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Analyse Coûts-Bénéfices sur aménagements hydrauliques : cas de Pauillac, PAPI de l’estuaire de la Gironde

De Wikigeotech

Sommaire

Une analyse nécessaire à la labellisation du PAPI

L’analyse s'inscrit dans le cadre du PAPI d'intention de l'Estuaire de la Gironde porté par le SMIDDEST. Afin de permettre la labellisation du PAPI, le cahier des charges PAPI préconise la réalisation d'analyses Coûts-Bénéfices (ACB). Ces analyses ont pour but de justifier l'efficacité financière des opérations nécessitant un investissement important (25 % du montant global du programme ou un aménagement supérieur à 2M€). L'objectif de la présente étude est donc la réalisation de l'ACB sur les aménagements envisagés à Pauillac dans le quartier de la Verrerie (fiche action 7.12 du PAPI). L'analyse de la rentabilité économique est complétée par certains indicateurs non-monétaires évalués dans le cadre d'Analyses Multi-Critères (AMC).

Présentation des aménagements

Projet d’aménagement de Pauillac

L’étude préliminaire de définition des mesures de protection à mettre en place sur le quartier de la Verrerie à Pauillac, réalisée par le bureau d’étude ARTELIA, montre que le site est fortement vulnérable face au risque inondation. C’est pourquoi, il a été décidé de mettre en œuvre des mesures de protections contre l’événement 99+20 qui fait référence dans l’estuaire. Ceci dans le but de réduire la vulnérabilité des habitations et donc de la population impactée par les inondations.

Ce projet d’aménagement est l’objet de la fiche action 7.12 du PAPI de l’Estuaire de la Gironde. Les travaux envisagés sont présentés sur l'illustration:

  • Séquence 1 : Création d’un muret en béton,
  • Séquence 2 : Réhaussement d’un merlon en terre,
  • Séquence 3, 4, 5, 7 : Création d’un merlon de terre,
  • Séquence 6 : Chemin à rehausser,
  • Mise en place de 9 ouvrages hydrauliques.

Le coût total de l’investissement pour la construction des aménagements a été évalué à 824700 € HT (ce chiffrage à été fourni par le SMIDDEST, il ne prend pas en compte les éventuelles acquisitions foncières). Un ratio de 3% du montant d’investissement est pris afin d’obtenir les coûts d’entretien liés aux aménagements.

Modélisations hydrauliques

Le cahier des charges PAPI impose l’évaluation des dégâts sur 3 crues au minimum. Cette évaluation est réalisée en situation avant et après aménagements. Les trois scénarios d’inondation ont été modélisés à l’aide d’un modèle hydraulique 2D sur Télémac.Les scénarios d'aléas étudiés sont de type maritime. Le tableau suivant synthétise les données d’entrée du modèle :

Evénement Date Coefficient max. de marée Débit max. Garonne (m3/s) Débit max. Dordogne (m3/s) Surcote (m) Vitesse max. vents (km/h)
Fréquent 13/12/1981 106 1700 900 0.57 86
Moyen/référence Théorique 1999+20cm 77 3560 1360 1.55+0.2 194
Extrême Théorique 115 1158 786 1.55+0.2 194

Ces crues sont de type maritime. En effet, même si l’estuaire est sous influence fluvio-maritime, l’influence maritime prédomine sur Pauillac. La période de retour de ces crues est un élément essentiel pour l’annualisation des dommages (voir paragraphe...). Pour les événements maritimes ce sont les hauteurs d’eau aux marégraphes du Grand Port Maritime de Bordeaux (GPMB) qui permettent d’approcher la période de retour. Pour les hauteurs d’eau servant de référence à la caractérisation des crues de types submersions marines, nous utilisons des lois statistiques construites dans le cadre des études RIG aux marégraphes du Grand Port Maritime de Bordeaux sur la base d’une analyse historique des hauteurs d’eau maximum observées. Pour le site de Pauillac, le marégraphe de Pauillac a été pris comme référence. Le tableau met en évidence les périodes de retour associées aux scénarios modélisés :

Événement cote (m NGF) Période de retour estimée (ans)
Fréquent 4.02 10
Moyen 4.69 400
Extrême 5.2 1000

Enfin, dans le cadre des situations de référence ou situations avec projets, aucune hypothèse n’est faite sur la tenue des ouvrages existants.

Recensement des enjeux

recensement des enjeux à Pauillac

Il convient de caractériser chaque enjeux, pour pouvoir calculer les dommages causés par les différentes crues et pour chaque situation. Dans cette étude 5 types d’enjeux ont été caractérisés dans la zone d’impact hydraulique des aménagements:

  • les habitats,
  • les surfaces agricoles,
  • les activités économiques,
  • les établissements publics(et équipements)
  • et le camping.

