composé d’hydroxydes d’aluminium.


  • Hydrolyse partielle (monosiallitisation):

Hydrolyse partielle (monosiallitisation).bmp

La kaolinite est un minéral argileux composé de silicate d’aluminium hydraté.



Le phénomène d’hydrolyse sous ses différentes formes.bmp

  Le phénomène d’hydrolyse sous ses différentes formes
  Source - Cours sur l’altération des roches, UPJV- http://www.u-picardie.fr


Le granite est donc une roche plutonique riche en silice et en minéraux hydroxylés qui compose la lithosphère continentale. Cette dernière s’est formée lors du magmatisme de subduction entre les plaques sud-américaine et de Nazca.

Suite à ce magmatisme, le batholite de Vilcabamba et la zone d’Aguas Calientes se sont formés et leur érosion a permis la mise à nu du granite initialement en profondeur. Exposé à l’eau, celui-ci est très sensible aux phénomènes d’altérations physique et chimique…

Associée aux autres phénomènes, les hydrolyses dont celle de l’orthose favorisent le processus de dégradation des granites et de formation des argiles.

Plus largement, ces phénomènes entraînent fragilisation et instabilité des sols, ce qui provoque éboulements, chutes de pierres et glissements de terrain.

Les recommandations et mesures de prévention/atténuation

Les dangers géologiques

Tout d’abord, comme mesure de prévention, on pourrait installer un système d’alerte précoce en amont des deux rivières Aguas Calientes et Alcamayo qui surveillerait en permanence leur croissance. Cela permettrait d’alerter la population en avance et de faire évacuer les zones les plus dangereuses.

Ensuite, il serait nécessaire de réduire les conséquences des coulées de boues et débris des rivières Aguas Calientes et Alcamayo. Il serait intéressant d’installer des systèmes de rétention capable de retenir et contenir boues, roches et débris ; afin de réduire les volumes de matières qui arrivent au niveau de la ville. Le système devrait être capable de retenir la matière tout en laissant passer les eaux.

Aussi, il serait important d’atténuer l’érosion et la destruction des talus des rivières Aguas Calientes et Alcamayo. On pourrait construire des murs de protection en gabions (beaucoup utilisés en Amérique du Sud).

Pour les chutes de pierres, on pourrait envisager l’installation de grillages de protection et filets pare-pierre ; au minimum pour les zones les plus vulnérables (nord et sud-ouest de la ville).

Les dangers géotechniques

Tout d’abord il serait primordial de faire respecter les Arrêtés Municipaux interdisant la construction d’habitations et infrastructures sur les bords des rivières et procéder à la relocalisation des habitations actuelles situées en zone à haut risque. De même qu’il serait essentiel de faire respecter les règles de construction et de choix de matériaux.

Ensuite, il faudrait aussi nettoyer, au moins tous les ans, le lit et les bordures de chaque rivière avant et après la saison des pluies. Cela éviterait la formation de vagues et l’inondation locale de certaines zones. Les blocs de pierres extraits pourraient même être utilisés pour la fabrication des murs de gabions.

Les dangers hydrologiques

Il est primordial de redélimiter les lits mineurs des 3 rivières et de restaurer les zones envahies. On en revient à la relocalisation des habitations et infrastructures présentes sur les zones à risque dans un environnement sûr. Il n’existe malheureusement pas d’espaces permettant le développement de la ville. Il serait donc nécessaire de lancer un projet pour revoir l’organisation même de celle-ci et optimiser les espaces les plus sûrs.

Pour plus de détails quant à l’évaluation des risques de la zone :

  • Annexe 1: Carte des vulnérabilités de la ville d’Aguas Calientes
  • Annexe 2: Carte des risques naturels de la ville d’Aguas Calientes

Conclusion

La situation de la ville d’Aguas Calientes est aujourd’hui très critique et ne va pas en s’améliorant. Les vulnérabilités et les dangers y sont aussi divers qu’élevés. Malgré cela, les enjeux économiques que représente cette ville l’emportent sur la sécurité humaine et la gestion des risques.

Des constructions sont tolérées dans les zones les plus inondables et vulnérables. Certaines habitations sont même construites sur le lit mineur des rivières et aucun projet de relocalisation n’est entrepris. Cela malgré les dizaines d’habitations similaires emportées par les eaux ces dernières années, sans compter les personnes décédées. On va jusqu’à reconstruire à des endroits où quelques mois auparavant tout a été détruit, sachant que la prochaine saison des pluies en fera de même. Aussi, la plupart des zones de sécurité définies par la défense civile n’est pas respectée et utilisée pour de nouvelles constructions.