Le recensement a été réalisé par des visites de terrain, analyses de photographies aériennes et recherches internet (voir illustration). Ceci a permis de caractériser différents paramètres (hauteurs de seuil, présence d’étage de sous-sol, type de culture, type d’activité, type d’établissement public...). Ces paramètres sont nécessaires à l’application des courbes de dommages permettant d’évaluer les dommages subits par types d’enjeux.

Calcul et annualisation des dommages

exemple de courbe des dommages

L’identification des 5 types d’enjeu sur la zone d’étude est réalisée sur un Système Information Géographique (SIG). Le croisement de cette donnée avec les aléas modélisés (Fréquent, Référence, et Extrême) permet d’évaluer les hauteurs d’eau, la vitesse, les durées et les superficies inondées pour chaque type d’enjeu et chaque scénario d’inondation.

Les dommages sont alors évalués grâce à des courbes de dommages spécifiques à chaque type d’enjeux présents sur la zone d’étude. A noter que seuls les dommages tangibles directs entrent en compte dans cette ACB.

Les courbes de dommages utilisées dans cette ACB, sont les courbes moyennes de dommages nationales préconisées dans le cahier des charges AMC de juillet 2014 (CGDD, 2014). En outre, les dommages sur les mobil-home du camping ont été évalués selon la grille de dommage construite dans le cadre de l’ACB sur l’ORB en 2006 réalisée par BRL ingénerie et le CEMAGREF.

Ces coûts obtenus pour chaque scénario d’inondation permettent de construire une courbe fréquentielle des dommages liés aux crues en situation actuelle et aménagée. Chaque point de la courbe est représentatif d’une crue de période de retour caractéristique. L’intégration des dommages par la période de retour de chaque crue permet d‘annualiser les dommages des crues.

Les dommages moyens annuels (DMA) correspondent selon les annexes techniques ACB de 2010 à :

$ DMA=\int_{f=0}^1 D(f)df\ $

Avec D( f ) le dommage pour l’événement de fréquence f =1/T et T la période de retour de la crue. Cela correspond à la surface sous la courbe des dommages (voir illustration),qu’il faut donc évaluer. On obtient un DMA avant projet et un DMA après projet.Les dommages évités moyens annuels (DEMA) sont donnés par la différence entre le dommage moyen annuel sans mesure et le dommage moyen annuel avec mesure:

DEMA = DMA(sans mesure) – DMA(avec mesure)

Les dommages évalués sur le site de Pauillac sont les suivants :

  • DMA situation actuelle : 116167€
  • DMA situation de projet : 6095€
  • DEMA : 110072€

Il en ressort que les dommages sont réduits de près de 95 % avec la mise en œuvre du programme d’action(réduction du montant des dommages évités annuels de 110 K€). Le projet est efficace au regard des dommages aux biens.

Évaluation de la rentabilité économique du projet

L’ACB vise à mettre en relation le montant de l’investissement des aménagements définis avec le bénéfice associé. Ceci dans le but de mettre en évidence ou non l’ efficience économique du projet.« Mesurer l’efficience d’un projet, c’est vérifier qu’il produit du bien-être social (c'est-à-dire de la valeur nette pour la société)» [1] . Pour cela, deux indicateurs synthétiques sont évalués :

  1. La valeur actualisée nette (VAN)
  2. Rapport bénéfices/coûts (B/C)

Le calcul de ces deux indicateurs nécessite de fixer des hypothèses sur deux paramètres :

  • la durée de vie du projet
  • le taux d’actualisation.

Au vu du type d’aménagements envisagés (digues, mûret-béton,...), la durée de vie du projet est prise égale à 50 ans. Le taux d’actualisation est constant à 2.5 % jusqu’en 2070, selon les préconisations du Commissariat Général à la Stratégie et à la Prospective.

La VAN

La VAN mesure les flux économiques générés par le projet. Selon le guide méthodologique AMC 2014, elle peut s’interpréter comme la quantité de dommages économisés par la société, déduction faite des coûts, grâce aux investissements faits. Elle est donnée par la formule suivante :

Sur le secteur de Pauillac, la VAN est positive au bout de 12 ans. Le projet permet d’économiser sur 50 ans 1.60M€ à la société (déduction faite des coûts).

Le ratio B/C

e ratio B/C peut s’interpréter comme le retour sur investissement de chaque euro investi dans le projet[2]. Il est calculé avec la formule ci-dessous :

Au bout de 50 ans un 1€ investi dans l’aménagement permet un bénéfice net de 2€.

Période B/C
30 ans 1.7
40 ans 1.9
50 ans 2

Robustesse de l'ACB

Des tests de sensibilité ont été réalisés sur différents paramètres facteurs d’incertitudes dans l’ACB. Ceci dans le but d’évaluer la robustesse de l’analyse. Les paramètres principaux pouvant influencer notablement l’ACB sont :

  • Le montant du projet et celui des dommages
  • La période de retour de la crue fréquente puisque la crue débordante n’a pas été caractérisée.
  • Le coût d’entretien des ouvrages
  • La hauteur des seuils

La sensibilité de chacun de ces paramètres, a été testée, afin d’appréhender la robustesse de l’ACB. Le montant d’investissement a été testé puisque l’évaluation initiale du coût du projet ne tient pas compte des hypothétique acquisitions foncières (tableau suivant) :

Investissement(€] initial initial+10% initial+20% initial+30% initial+40% initial+50%
VAN>0 (ans) 12 13 15 18 20 23
VAN à 50 ans (K€) 1595 1442 1290 1137 984 832

Malgré une augmentation de 50 % du montant d’investissement, la VAN reste positive à l’horizon 50 ans (832k€). Là encore, ce test amène aux conclusions initiales, le projet est rentable économiquement parlant. Les différents tests de sensibilité sur chacun des paramètres listés ci-dessus ont prouvé la robustesse de l’analyse Coûts-Bénéfices du projet d’aménagement sur Pauillac.

Autres indicateurs de l'AMC

Ces indicateurs permettent de compléter les résultats obtenus par l’ACB en complétant l'approche de la compréhension des impacts, des dommages et des gains sur la base d'indicateurs d'enjeux non monétarisés.

Nombre de personne habitant en zone inondable (P1) et Part de personne habitant en logement de plain-pied en zone inondable (P2)

L'objectif de ces indicateurs sur la santé humaine P1 et P2 est d'ajouter une dimension essentielle liée à la réduction du nombre de personnes résidant en zone inondable après mise en place des aménagements.

La méthodologie utilisée pour évaluer ces indicateurs, est celle préconisée dans les annexes techniques du guide AMC. Ces deux indicateurs fontl’objet d’une évaluation pour le scénario de dimensionnement avant et après projet. Et des cartographies conformes aux annexes techniques AMC 2014 exposent ses résultats. De nos estimations quant à l’évaluation de P1, il ressort qu’environ 12,4% (627 habitants) de la population de Pauillac est impactée par les inondations pour l’événement de référence à l’état actuel. Cependant à l’état aménagé, il n’y a plus que 4,6 % (232 habitants) de la population qui est affecté par les inondations (à la marge d’erreur près). Ainsi, en terme de valeur absolue la mise en place du projet d'aménagement permet de mettre 395 personnes hors zone inondable. L’évaluation de l’indicateur P2 montre, pour l’événement de référence, en situation avant projet, 32,9 % (206 habitants) de la population des zones inondables habite en maison de plain-pied. En situation aménagée, ce pourcentage passe à 16,8 % (39 habitants).

Le Nombre Evité Moyen Annuel (NEMA) d’habitants en zone inondable

Son objectif est de mesurer l’efficacité du projet. Plus précisément, le NEMA mesure l’efficacité du projet au regard de la mise en sécurité des populations. L’indicateur Nombre d’habitants en zone inondable est défini par l’indicateur P1 pour le scénario de référence. Cet indicateur doit être calculé pour différents scénarios d’inondation.

Tout comme le calcul du DEMA, le calcul de cet indicateur est réalisé en 3 étapes :

  • l’évaluation du NMA d’habitants en zone inondable en situation avant projet,
  • l’évaluation du NMA d’habitants en zone inondable en situation avec projet,
  • et enfin, le calcul du NEMA (nombre moyen annuel d’habitants protégés par le projet) définit par la formule suivante :

NEMA = NMA (sans mesure) – NMA (avec mesure)

L’évaluation du NEMA habitants sur Pauillac (tableau suivant) montre que le nombre de personne habitant en zone inondable est réduit de près de 62 % avec la mise en oeuvre du programme d’action. Ceci permet d’éviter qu’en moyenne annuelle 19,6 personnes ne vivent en zone inondable. Le projet est efficace au regard de l’objectif de mise en sécurité des populations.

Le ratio C/NEMA habitants

Cet indicateur synthétique a pour objectif, selon le guide AMC de juillet 2014, de mesurer le rapport coût-efficacité du projet. En d’autres termes, il évalue si l’objectif du projet est bien atteint à moindre coût. Il s’évalue à partir de l’indicateur du coût total du projet divisé par le NEMA habitants.

Le guide AMC 2014 définit le coût total du projet par la formule ci-dessous :

Le rapport coût-efficacité (C/NEMA) est dans ce cadre estimé à 77 878 euros HT. Ainsi le projet représente pour la société un coût total moyen par habitant protégé de 78k€ HT.

Un projet d'aménagement pertinent

Malgré des éléments perfectibles, l’analyse de sensibilité semble attester de la robustesse de l’ACB pour le projet d’aménagement du quartier de la Verrerie à Pauillac. Ainsi Le projet est efficace au regard de l’objectif de mise en sécurité des populations et au regard des dommages aux biens, et l’efficience économique du projet a été prouvée : il est rentable économiquement parlant.

  1. guide méthodologique AMC, 2014
  2. guide méthodologique AMC, 2014

Auteur : C. Augeard

Rémy Gasset (discussion) 20 novembre 2015 à 16:34 (CET)

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