Multiples sont les études projets, études et recommandations (d’origine nationale ou internationale) réalisés sur la zone. Malgré cela, tout le monde ferme les yeux, notamment les plus hautes autorités. Pourtant, de nombreuses mesures de prévention et d’atténuation qui permettraient de réduire considérablement les risques, sont réalisables.

Etant piégée entre les montagnes, la ville entière ou partie de la ville ne pourrait pas être relocalisée. La réorganisation de la ville et l’optimisation de ses lieux les plus sûrs sont primordiales ; tout comme le respect des consignes de sécurité et interdiction de construction.

Il est également essentiel de renforcer la formation au sein des gouvernements locaux ainsi que la formation et la sensibilisation des populations. Quant au nombre de touristes autorisés par jour, il faudrait le revoir à la baisse. En cas d’évènement majeur, des mouvements de foule en panique seraient catastrophiques.

Pour réduire les risques naturels les plus importants, il serait nécessaire de procéder de manière immédiate au dégagement des lits mineurs, à la stabilisation et au renforcement des talus, au nettoyage en période sèche des rivières et à l’installation de filets pare-pierres.

Enfin, il serait intéressant investir dans un système d’alerte précoce qui permettrait de mesurer et de surveiller les rivières Aguas Calientes et Alcamayo en amont.


La ville d’Aguas Calientes, enclavée entre les massifs rocheux de la Cordillère des Andes.bmp

  La ville d’Aguas Calientes, enclavée entre les massifs rocheux de la Cordillère des Andes
  Source : INDECI-Cusco

Références

[1] Municipalité d’Aguas Calientes http://munimapi.com/

[2] Reordenamiento urbano y desarrollo cultural en centros históricos, Machu Picchu pueblo, PROYECTO ESPECIAL PLAN COPESCO, 2012

[3] Alto a los desastres: viviendas seguras y saludables para los peruanos con menores recursos, INDECI & PNUD, 2010

[4] Programa Ciudades Sostenibles, ciudad de Machu Picchu, PROYECTO INDECI & PNUD, 2012

[5] Cours sur l’altération des roches, UPJV – Université de Picardie, Jules Verne http://www.u-picardie.fr

[6] Cours sur les réactions d'hydrolyse et la production d'argiles – Ecole Normale Supérieure Lyon http://eduterre.ens-lyon.fr

[7] Cours de sédimentologie, ULB - Université Libre de Bruxelles http://www.ulb.ac.be

Annexes

Annexe 1 : Carte des vulnérabilités de la ville d’Aguas Calientes


Carte des vulnérabilités de la ville d’Aguas Calientes.bmp

  Carte des vulnérabilités de la ville d’Aguas Calientes
  Source : Rapport final du Programme des Villes Durables, Aguas Calientes


La ville d’Aguas Calientes et ses alentours compte 5500 habitants. Il faut y ajouter un minimum de 2500 touristes par jour, ce qui nous amène à un total d’au moins 8000 personnes au quotidien. Au niveau des infrastructures publiques, on compte un collège, deux centres de santé, la municipalité, un centre civique, deux marchés couverts et deux complexes sportifs. Pour ce qui est du privé on compte la gare, une clinique, les habitations (dont beaucoup sont faites d’adobe !) et un nombre incalculable d’hôtels.

Le point le plus sensible de la ville est pour le moment la rive droite du Vilcanota. En effet la rivière érode en permanence le talus laissant à découvert et vulnérables de nombres habitations et infrastructures. Les importantes inondations de 2010 ont ainsi détruits plusieurs maisons et portions de route. La voie ferrée est également très près de la rivière. En période de crue, elle est fréquemment recouverte rendant impossibles les voyages. Mais les dégâts pourraient être plus graves. Si la rivière continue ainsi à éroder le talus, les prochains épisodes d’inondations et huaycos pourraient détruire de façon importante une partie de la voie. De même, les deux centres de santé, la clinique et le collège se trouvent sur les lits majeurs du Vilcanota et du Aguas Calientes.

Annexe 2 : Carte des risques naturels de la ville d’Aguas Calientes


La carte des risques naturels de la ville.bmp

  Carte des risques naturels de la ville d’Aguas Calientes
  Source : Rapport final du Programme des Villes Durables, Aguas Calientes


Cette carte est divisée en 3 niveaux de risques, chacun combinant les vulnérabilités et les différents dangers suivants selon leur occurrence et leur nature :

- géologique : pentes abruptes, chutes de pierres, colluvions, alluvions…

- géotechnique : érosion des sols, érosion des talus, érosion des fondations…

- hydrologique : pluies intenses, inondations, coulées de boue, érosion fluviale…



Le créateur de cet article est Adeline Bordais
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